02 septembre 2009
Carnet du premier quartier de lune
Ce matin, le petit crêt qui s’élève au-dessus des frênes, tout au fond du verger, a disparu dans un immense nuage et ce fut presque un soulagement de contempler ce spectacle après l’inhabituel et piquant soleil de fin août. Je suis sorti pour me laisser emmailloter à mon tour par ces nuées qui ont dévalé jusqu’au village où des enfants vivent probablement leur première rentrée scolaire. J’espère qu’il ne s’en trouve aucun parmi eux pour me ressembler et vivre ces moments comme je les ai vécus, c’est-à-dire conscient dès les premiers instants en classe maternelle que ce serait long, pénible, éprouvant. L’avantage de la cinquantaine qui approche et de ma vie marginale, c’est de savoir que, sauf réincarnation malencontreuse, je ne revivrai jamais la scolarité et ce qui vient après.
Comme chaque année à cette époque, je termine un cycle de lectures parmi lesquelles Haruki Murakami aura tenu une place non négligeable. Je ne savais rien de ce japonais très occidentalisé en commençant son roman Les Amants du spoutnik que j’ai lu avec plaisir même si la fin est bâclée. Mais cela n’est pas grave car il ne peut en être autrement dans ce style de narration onirique dans laquelle l’intrigue ou ce qui en tient lieu n’a guère d’importance. J’ai été plus gêné d’apprendre que Murakami est un marathonien, non seulement dans le domaine sportif (ça le regarde et personne n’est parfait) mais encore, ce qui est beaucoup plus contestable, dans son écriture. Murakami est de ces écrivains doués qui écrivent trop, sans doute pour le bonheur de leurs éditeurs mais ce n’est point l’affaire des lecteurs. En ce qui me concerne, j’ai toujours préféré les livres courts et les auteurs paresseux. Un gros livre qui n’est pas un chef-d’œuvre est une impolitesse et la plupart des chefs-d’œuvre ont au moins cent pages de trop.
Après Les Amants du spoutnik, j’ai continué avec une épaisse compilation de nouvelles sous le titre L’éléphant s’évapore dans lesquelles se déploient sans complexes les défauts des auteurs trop prolixes qui finissent par se plagier eux-mêmes, devenir des faiseurs en tirant parti de la moindre idée saugrenue pour en dérouler le fil jusqu’à la rupture ou du moins jusqu’à l’extrémité de la bobine. Le plus étonnant est que j’ai pourtant lu facilement ces nouvelles pour la plupart bavardes et sans grand intérêt, sans doute parce que Murakami sait emmailloter le lecteur dans son univers comme le nuage de mon début de matinée a enveloppé tout ce qui se trouvait sur son passage en ce deuxième jour de septembre. En tous cas, je ne compte pas en rester là avec Murakami puisque j’ai le projet de lire, rien que pour la beauté du titre, Saules aveugles, femme endormie, lorsque ce recueil paraîtra en poche bien sûr.
Bien que la lecture d’œuvres déjà si nombreuses devrait en toute logique me dissuader d’écrire les miennes, il me faut maintenant reprendre mes chantiers et veiller à ne pas m’ensevelir dans la contemplation de ce merveilleux paysage sur lequel ouvrent mes fenêtres. Pour des natures comme la mienne, le risque est grand... Comme la tentation de Venise toutes les années à la même époque...
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29 août 2009
Un piéton de Villeurbanne
Roland Tixier, Simples choses, (postface de Nicole Vidal-Chich) éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon. 80 p, 13 €. 2009. Port gratuit.
Villeurbanne, Vaulx-en-Velin et peut-être d’autres confins de ce qu’on appelle le Grand Lyon ont leur poète. Il s’appelle Roland Tixier, marche beaucoup et accorde son pas au rythme de visions fugitives (« n’être autre que ces pas / d’une rue à l’autre / quelques instants insaisissables »). Il en naîtrait presque une moderne épopée, depuis tant de recueils publiés par ce maître de la notation brève, dans le style des haïkus urbains, si ce promeneur ne se souciait comme d’une guigne de jouer le passant considérable.
Ainsi, dans son dernier opus intitulé Simples choses, Roland Tixier persiste-t-il à se fondre dans le paysage urbain ou semi-urbain (« je pars je me fonds / dans le gris léger / à l’est du périphérique ») que nous avons vite fait de juger inhumain alors qu’il est justement chargé d’humanité. Le quai, le square, le bus, le quartier, le bureau de poste, le banc, la gare, le trottoir, le parking, la banlieue, le supermarché, la supérette que les discours convenus relèguent souvent dans un pluriel hostile et lointain retrouvent leur singulier lorsque le poète piéton les nomme. Tel est un des pouvoirs de la poésie. La vie qui semblait vouée à se dissoudre dans l’anonymat des mornes et rectilignes perspectives des « grands ensembles » regagne alors sa dimension quotidienne et individuelle avec ses présences saisissantes (« clochard ravagé / peu de vie dans son caddie / de supermarché »), intenses (« elle au volant il l’embrasse / garée à la diable / warning allumé ») rassurantes (« bonheur d’une journée / être près de vous debout / sur ce quai de bus ») souriantes (« trois pigeons devant la mairie / picorent les grains de riz / lendemain de mariage »). En trois lignes, le collectionneur de « simples choses » peut nous emmener loin (« amoureux perdus / sur le chemin de halage / matinée de brume ») ou restreindre le cadre jusqu’à nous faire éprouver la sensation physique de l’enfermement (« loin de ses repères / petit merle apeuré / entre les haies d’automobiles »).
Lorsqu’il consent à se mettre en scène, c’est à la façon, fugace, d’un Alfred Hitchcock dans les premières images de ses films et l’on se surprendrait presque à s’exclamer : « Tu as vu, au début de ce poème, le type qui monte dans le bus ? C’est Roland Tixier ! » . Mais ce passant de la « bienheureuse marche » au pas aussi léger que son sac à dos peut très bien être vous et moi parce que l’auteur de ce livre nous prend vraiment en sympathie (« ah ! mes compagnons de bus / bonheur d’être près de vous / logé à la même enseigne »).
01:11 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : simples choses, roland tixier, villeurbanne, vaulx-en-velin, grand lyon, poésie, éditions le pont du change, lyon
28 août 2009
Chérie, éteins la télé !
« La télévision est le concentré de tout ce qui en nous est abject. Tout ce qui, déjà dans la réalité, nous apparaît difficilement réconciliable en terme de qualités humaines devient d'une crudité implacable une fois retransmis à la télévision. »
- Erlend Loe - (Doppler, éditions 10/18)
17:22 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, doppler, erlend loe, 1018, blog littéraire christian cottet-emard, roman, littérature