16 juin 2019
Carnet / Du parfum
Image : Une page d'un de mes carnets
Après le cigare, le parfum est mon autre folie. Dans une parfumerie, je suis pire qu’un gosse dans un magasin de bonbons. Les souvenirs que j’identifie comme les premiers et donc les plus anciens de ma vie sont olfactifs.
Distrait et manquant de mémoire à propos de presque tout ce que la vie sociale exige que nous apprenions par cœur, deux choses ne s’effacent jamais de mon esprit : une musique et un parfum ; pour les deux il est d’ailleurs question de notes. Lorsque ma mémoire a en a besoin, c’est un parfum qui peut la restaurer si j’ai du mal à convoquer un souvenir important à inclure dans un récit.
Mon odorat me joue parfois des tours. Si je perçois une odeur inhabituelle, je ne trouve la tranquillité qu’après l’avoir identifiée. Je peux vous dire sans grande marge d’erreur si une souris s’est aventurée dans votre cuisine, ce qui n’est pas un exploit car ce rongeur sent très fort. Le mélange de certaines odeurs qui en forme une nouvelle, par exemple celle du café qui vient de passer et celle des pommes dans leur corbeille, me donne la nausée. En revanche, presque toutes les notes fumées m’ouvrent irrésistiblement l’appétit, y compris un simple feu d’herbe dans la campagne.
Les parfums que j’ai toujours aimé porter sont le plus souvent dominés par des notes boisées en hiver et florales en été. Entre ces deux tendances saisonnières, je suis attiré par l’encens et les agrumes. Je reste donc dans des accords plutôt classiques et j’ai peu de goût pour la mode actuelle de la vanille et autres sirupeuses fantaisies.
Mes critères de choix sont aussi liés à la communication des parfumeurs, ce qui laisse souvent les vendeuses perplexes. Si elles me présentent un parfum qui me plait mais dont la publicité m’indispose, je le rejette, ce qui élimine la majorité des plus connus, beaucoup faisant aujourd’hui référence à toutes les caricatures possibles de la vulgarité la plus grotesque et la plus assumée.
Par exemple, par principe, je ne porterai jamais un parfum qui fait référence au sport, même de manière indirecte, d’autant que le sport m'évoque évidemment les relents peu glamours qui accompagnent cette activité. Il suffit même que le mot sport soit gravé sur un flacon pour que je l'élimine d'office de mon choix.
Après quelques essais de jeunesse avec des fragrances certes agréables mais trop convenues, je suis resté fidèle à des parfumeurs qui communiquent assez peu voire pas du tout. Certains font même de cette discrétion une stratégie marketing efficace comme la maison de couture Ermenegildo Zegna dont les flacons se méritent, du moins en France.
Je me souviens ainsi d’un autre parfum italien de la gamme Nino Cerruti (Cerruti Classic) désormais introuvable, sauf peut-être sur le marché de la collection, que j’avais acquis la première fois à Venise dans les années quatre-vingt et qui m’a accompagné très longtemps. La marque se contentait de l’exposer chez certains détaillants, y compris en France, sans recours massifs à la publicité. Je ne sais s’il a fini par disparaître à cause de cette tendance au secret si peu en phase avec l’époque clinquante et tapageuse que nous traversons.
Pourtant, pas plus tard qu'avant-hier vendredi, une surprise m’attendait dans une boutique sous la forme du dernier né de la marque, Cerruti Riviera, probablement une renaissance de mon si longtemps regretté Cerruti Classic. En l'essayant, le voyage dans le temps me fut si fulgurant que la vendeuse remarqua mon trouble.
Je veux voir dans ce retour aux sources inattendu un symbole de la réconciliation de deux époques de ma vie à l’occasion d’un récent et heureux événement familial.
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12 juin 2019
Carnet / Cigare et Guépard !
Un Por Larrañaga Montecarlo (Panetela) pour égayer cet automnal lendemain de Pentecôte, et surtout, le réconfort d’un chef-d’œuvre.
Je relis Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa que j’avais abordé trop jeune pour en saisir toutes les nuances et toute l’actualité. Même plaisir à revoir souvent le film de Luchino Visconti, fidèle à ce chef-d’œuvre d’un auteur génial et bien sûr longtemps incompris voire ostracisé par la bien-pensance de l’époque, notamment celle de la gauche italienne qui qualifiait le livre paru à titre posthume de réactionnaire. Louis Aragon a heureusement cloué le bec à ses petits camarades en reconnaissant officiellement la valeur et la puissance de cette œuvre extraordinaire pour que le monde admette la grandeur et la pertinence de l’analyse et de la lucidité de Giuseppe Tomasi di Lampedusa.
La première fois que j’ai vu le film, j’étais encore plus jeune que lors de ma lecture du livre. À cette époque, le succès du film dans les foyers populaires résultait d’un malentendu. La fresque sociale désenchantée et le message politique amer étaient éclipsés par la splendeur de la mise en scène et l’incroyable précision des détails, notamment dans l’immense et fameuse scène du bal qui faisait rêver non pas dans les chaumières mais dans leurs équivalents modernes. Quant à ce que j'en avais retenu à cette époque lointaine, c'était surtout la merveilleuse musique de Nino Rota.
