09 juillet 2009
Nouvelles du front
J’ai plusieurs fois écrit, de manière directe ou indirecte, dans certains de mes livres, que je me sentais étranger dans la ville où j’ai habité la plus grande partie de ma vie. Au début 2009, j’ai eu l’occasion de m’éloigner sans partir très loin, juste un peu plus haut dans un petit village de la montagne jurassienne, ce qui m’a permis de rompre avec les aspects les plus pénibles d’Oyonnax. Aujourd’hui, dix kilomètres de distance me suffisent pour me sentir à la fois proche et loin de cette bourgade industrielle — peut-être devrais-je écrire « postindustrielle » — qui a toujours été le laboratoire du libéralisme économique sauvage.
Si feu l’écrivain Roger Vailland revenait aujourd’hui à Oyonnax où il a extrait la matière de son célèbre roman 325000 francs qui décrit la condition du prolétariat enchaîné à l’usine à l’époque du « plein emploi » , il trouverait désormais un sous-prolétariat exposé à la violence froide du capitalisme en crise, à ce que l’essayiste Viviane Forester appelait dans un livre fameux « l’horreur économique » . Cette terrible pression sur des populations fragiles, déracinées, n’a fait que monter en puissance au cours des dernières décennies, notamment depuis les années 80 que j’appelle « la décennie de la grande erreur » lorsque s’est produit ce qu’on appelle aussi la « révolution conservatrice » avec les conséquences sociales que nous avons sous les yeux maintenant.
Aujourd’hui dans l’industrie, dans la distribution, dans les services, dans la fonction publique, dans toutes les branches professionnelles, surviennent tous les jours des événements illustrant l’attaque systématique contre la législation du travail, la destruction programmée des acquis sociaux, qui auraient voici seulement quelques années jeté des centaines de milliers de manifestants dans les rues. Mais en ce moment, ce qu’on peut appeler sans hésitation la caste dominante a réussi à installer la peur et la sidération dans les esprits sans avoir conscience qu’il y a grand danger à parier sur la résignation, le désespoir et l’apathie à seule fin de s’agripper à des privilèges aussi exorbitants qu’anachroniques.
Cela n’incite pas à l’optimisme mais mercredi soir, j’ai éprouvé un frisson d’espoir quand le journal d’information de la nuit sur la chaîne de télévision France 2 s’est fait l’écho du combat mené à Oyonnax (eh oui !) par des employés d’un des plus rudes secteurs de la grande distribution, le « hard discount » , où des salariés qui refusent de travailler le dimanche sont lourdement sanctionnés. Selon la propagande du gouvernement, le travail dominical ne concernerait que celles et ceux qui se portent volontaires, or on sait très bien que dans ce cas, les volontaires risquent fort d’être désignés, soit directement par la hiérarchie, soit plus insidieusement, par toutes sortes de pressions sur les salariés qui préfèrent encore leur vie de famille, leur vie privée, à quelques euros de plus. On sait aussi que ces maigres bénéfices seront engloutis dans des frais liés au travail le dimanche (transports et garderies supplémentaires).
Dans l’océan d’insignifiance du journal télévisé (Michael Jackson, tour de France, chiffres du chômage manipulés jusqu'au délire) les images toniques de ces employés en résistance — une procédure est en cours d’après ce que j’ai compris — montrent que le front peut s’élargir à mesure que l’ennemi tombe le masque.
13:13 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : travail le dimanche, emploi, révolution conservatrice, horreur économique, précarité, front social, hard discount, distribution
06 juillet 2009
Tu écris toujours ? (51)
Conseils aux écrivains qui ne savent rien faire d’autre.
(Cet épisode a été publié dans le Magazine des livres n°17, juin 2009)
Le problème n’est pas de savoir si vous êtes un bon ou un mauvais écrivain. Savez-vous faire autre chose ? Voilà la vraie question et, bien sûr, la réponse est non.
Dès que vous aurez établi vous-même cet amer constat, vous aurez franchi une première étape vers une possibilité d’adaptation à un environnement socio-économique irrémédiablement hostile aux littéraires. Ainsi que se plaisent souvent à l’asséner aux petits jeunes précaires les champions du saut en parachute doré et tous ceux qui vivent depuis des lustres à l’abri de tout changement, vivre c’est s’adapter. Souvenez-vous des paroles de ma sorcière bien aimée, la patronne des patrons, à qui je donne ce surnom affectueux depuis que je l’ai entendue déclarer qu’il fallait « réenchanter le monde » : « L’amour est précaire, la vie est précaire, pourquoi le travail ne le serait-il pas ? » Haut le cœur, que diable ! (Pardon pour le lapsus, je voulais dire Hauts les cœurs, évidemment).
