29 avril 2017
Carnet / Amère présidentielle
La politique ne m’a jamais intéressé (même en quittant la presse lorsqu'on m'approcha discrètement pour y entrer) et encore moins l’élection présidentielle qui met au pouvoir un roi sans couronne, sans prestige et sans liberté face aux puissances financières.
Très jeune, jusqu’à plus de trente ans, j’ai été un abstentionniste sans états d’âme puisque j’étais déjà persuadé, comme maintenant, que les grandes démocraties occidentales se gouvernent au centre, centre droit, centre gauche, peu importe.
Et puis vint la montée de l’extrême droite dans les années 80 du siècle précédent. Je suis d’une génération qui a entendu parler ses grands-parents du fascisme, de la guerre, de la déportation. Ma grand-mère paternelle a vu son petit frère raflé à Oyonnax. Une première fois, elle l’a soustrait aux griffes des Allemands en allant le récupérer place des Déportés après avoir déclaré avec le courage fou de l’instinct de vie qu’elle avait besoin de lui à la maison. Hélas, le malheur insista et l’emporta lors d’une deuxième rafle. Ce que je lisais dans ses yeux quant elle me racontait ce terrible épisode vaut toutes les leçons de morale politique qu’on peut m’infliger aujourd’hui sur internet, dans la presse ou dans les dîners en ville.
Avec ce bagage historique et familial, ainsi qu’avec cette optique d’un gouvernement au centre, je n’ai pas eu trop de mal à voter pendant les années de mon entrée dans la maturité tout en restant encore à peu près indifférent au résultat puisque de toute façon, c’était toujours le centre droit ou le centre gauche qui gagnait.
L’élection présidentielle 2017 est la première à me poser un cas de conscience. J’ai trouvé tous les candidats effrayants, y compris au deuxième tour.
Comme ce sera désormais la norme jusqu’à ce que la martingale soit usée jusqu’à la corde, on nous refait et on nous refera le coup du 21 avril 2002.
La démocratie existe-t-elle encore même dans sa seule apparence quand on enferme l’électorat dans une nasse ? À chacun sa réponse. En ce qui me concerne, je me sens très mal et humilié dans cette nasse. Je trouve le vote protestataire aux extrêmes immature. Quant au vote centriste, plus personne ne l’incarne.
Au terme d’une campagne électorale d’épiciers durant laquelle les thèmes de la culture et de l’identité ont été soigneusement évités, je sens la pression de toutes parts pour plébisciter, c’est le cas de le dire, d’un vote digne d’une république bananière le vainqueur de cette élection à un tour.
Moi qui voulais sanctionner cette gauche qui paye des rappeurs pour instiller leur venin dans les médiathèques et les collèges, qui organise du footing sur les cimetières de Verdun, qui subventionne à tour de bras de fausses associations culturelles, je devrais avoir la bienséance de voter Macron pour prouver que je ne suis pas un méchant ? Dans mes provinces, pour ne donner qu’un exemple, je devrais cautionner un système qui continuera de permettre des aberrations telles que le recrutement d’un Insa Sané en résidence culurelle ?
On m’a déjà suggéré par le passé d’aller voter avec une pince à linge sur le nez s’il le fallait. À continuer ainsi, à quand le masque à gaz dans l’isoloir ?
12:57 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : scrutin, élection présidentielle 2017, blog littéraire de christian cottet-emard, humeur, opinion, vote, carnet
08 mai 2012
Carnet de la gauche et de la droite
Arrivé très en avance à l’audition d’orgue et de chant dimanche 6 mai à Châtillon, j’ai déjeuné d’une chiffonnade de jambon cru et d’un verre de Valpolicella près de l’église Saint André, flâné sur les rives de la Chalaronne en grignotant du chocolat, fumé un Partagas Mille Fleurs et écouté des œuvres de Charpentier, Monteverdi, Dandrieu et Bach.
Au retour, dans le soir ensoleillé sur les petites routes de Bresse, j’ai été surpris de constater que parmi tous les arbres ayant revêtu leur feuillage, les frênes sont aussi en retard que dans ma campagne du haut-Jura où ils commencent à peine à déployer quelques prudentes folioles. Bien que les frênes attendent parfois juin pour s’habiller, je trouve étrange que ceux de la Bresse présentent le même dépouillement que leurs semblables jurassiens alors qu’on peut observer plusieurs semaines de décalage entre « les printemps » de ces deux régions.
En allumant la télévision dès mon retour à la maison, j’ai vu apparaître le portrait du nouveau Président de la République. Je n’attends rien de plus de cet épisode que de celui du 10 mai 1981, date à laquelle je m’étais égaré dans la foule parisienne en liesse alors que je tentais de rentrer dans ma province après une semaine de stage au salon du livre ou de la papeterie, je ne sais plus. Je me souviens juste de nos équipées sauvages dans les allées de ces deux salons, avec certains camarades de promotion de l’Institut de Promotion Commerciale, d’où nous avions fini par nous faire signaler en tant que personæ non gratæ, malgré nos revers fièrement badgés, en raison de notre énergie à collecter des sacs remplis à ras bord « d’échantillons » pour un usage qu’on devinait plus personnel que professionnel.
