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12 septembre 2009

Tu écris toujours ? (52)

mdl18_couv-hdef.jpgConseils aux écrivains qui se font interviewer

Cet épisode de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE) est paru dans Le Magazine des Livres n°18, juillet/août 2009.

Pendant que je donnais son bain au canari — le pauvre ne peut plus monter tout seul dans sa baignoire en raison de son grand âge — le téléphone a sonné.  À la voix qui me demandait si j’étais bien moi-même, j’ai répondu « non, il s’est absenté » , histoire de me voir venir et de noter qu’un journaliste souhaitait m’interviewer. J’ai promis de transmettre le message dans les meilleurs délais, ce qui, de ce point de vue, était la stricte vérité, et j’ai décidé de faire le point. J’aime beaucoup faire le point, mais comme je le fais plusieurs fois par jour, je n’ai pas forcément le temps de m’occuper du reste.

Tel est mon premier conseil si l’on vous demande une interview : faire le point et ne pas sauter de joie, car même si l’on ne peut pas voir à l’autre bout du fil que vous vous pendez au lustre d’allégresse, cela peut se deviner. Le journaliste risque d’en conclure que vous n’êtes pas souvent interviewé et en déduire que, finalement, vous ne méritez point de l’être. Ne faites pas le point trop longtemps. Après un ou deux mois, on pourrait croire que la proposition vous laisse froid. Le journaliste a été muté pendant que vous faisiez le point ? Tant pis pour lui, ça lui apprendra à être patient. Sa hiérarchie ne l’a pas encore désigné comme volontaire pour une mutation ? Tant mieux. Vous allez pouvoir l’informer du bout des lèvres de votre décision de lui être agréable en acceptant de bien vouloir lui parler.

Maintenant que le rendez-vous est fixé, comprenez le but de votre interlocuteur. On est en plein mois d’août en sous-préfecture et vous avez affaire à un localier ? Cela signifie que même les chiens écrasés sont partis en vacances et qu’il ne reste plus qu’une solution au malheureux pour remplir sa page : vous. Si vous tenez malgré tout à ce papier dans Le Républicain Populaire Libéré du Centre, demandez le stagiaire d’été. Il vous soignera mieux, avec ses illusions juvéniles et ses participes aux accords imparfaits, que le vieux caïman en fin de carrière allergique à la littérature et capable de vous fourguer un pigiste des sports pour critiquer vos œuvres. C’est ce qui m’est arrivé lors de la parution d’un de mes premiers livres. L’article promis a mis un an à paraître sous la signature d’un spécialiste de la boule lyonnaise. Le papier n’était pas mal mais rédigé dans un style — comment dire ? — un style très « boule lyonnaise » . J’ai dû me pincer plusieurs fois en lisant cette prose tardive. Moralité, quand le bouliste se pique de littérature, l’écrivain prend les boules.

Bien choisir le lieu de l’interview. Si le journaliste vous propose son bureau, méfiance, cela peut être le bar du coin où une radio qui n’a rien de commun avec France-Culture confisque tout l’espace sonore public. Vous n’entendrez pas les questions du journaliste qui comprendra vos réponses de travers, ce qui peut donner un résultat intéressant si vous êtes nostalgique du surréalisme. Dans le cas contraire, faites-vous livrer le journaliste à domicile.

À l’époque où j’habitais encore en ville, j’ai tenté une fois cette expérience que je n’ai jamais reconduite en raison du comportement de ma voisine,  chanteuse candidate à Décibel-Académie dans la section amateurs. Elle ouvrit ses fenêtres au moment de l’interview et commença à s’entraîner. Elle entama une longue vocalise déchirante qui monta en puissance pour mourir une première fois en un profond sanglot auquel succéda une plainte entrecoupée de hoquets de type tyroliens. Le journaliste dressa l’oreille. La voisine en profita pour offrir un deuxième service. Le journaliste roula de gros yeux inquiets et demanda :
« Quels sont ces cris affreux ? Quelqu’un s’est-il blessé ? »
— Ce n’est rien, dis-je, c’est la voisine.
Le journaliste me lança un regard sévère.
— Comment ça, ce n’est rien ? Il faut porter secours à cette malheureuse !
Comme pour confirmer les craintes du journaliste, la voisine cala sa voix éraillée sur un grave soupir qu’elle transforma en un terrible crescendo vibrato aussitôt relayé par un hurlement sauvage (probablement une chanson adaptée du Fado) agrémenté de trois vigoureuses reprises. Les tourterelles tranquillement occupées à fracasser du bec le crâne de quelques passereaux pour leur engloutir la cervelle interrompirent leur déjeuner et s’envolèrent à grand fracas en même temps que moineaux, merles, mésanges, pies et corbeaux épouvantés.
— Pauvre femme, crut bon de compatir le journaliste. Là,  je crois qu’elle fait un malaise, il faut appeler d’urgence un médecin !
— Ah non !  répliquai-je au milieu d’une nouvelle batterie de vocalises.
Le journaliste me dévisagea encore plus sévèrement : « Quel manque de compassion pour vos semblables ! Je suis outré ! » Et il me fit un très méchant article. Je me suis consolé en apprenant que la voisine n’avait pas été retenue à Décibel-Académie. Bien fait pour elle !