Vous n’allez donc pas baisser les bras, ô vous, travailleur de la plume, parce que vous ne savez rien faire d’autre qu’écrire sans commettre des fautes d’orthographe dans un monde où l’on n’a pas de temps à perdre à accorder les participes. Alors que faire ? La retraite contemplative dans un monastère ? L’ennui, c’est qu’elle s’accompagne d’une certaine frugalité. Le suicide ? Quelle faute de goût... Quant à la noce tous les jours, j’aime autant vous dire que ce n’est pas à la portée de toutes les bourses. Et puis, l’argent... Soit on en est couvert à ne plus savoir qu’en faire, soit on fourmille d’idées pour le dépenser mais on n’en a pas... C’est moche. Tout de même, si vous êtes dans la première catégorie, riche mais incapable de vous débrouiller dans la vie quotidienne, vous pouvez recruter un majordome ou un valet de chambre. Ce que je choisirais, moi ? Avec ce que me rapporte ma plume, un technicien ou une technicienne de surface à temps très partiel rémunéré (e) en chèques emplois services. Quant au valet de chambre, il m’aurait surtout été utile dans ma prime jeunesse, lorsque mes parents me répétaient trois fois par jour de la ranger cette fameuse chambre.
Vous êtes cousu d’or mais vous déplorez qu’avec le cadeau de la vie, personne n’ait songé à vous fournir le mode d’emploi ? Pas d’hésitation, choisissez le majordome. Ne rêvez pas. L’authentique butler a disparu depuis longtemps des villes et des campagnes anglaises mais vous trouverez peut-être des copies à Dubai ou à Abou dabi. Après tout, s’ils sont capables là-bas de refaire le Louvre et la Sorbonne à l’identique, ils doivent bien pouvoir fournir des copies de butler. Évidemment, cela peut faire nouveau riche. Pour éviter ce risque, mon voisin qui a fait fortune après la publication de son unique roman à l’eau de camélia, et qui est donc un authentique parvenu, s’est offert les services d’une gouvernante, Madame Tumbelweed, une femme à forte pilosité faciale, très bien assortie à nos paysages rustiques méticuleusement arpentés et balisés au moyen d’un procédé liquide par le chat chartreux Sir Alfred. Je dois avouer mon admiration pour ce voisin qui a réussi dans la vie sans la moindre compétence professionnelle et surtout sans le génie littéraire qui aurait fait de lui, dans une société comme la nôtre, un homme extrêmement malheureux, pour tout dire, un inadapté.
Quant à savoir si on est écrivain parce qu’on est inadapté ou inadapté parce qu’on est écrivain, cela revient à se poser la lassante question de l’œuf et de la poule, autant dire le genre d’interrogation qu’on peut se permettre à l’adolescence, cet âge flamboyant où le Président Directeur Général se voyait Président de la République, où le pyromane se rêvait pompier, où Hitler se croyait artiste peintre, où le rédacteur en publicité se sentait l’étoffe d’un Rimbaud, et où l’écrivain s’imaginait en vacances pour toute la vie. Pour ces personnages comme pour vous, le temps a fait son œuvre (en voilà au moins un qui réalise son objectif) en vous apprenant parfois qu’en partant de rien, on arrive souvent au même endroit après avoir fait du sur place. Cela s’appelle la maturité. Il ne vous reste plus qu’à tirer des livres de cette universelle expérience humaine. Vous pourriez les intituler Le premier plaisir minuscule et autres gorgées de bières (proses aux petits oignons), Je décrois donc je suis (la décroissance heureuse), Je me suis fait moi-même avec pas grand-chose (autobiographie biodégradable), Petits riens du Grand Tout (philosophie allégée), Un peu de tout (aphorismes recyclables) ou Presque rien, c’est Tout (poésie basse tension). Avec d’aussi bons titres, vos livres se retrouveraient en tête de gondole chez Nature et Découvertes. Trop zen.
La suite du feuilleton dans le Magazine des Livres n°18 (juillet/août 2009) actuellement en kiosques.
05 juillet 2009
Orgue et saxophone : l'accord parfait
Communiqué
Ce dimanche 5 juillet, les Amis de l’Orgue de Nantua proposaient un concert orgue et saxophone organisé en partenariat avec le Festival Airs d’Eté, avec le soutien de l’ADDIM de l’Ain et de la paroisse Saint Michel de Nantua.
Joseph Coppey, bien connu dans la région, interpréta des oeuvres de JS Bach et accompagna Frédéric Lagoutte, saxophoniste, dans un programme allant du XVIIème siècle à nos jours. Un public nombreux s’était rassemblé pour écouter ces deux artistes de talent, dans le cadre somptueux de l’abbatiale Saint Michel, site clunisien.
Michel Jacquiot présenta les oeuvres de façon vivante et claire.
Prochain concert organisé à l’abbatiale par les Amis de l’Orgue de Nantua en collaboration avec l’association Histoire, Monuments et Sites du Haut-Bugey à l’occasion des Journées du Patrimoine : orgue et chant par Véronique Rougier, Olivier Leguay et Florence Grasset, soprano, le dimanche 20 septembre à 17h. Ce concert (entrée libre) sera suivi de la traditionnelle visite de l’orgue de Nicolas Antoine Lété, classé monument historique.
Photo : l'organiste Joseph Coppey et le saxophoniste Frédéric Lagoutte à la tribune de l'orgue de l'abbatiale de Nantua. (Photo Michel Jacquiot)
23:54 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bach, coppey, orgue, lagoutte, saxophone, nantua, abbatiale saint-michel, ain, site clunisien, blog littéraire christian cottet-emard