Avec mon plateau télé, pour échapper à la logorrhée des journalistes, des notables et des piégés au micro-trottoir, je me suis régalé d’Hibernatus, film opportunément choisi par la troisième chaîne pour illustrer le proche destin de l’ancien Président et de toute sa bande.
La politique étant presque hors-sujet dans ces carnets, je n’ai qu’une image fugace à retenir de ce soir d’élection télévisé, celle d’une très jeune femme n’ayant connu que la droite au pouvoir et qui exprime son espoir, ce qui est bien normal, après la victoire de François Hollande. Elle me rappelle une étudiante née en 1981 qui, voici quelques années, m’avait confié son vote par procuration et qui m’avait déclaré tout net éprouver de l’espoir après n’avoir rien connu d’autre que le règne de Mitterrand. Lors de ce scrutin, j’avais fait cette curieuse expérience d'arriver au bureau de vote avec un bulletin pour la gauche (le mien) et un bulletin pour la droite.
Comme beaucoup de monde, je place quant à moi depuis longtemps mes espoirs ailleurs qu’en politique même si je me réjouis de constater que la droite et sa vision désespérante de la vie consistant à ne voir en chaque individu que le concurrent de l’autre (comme dans le sport) peut encore chuter lorsqu’elle tire trop sur la corde. Comment cette droite-là peut-elle en effet demander sans cesse à la classe moyenne qui rétrécit, aux populations qui se précarisent et aux jeunes de plus en plus fauchés de se serrer la ceinture, de consentir à toujours plus « d’efforts » et de « sacrifices » alors que le marché du grand luxe ne connaît pas la crise et qu’il ne s’est jamais vendu autant de yachts ? N’est-ce pas cette simple question qui, à l’avenir, plus que tout le verbiage des analystes politiques, peut nous permettre, espérons-le, de distinguer encore notre gauche de notre droite ?
02:18 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : droite, gauche, carnet, politique, élection, élection présidentielle, scrutin, françois hollande, frêne, chatillon sur chalaronne, bulletin, vote, ain, jura, rhône-alpes, orgue, chant, charpentier, monteverdi, bach, dandrieu, chocolat, partagas, cigare, mille fleurs, chiffonnade, jambon, valpolicella, vin, mitterrand, 10 mai 81, 6 mai 2012, blog littéraire de christian cottet-emard
26 mars 2012
Du vote d'humeur
(Extrait de mon roman Le Club des pantouflards, éditions Nykta, 2006.)
Dans le bonheur (Chapitre 4)
Le clair de lune égara l’ombre d’Effron Nuvem contre une palissade recouverte d’affiches et l’une d’entre elles retint son regard parce qu’il y reconnut la tête du marchand de chaussures. Il se souvint alors que les élections approchaient. Pour la première fois, le club des pantouflards présentait une liste conduite par le petit gros. Maintenant, Effron Nuvem comprenait mieux ses approches mais tout de même, aller jusqu’à lui proposer de l’accueillir au sein du club... Que pouvait valoir l’adhésion d’un chômeur, une de ces « âmes mortes » à peine bonnes à émigrer d’un fichier à un autre au gré des fluctuations d’une comptabilité d’actifs et de passifs que se jetaient sans cesse à la figure lors de joutes télévisées les dignes héritiers de l’escroc Tchitchikov ?
Le jour du scrutin, Effron Nuvem, muni de sa carte d’électeur et de sa carte d’identité, alla aux urnes avec l’intention de voter contre et peu importait contre qui. Mais sur le trajet, son soulier droit s’enfonça mollement dans une énorme crotte de chien de couleur orange. Saisi d’une bouffée de colère, il mit un bon quart d’heure à nettoyer sa chaussure dans les toilettes publiques moyennant une pièce de vingt centimes, ce qui ne fit que décupler encore sa rage au point qu’il arriva tremblant et le visage congestionné au bureau de vote. Monsieur Nuvem ! Quelque chose ne va pas ? Vous ne vous sentez pas bien ? s’enquit le marchand de chaussures qui se tenait à proximité de la table où étaient disposés les bulletins et les enveloppes et qui saluait tout le monde. Tout à son exaspération, Effron Nuvem abandonna en une seconde ses intentions de vote et choisit ostensiblement un bulletin où figurait la liste du club des pantouflards sous l’oeil approbateur du petit gros qui lui décocha un clin d’oeil de connivence. Toujours contrarié, il décida d’aller respirer l’air de la Saône. Sur le pont Masaryk, il croisa une femme accompagnée d’un garçonnet qui le mit en joue avec un pistolet en plastique.
© Éditions Nykta, 2006.
ISBN : 2-910879-76-3
01:40 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christian cottet-emard, le club des pantouflards, éditions nykta, polar, roman, fiction, littérature, politique, élections, élection présidentielle, vote, humeur, blog littéraire de christian cottet-emard, vote d'humeur