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08 décembre 2017

Carnet / Mégalo nécro

johnny hallyday,carnet,note,journal,nécrologie,presse,blog littéraire de christian cottet-emard,variétoche à deux balles,chanson,variété,bruit,boucan,vociférations,humeur,information,hiérarchie de l'information,hiérarchie dans les arts,jean-pierre le goffUn chanteur de variété à succès est mort. Je n'ai rien à en dire car il ne représentait rien pour moi sur le plan musical, artistique.

Je m’interroge en revanche sur le sens des cataractes de nécrologies échappant à toute mesure qui s’abattent sur la presse écrite et audiovisuelle.

En achetant le Figaro de jeudi pour son supplément littéraire, j’aurais dû me méfier. Chaque fois que ce qui est considéré comme un événement d’ampleur se produit, c’est toujours le supplément littéraire qui dégage, remplacé cette fois par un cahier entier consacré au défunt.

Seul le supplément économique du journal était vierge de toute allusion au chanteur alors que cette rubrique était à mon avis la plus appropriée pour recevoir l’hommage à l’homme au cent dix millions de disques vendus.

Dans cette édition du Figaro, même la Une avait disparu au seul profit d’un portrait de scène accompagné d’un éditorial évoquant un trésor national. Dans d’autres médias, on parle de la disparition d’un monument national. La tour Eiffel se serait-elle effondrée ? Le Louvre aurait-il sombré dans un cratère ? Notre Dame de Paris se serait-elle envolée vers des cieux plus cléments ? Non, un chanteur de variété est mort.

Cette hallucinante surenchère larmoyante, ce matraquage et ce renoncement définitif à toute hiérarchie de l’information sont des signes, ainsi que l’écrit Roland Thévenet sur son blog, que le pays va mal, très mal.

Pour m’informer de l’actualité de la France et du monde dans un journal que je paye pour cela, il m’a fallu feuilleter jusqu’à la page 8, les précédentes étant exclusivement remplies par la logorrhée nécrologique, sauf la page 6 contenant l'analyse pertinente de Jean-Pierre Le Goff.

À la télévision, le pire n’est pas que les rentiers de l’émotion viennent rouler leurs larmes, notamment les vieux crocodiles du show-biz, mais que les journalistes présentateurs décrètent le chagrin automatique pour l’ensemble de la population. Et chacun, y compris le politique toujours angoissé de se louper, de pousser sa petite variation : On a tous en nous quelque chose de Johnny Hallyday (Macron), Nous avons tous un souvenir lié à une de ses chansons, j’en passe et pas des meilleures.

Ce nous qu’ils emploient d’autorité me déplaît car pour ma part, je n’ai absolument rien en moi de Johnny Hallyday, je n’ai et ne voudrais pas du tout avoir un seul souvenir lié à une de ses chansons dont je ne connais d’ailleurs que des bribes qui me sonnent aux oreilles contre mon gré depuis cinquante-huit ans et que j’aurais peut-être le malheur d’entendre encore le jour où je serai trop vieux pour couper moi-même le son d’une sono, d’une radio ou d’une télé.

Si je devais me trouver un jour funeste dans cette situation, je prie Dieu qu’une âme charitable vienne me coiffer d’un casque avec une œuvre classique suffisamment puissante pour couvrir la voix et le son de l’idole des vieux de ma génération.

 

 

15 novembre 2017

Dans la presse

Anne Zelensky : à lire ici

 

13 septembre 2017

Carnet / Suite du billet (Du primo-romancier et du spermatozoïde)

(Première partie à lire ici)

carnet,note,billet,édition,premier roman,littérature,presse,le figaro littéraire,primo-romancier,rentrée littéraire,spermatozoïde,réussite,blog littéraire de christian cottet-emardLa notion de premier roman est assez récente dans l’histoire de la littérature, elle date de ce que j’appellerais l’industrialisation de la production de fiction plus ou moins littéraire, c’est-à-dire de l’époque à laquelle les éditeurs qui sont aussi et surtout des entrepreneurs ont assumé leurs statuts de producteur et de commerçant avec les charges et les contraintes que cela implique. Ils ont donc des produits à vendre à un public le plus large possible. Aussi choquant que cela puisse paraître, ces produits sont non seulement des livres mais aussi leurs auteurs. L’édition étant une entreprise, elle est soumise à la première règle du monde marchand, l’expansion ou la disparition.

L’émission littéraire Apostrophes programmée à une heure de grande écoute à la télévision entre 1975 et 1990 a entériné ce constat. Ce programme était devenu si puissamment prescripteur auprès du grand public que les éditeurs jouaient des coudes pour y envoyer leurs auteurs. Les effets de leurs prestations sur le plateau se mesuraient très vite dans les jours suivant la diffusion en termes de ventes en librairie, ce qui entraîna une banalisation de la notion de best-seller installant durablement dans l’esprit du grand public l’idée qu’un livre au succès commercial restreint ou moyen illustrait l’échec de son auteur.

Il est pourtant logique qu’en littérature, la norme ne soit pas le best-seller qui n’est quant à lui qu’un accident, même si certains éditeurs se targuent d’essayer, par les voies du marketing, de fabriquer artificiellement des romans et des romanciers à très grosses ventes.

