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02 juillet 2019

Carnet / Juillet, le mois des voyages rêvés et réels

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Lisbonne, détail de la fontaine du Rossio un jour de juillet (photo Christian Cottet-Emard)

Je ne suis pas un voyageur. Jamais l’illusion des lointains ne m’a taraudé. Lors de mes rares déplacements, seul m'importe le retour. Là sonne pour moi l'heure du vrai voyage, le plus complet et le plus aventureux, non plus dans l'espace comme celui qui lui préluda, mais dans le temps.

Parmi les pays que j'ai traversés, par plaisir et par nécessité, l'Italie et le Portugal m'éblouissent et me hantent. D'ailleurs, je suis encore loin d'en avoir épuisé, si cela est possible, toutes les surprises. Les meilleurs moments de ces découvertes ont toujours coïncidé avec des étapes importantes de mon passage de l'adolescence à ce que je ne peux me résoudre à nommer l'âge mûr. D'une certaine manière, l'Italie et le Portugal se sont peu à peu imposés à moi comme une mesure du temps, ce temps où, je le répète, s'accomplit le seul et vrai voyage.

À travers ces notes qui ne relèvent ni du carnet de voyage ni du journal intime, se confondent des lieux et des instants, le plus souvent heureux. Moments du quotidien mille fois revécus en rêves, échappées belles, fuites et retours, exercices d'admiration, ces quelques épisodes ne peuvent sans doute pas signifier grand-chose pour l'amateur éclairé des départs ou pour le chasseur d'aventures inédites.

Que ceux-là passent leurs chemins de hauts vols car c'est au passant des rues mornes que je m'adresse, à l'arpenteur mélancolique des dimanches soirs qui, du fond de sa bourgade, rêve lui aussi de son Italie et de son Portugal vécus et connus de lui seul.

© Éd. Club collection, droits réservés

 

28 juin 2019

Carnet / Des trois singes et de la bonne conscience

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Face au danger totalitaire mortel auquel l’Occident civilisé est aujourd’hui exposé, nos sociétés démocratiques n’ont guère changé d’attitude depuis l’époque qui a précédé la deuxième guerre mondiale. Nous avons ceux qui ne veulent rien dire par une fidélité aveugle à des idéologies dépassées, ceux qui ne veulent rien voir parce que la réalité est trop dérangeante et ceux qui ne veulent rien entendre parce que les lanceurs d’alerte leur déplaisent.

Dans la foule de ces trois catégories, j’ai hélas beaucoup d’amis et connaissances auxquels je ne peux m’adresser que par l’intermédiaire de ce blog pour éviter de gâcher des moments conviviaux (le débat d'idée est aujourd'hui une impolitesse à l'heure de l'apéro ou du dîner). Je dois tout de même reconnaître que peu d’entre eux, contrairement à ce que je prévoyais, m’ont viré de leur liste de contacts sur les réseaux sociaux. Quant aux statistiques de ce blog (j’ai un outil qui exclut les visites de robots), elles sont stables, ce qui signifie peut-être que ces personnes continuent de me lire en douce.

Celles et ceux qui sont partis (trois ou quatre auxquels il faut sans doute ajouter les départs dont je ne me suis même pas aperçu parce qu’il n’y avait aucun échange direct) ont choisi cette option à la suite de longs débats virtuels qui les ont saisi de colère au point de ne plus pouvoir continuer à argumenter froidement pour défendre leurs positions sur des sujets sensibles.

Mardi soir, j’ai regardé la soirée Thema d’Arte qui enchaînait les trois  enquêtes documentaires de Thomas Dandois et François-Xavier Tregan ainsi annoncés sur Télérama : dans le premier, des femmes racontent leur quotidien sous la coupe du califat et décrivent le lavage de cerveau et les violences qu’elles ont subis ou fait subir. Dans le second, le film recueille la parole d’enfants soldats exfiltrés des camps d’entraînement, ceux qu’on appelle les lionceaux du califat. Le troisième est consacré aux paroles de déserteurs de l’organisation.

Je n’ai certes rien appris car ces informations sont disponibles depuis longtemps sur internet mais il fallait qu’un média classique de grande diffusion finisse par se décider d'apposer son sceau officiel à la liste des faits sobrement présentés.

Ici, le travail des journalistes est impeccable et implacable. À moins de se ranger du côté d’un des trois singes (ou des trois à la fois !) illustrant mon propos, ce que je peux comprendre à défaut d’approuver tant la réalité décrite est éprouvante, épouvantable, la trilogie de Thomas Dandois et François-Xavier Tregan vaut qu’on sacrifie une soirée de détente pour bien mesurer à quel péril nous sommes exposés.

La profondeur des ténèbres explorées et leur brûlante actualité avec des ramifications jusqu’au cœur de nos pays forment un cocktail redoutable qu’a bien du mal à contenir le désormais trouble et fragile flacon d’eau tiède de la chaîne Arte.

Si les trois documentaires sont exemplaires de ce qu’est le journalisme au sens noble du terme, on n’en dira pas autant de la prestation d’Émilie Aubry, journaliste présentatrice de la soirée, incarnation de la bien-pensance bobo dans laquelle Arte s’est enfoncée depuis belle lurette.