Aujourd’hui, ce livre et ce film ne cessent de me nourrir, notamment lorsque j’ai la mauvaise habitude de trop me laisser atteindre par le spectacle sordide des dangereux et lamentables petits calculs de nos politiciens nationaux. À la suite des élections européennes que je qualifie à l’échelon français de légalement truquées par notre épouvantable président, relire ce livre et revoir ce film m’est un véritable baume, certes piquant mais apte à me rappeler qu’il faut tout regarder de loin quand on a la chance de pouvoir se le permettre.
Encore deux mots sur le film dont l’un des intérêts majeurs est le choix (bien sûr lié à la nécessité et aux contingences de la production) d’acteurs à contre-emploi, notamment Burt Lancaster dont la face de baroudeur pour westerns parvient au prodige de se calquer sur le visage impassible et secrètement bouleversé du Prince Fabrizio Corbera de Salina.
Même exploit de Claudia Cardinale dont le personnage, Angelica Sedara, n’a d’aristocratique que sa beauté, laquelle ne la protège nullement des faux pas dans la noblesse en fin de règne où elle accède grâce à la fortune de son père, Don Calogero Sedara, maire du village de Donnafugata, en quête de légitimation de son nouveau et récent statut social de parvenu croulant sous la richesse qui pourrait échapper à la maison Salina sans l’alliance de la nouvelle bourgeoisie à l’ancienne aristocratie. Cette alliance dans le nouveau monde où les guépards deviennent des hyènes se scelle dans le très attendu mariage opportuniste d’Angelica et de Tancrède Falconeri, le neveu du Prince Salina interprété par Alain Delon qui, jeune arriviste au regard clairvoyant et cynique sur l’évolution sociale, prononce la célèbre phrase encore si lourde d’actualité en 2019 :
Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change.
Je n’oublie pas parmi les rôles secondaires la prestation de Serge Reggiani dans le rôle de Don Francisco Ciccio Tumeo, organiste et compagnon de chasse du Prince Salina, personnage représentatif des gens du peuple qui défendent l’ordre ancien pour des raisons mêlant des intérêts matériels et la nostalgie d’une illusoire harmonie sociale.
Il serait ici trop long et sans doute pesant de m’attarder sur la magnificence des descriptions, des portraits et des ambiances, aussi me contenterai-je d’une citation. Giuseppe Tomasi di Lampedusa décrit l’arrivée de la famille Salina dans la résidence d’été de Donnafugata. Les petits notables et les villageois sont là pour accueillir le cortège fastueux et couvert de la poussière de l’épuisant voyage sous la canicule. Heureux d’arriver enfin et de bonne humeur, le Prince se laisse aller à d’inhabituelles amabilités à l’égard des uns et des autres, ce qui est tout de suite interprété au village :
Le prince, qui avait trouvé le village inchangé, fut en revanche trouvé très changé, lui qui n’aurait jamais auparavant utilisé des mots si cordiaux ; et à partir de ce moment commença, invisible, le déclin de son prestige.
Note / Un autre livre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa que j'aime beaucoup, son recueil de nouvelles Le Professeur et la sirène.
01:50 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le guépard, giuseppe tomasi di lampedusa, littérature italienne, film le guépard, luchino visconti, acteurs, burt lancaster, prince fabrizio corbera de salina, claudia cardinale, angelica sedara, alain delon, tancrède falconeri, serge reggiani, don francisco ciccio tumeo, por larrañaga montecarlo (panetela), cigare por larrañaga, christian cottet-emard, littérature, pentecôte, blog littéraire de christian cottet-emard, élections européennes, louis aragon
07 juin 2019
Terminus Perrache de Jean-Jacques Nuel
Vient de paraître :
Terminus Perrache
de Jean-Jacques Nuel
éditions Germes de barbarie
Menant une enquête de routine sur le secrétaire général du centre régional du livre de Lyon, le détective privé Brice Noval se retrouve bientôt confronté à des véganes extrémistes qui multiplient meurtres et attentats dans la ville et sa proche banlieue. Noval contribuera à démanteler ce réseau terroriste dans cette nouvelle affaire qui tourne autour du sinistre centre d'échanges de Perrache.
Après La malédiction de l'Hôtel-Dieu, paru l'an dernier, on retrouve les mêmes personnages, le détective privé Brice Noval et son ami Laurent Thimonnier dans une affaire de terrorisme végane et de magouille politique. Au passage, les deux compères ne se privent pas d'égratigner le milieu littéraire lyonnais...
140 pages, 11, 50 €.
23:08 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : terminus perrache, jean-jacques nuel, éditions germes de barbarie, le fleix, dordogne, périgord, lyon, milieu littéraire lyonnais, brice noval, blog littéraire de christian cottet-emard, livre, annonce parution, littérature, roman, centre d'échanges de perrache, rhône-alpes auvergne, france, europe, la malédiction de l'hôtel dieu