J’irai même plus loin (mais ce n’est qu’une opinion personnelle) en affirmant qu’une œuvre littéraire n’a pas pour vocation première une grande diffusion. Sa vocation première est d’exister, même pour très peu de lecteurs. J’aime citer Borges à ce propos : Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères aux démagogues. J'écris pour moi, pour mes amis, et pour adoucir le cours du temps. Certes Borges a-t-il beaucoup de lecteurs mais il ne s’en préoccupait guère de son vivant.

C’est dans ce contexte qu’un primo-romancier doit aujourd’hui se positionner selon son âge, sa situation professionnelle, ses revenus, son mode vie, son éventuel plan de carrière, le public auquel il souhaite s’adresser et les bénéfices (financiers ou autres) auxquels il estime pouvoir ou vouloir prétendre.

Avant l’apparition des sites internet, des blogs, des réseaux sociaux et des structures d’impression, de diffusion et de distribution à la demande, l’audience d’un auteur dépendait exclusivement des maisons d’éditions et de la presse. Hors ces passages obligés pour très peu d’élus, aucune chance d’atteindre un public, même confidentiel.

Parallèlement, il y eut bien l’effervescence de ce qu’on appelle encore aujourd’hui la petite édition ou l’édition alternative mais on sait maintenant qu’en raison des contraintes économiques de cette activité et de la masse de manuscrits reçus, le fonctionnement de ces modestes structures ne diffère pas beaucoup de celui des grandes maisons dont elles prétendent se démarquer. Je n’évoquerai pas ici l’édition à compte d’auteur qui n’est pas de l’édition et l’auto-édition, démarche radicalement différente qui, à titre exceptionnel, peut s’avérer positive pour un auteur mais pose de nombreux problèmes. 

La situation a radicalement changé grâce aux nouveaux outils de publication et de diffusion habituellement désignés par le terme numérique. De plus en plus d’auteurs y ont recours, y compris ceux qui sont déjà en contrat avec des éditeurs classiques.  Certains d’entre eux cherchent même à récupérer leurs droits pour bénéficier de ces nouvelles opportunités techniques. Si ces dernières ne sont en aucun cas à considérer comme des solutions miracles en faveur de la lente conquête d’un début d’autonomie pour les auteurs, elles ont au moins l’avantage de leur offrir des alternatives à une condition de plus en plus problématique, notamment en ce qui concerne les primo-romanciers.

Pendant longtemps, dans l’environnement de l’édition classique, si la publication d’un premier roman n’était pas d’un grand bénéfice financier pour l’auteur, elle pouvait générer un profit en terme de notoriété grâce aux actions de promotion engagées par l’éditeur, notamment dans la presse. Cela pouvait constituer un premier jalon vers un espoir de succès. En échange, l’auteur cédait ses droits et se retrouvait souvent engagé de manière très contraignante, surtout avec les clauses de contrat qu’on appelle clauses de préférence qui s’appliquent aux livres non encore écrits succédant au premier roman.

Ce système est gagnant / gagnant lorsque le succès est au rendez-vous mais dans le cas contraire, il constitue un piège redoutable pour l’auteur qui peut ainsi se retrouver prisonnier de ses engagements en faveur d’un éditeur qui ne s’occupe plus de lui. J’ai moi-même vécu une variante de cette situation absurde en publiant un essai. Je n’avais heureusement pas de clause de préférence dans mon contrat.

Depuis pas mal d’années, l’influence des médias traditionnels sur le choix des lecteurs diminue, notamment celle de la presse écrite. Il fut un temps où un article dans la presse quotidienne régionale, y compris dans les rubriques locales, pouvait susciter des ventes. C’est d’autant moins le cas aujourd’hui que dans ces journaux, on estime que la promotion d’un livre relève désormais du service publicitaire et non du service rédactionnel. Ce travers ne s’est encore pas généralisé à la presse nationale mais les suppléments littéraires des grands quotidiens n’offrent plus les mêmes perspectives qu’à l’époque où un auteur bénéficiant grâce à son éditeur d’un article dans ces supports pouvait en mesurer concrètement l’influence.

Si ces temps sont révolus, si le pouvoir prescripteur de la presse nationale n’est plus garanti même si l’éditeur a un bon réseau auprès des journalistes, quel intérêt l’auteur a-t-il à se lier à une maison d’édition classique par un contrat très contraignant ? La question est désormais posée. Certes, le système fonctionne-t-il encore pour les écrivains déjà connus et les best-sellers mais pour la majorité des autres auteurs, en particulier les primo-romanciers, il n’est pas extravagant de commencer à lorgner vers les plateformes d’édition à la demande qui utilisent la puissance de diffusion et de logistique d’Amazon.

Sans doute encore aussi peu assuré d’importants profits financiers dans ce nouvel environnement que dans l’ancien, l’auteur gagne quand même ici en autonomie, en liberté de publication, en capacité de diffusion, en souplesse d’exploitation de ses œuvres et en maîtrise complète du fond et de la forme des livres. Je reviendrai dans un prochain billet sur ces avantages bien concrets.