04 septembre 2009

Orgue et chant à Nantua : concert gratuit le 20 septembre

P1000251_3.jpgÀ l’occasion des Journées du Patrimoine 2009, un concert orgue et chant aura lieu le dimanche 20 septembre à 17h en l’abbatiale Saint Michel de Nantua. Ce concert à l’entrée libre est organisé par l’association des Amis de l’Orgue de Nantua et l’association Histoire, Monuments et Sites du Haut-Bugey avec le soutien de la paroisse Saint Michel de Nantua, du Conservatoire à Rayonnement Départemental d’Oyonnax et de l’Office de Tourisme du pays de Nantua-Haut Bugey.

Florence Grasset, élève de 3ème cycle dans la classe de chant de Dominique Bonnetain au CRD d’Oyonnax, sera accompagnée par Olivier Leguay dans des œuvres de François Couperin et Louis Vierne.
Olivier Leguay, professeur aux conservatoires d’Oyonnax et de Lons-le-Saunier,  interprétera des œuvres de Franz Liszt.

Véronique Rougier, titulaire de l’orgue de Nantua et professeur d’orgue au CRD d’Oyonnax, interprétera des œuvres de Michel Corrette et Jean-Sébastien Bach.
Nul doute que ce programme varié fera sonner l’orgue historique construit en 1845 par Nicolas-Antoine Lété dans toute l’étendue de sa palette sonore.

Michel Jacquiot, organiste suppléant à l’abbatiale de Nantua et à la cathédrale de Belley, présentera le concert et invitera ceux qui le souhaitent à la traditionnelle visite de l’orgue.

Prochain concert organisé par les Amis de l’Orgue de Nantua : dimanche 4 octobre à 17h, récital d’orgue par Yves Lafargue professeur d’orgue au Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon . Ce concert a obtenu le label Patrimoine en Musique, label de qualité.

 

Photo : de gauche à droite, Véronique Rougier, Olivier Leguay, Florence Grasset.

02 septembre 2009

Carnet du premier quartier de lune

Ce matin, le petit crêt qui s’élève au-dessus des frênes, tout au fond du verger, a disparu dans un immense nuage et ce fut presque un soulagement de contempler ce spectacle après l’inhabituel et piquant soleil de fin août. Je suis sorti pour me laisser emmailloter à mon tour par ces nuées qui ont dévalé jusqu’au village où des enfants vivent probablement leur première rentrée scolaire. J’espère qu’il ne s’en trouve aucun parmi eux pour me ressembler et vivre ces moments comme je les ai vécus, c’est-à-dire conscient dès les premiers instants en classe maternelle que ce serait long, pénible, éprouvant. L’avantage de la cinquantaine qui approche et de ma vie marginale, c’est de savoir que, sauf réincarnation malencontreuse, je ne revivrai jamais la scolarité et ce qui vient après.

51J9BGSXW2L._SL500_AA240_.jpgComme chaque année à cette époque, je termine un cycle de lectures parmi lesquelles Haruki Murakami aura tenu une place non négligeable. Je ne savais rien de ce japonais très occidentalisé en commençant son roman Les Amants du spoutnik que j’ai lu avec plaisir même si la fin est bâclée. Mais cela n’est pas grave car il ne peut en être autrement dans ce style de narration onirique dans laquelle l’intrigue ou ce qui en tient lieu n’a guère d’importance. J’ai été plus gêné d’apprendre que Murakami est un marathonien, non seulement dans le domaine sportif (ça le regarde et personne n’est parfait) mais encore, ce qui est beaucoup plus contestable, dans son écriture. Murakami est de ces écrivains doués qui écrivent trop, sans doute pour le bonheur de leurs éditeurs mais ce n’est point l’affaire des lecteurs. En ce qui me concerne, j’ai toujours préféré les livres courts et les auteurs paresseux. Un gros livre qui n’est pas un chef-d’œuvre est une impolitesse et la plupart des chefs-d’œuvre ont au moins cent pages de trop.

Après Les Amants du spoutnik, j’ai continué avec une épaisse compilation de nouvelles sous le titre L’éléphant s’évapore dans lesquelles se déploient sans complexes les défauts des auteurs trop prolixes qui finissent par se plagier eux-mêmes, devenir des faiseurs en tirant parti de la moindre idée saugrenue pour en dérouler le fil jusqu’à la rupture ou du moins jusqu’à l’extrémité de la bobine. Le plus étonnant est que j’ai pourtant lu facilement ces nouvelles pour la plupart bavardes et sans grand intérêt, sans doute parce que Murakami sait emmailloter le lecteur dans son univers comme le nuage de mon début de matinée a enveloppé tout ce qui se trouvait sur son passage en ce deuxième jour de septembre. En tous cas, je ne compte pas en rester là avec Murakami puisque j’ai le projet de lire, rien que pour la beauté du titre, Saules aveugles, femme endormie, lorsque ce recueil paraîtra en poche bien sûr.41WQy4R61RL._SL500_AA240_.jpg

Bien que la lecture d’œuvres déjà si nombreuses devrait en toute logique me dissuader d’écrire les miennes, il me faut maintenant reprendre mes chantiers et veiller à ne pas m’ensevelir dans la contemplation de ce merveilleux paysage sur lequel ouvrent mes fenêtres. Pour des natures comme la mienne, le risque est grand... Comme la tentation de Venise toutes les années à la même époque...