Face à l’un des auteurs du documentaire sur les enfants soldats, les lionceaux du califat, qui termine son film sur une note d’espoir avec un plan sur un dessin de lever de soleil radieux coloré par l’un de ces gosses perdus, la pimpante quadragénaire s’extasie sur leur rapidité de résilience et accuse de froideur et de cynisme ceux qui sont hostiles à leur retour chez nous. L’auteur du film tempère ce bel enthousiasme en hochant la tête avec circonspection et en précisant : il faudra beaucoup de temps à ces enfants, des mois, des années...

Il pense hélas lui aussi que ces enfants en bas âge conditionnés pour la guerre, entraînés militairement et rompus aux techniques d’exécutions, y compris à l’arme blanche, doivent être rapatriés chez nous (il est dit dans le film que si certains adultes répugnaient aux exécutions à l’arme blanche et demandaient d’utiliser un fusil, les enfants, eux, se portaient volontaires pour les égorgements).

Il a notamment cette phrase qui me choque beaucoup : Si nous voulons pouvoir nous regarder dans le miroir dans quelques années, il nous faut considérer ces enfants comme des victimes et non des bourreaux. On peut comprendre et respecter son opinion mais c’est faire peu de cas du risque pris pour nous ainsi que pour nos enfants et petits enfants dans un avenir très proche.

J’ai envie de dire à ce monsieur que cette image flatteuse qu’il souhaite voir se refléter dans son miroir peut avoir un coût exorbitant en vie humaines innocentes de chez nous. Avec ce que ces enfants ont vu et pratiqué en atrocités décrites dans le reportage, on peut craindre qu’au moment de leur crise d’adolescence et sans doute bien avant, ils iront puiser dans leurs racines à la moindre contrariété, à la moindre frustration.

J’ai lu dans un sondage que plus de 80 % des français sont défavorables aux retours, or ces retours initialement prévus au cas par cas pour les orphelins en bas âge par le gouvernement français (avant les élections européennes) sont aujourd’hui de plus en plus nombreux et ne se limitent pas aux tranches d’âge évoquées du reste de manière assez floue. Ce gouvernement travaille contre les intérêts de son peuple. 

Je souhaite de tout cœur me tromper dans mon pessimisme mais je suis sûr d’une chose : en cas de malheur, il faudra que les responsables politiques ayant décidé de ces retours paient le prix fort de leur bonne conscience, de leur confort intellectuel, de leur beau reflet dans leur miroir.

 

02:22 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0)

26 juin 2019

Carnet / Au rythme des coquelicots

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Coquelicots dans le jardin derrière ma maison (photo Marie) 

Cette année, les lilas n’ont pas fleuri et les pivoines se font rares. La bonne surprise est venue des coquelicots surgis d’eux-mêmes pour colorer le jardin et quelques recoins gris de mon esprit. Un léger souffle les agite comme des ailes de papillons. Ce sont de bons alliés contre le vague à l’âme en partie provoqué par mes difficultés à me ménager un nombre suffisant d’heures de sommeil.

Au plus chaud de l’après-midi, je me suis réfugié à l’intérieur pour écouter au frais la première et la deuxième symphonie de Sir Michael Tippett (1905-1998).

De manière assez poussive, je travaille à mon chantier prioritaire, l’édition revue et corrigée en un volume de cinq recueils de textes publiés entre 1992 et 2004 à tirage limité donc désormais introuvables. Comme d’habitude, je répugne à qualifier ces écrits de poèmes bien qu’ils en adoptent l’apparence.

Lorsque j’ai publié l’été dernier mes Poèmes du bois de chauffage, je me suis encore laissé surprendre par la réaction pourtant habituelle des gens qui ne lisent pas de poésie d’aujourd’hui et qui estiment qu’un poème non versifié de manière classique n’est pas un poème.

Cela fait pourtant longtemps que j’ai décidé de ne plus m’obstiner à expliquer que l’emploi de la versification à une époque donnée relève moins du choix esthétique que du contexte politique. Les classiques n’ont pas adopté les contraintes formelles pour faire joli mais parce qu’ils adhéraient à l’esprit de leur époque après un très long processus de stabilisation de la langue française.

On peut très bien s’amuser à écrire aujourd’hui de la poésie en versification française comme on peut tout aussi bien décider de construire un château avec les matériaux et les techniques anciennes, reste à savoir si cela rime si j’ose dire à quelque chose !

Tout jugement de valeur mis à part, j’en conviens, peut-on continuer à nommer poésie la grande diversité de ce qui paraît aujourd’hui sous cette appellation ? Je lis et je produis moi-même certains textes qu’il me paraît problématique de qualifier de poésie. Ceci est délibéré et pour moi lié à une défiance croissante envers le vers français avec sa besogneuse comptabilité de syllabes.

Même à travers des traductions de qualité inévitablement variable et peut-être bien à cause de ces traductions, je peux mesurer ce que la poésie écrite dans des langues dans lesquelles le vers se construit sur l’accentuation peut offrir de souplesse, de fluidité et de musicalité, par opposition au vers français qui contraint souvent à des choix entre métrique régulière et musicalité.

Est-ce dans la métrique du vers français qu’il faut chercher l’origine de la prédominance de la forme sur le fond dans quelques courants de la poésie française ou est-ce au contraire le refus des règles qui aboutit à des formes vides ?

Il me faudrait plus que cette notule pour tenter de répondre à ces questions. Ai-je écrit de la poésie ? Je laisse volontiers qui veux bien feuilleter mes recueils en décider car personnellement, cela ne m'intéresse guère de le savoir.