11 juillet 2009
Nouvelles du front
15:43 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : travail le dimanche, social, licenciement, emploi, chômage, oyonnax, ain, blog littéraire de christian cottet-emard, hard discount, commerce
Carnet
Ce fut vraiment une riche idée de réserver un an à l’avance cette journée de dimanche dernier pour aller voir en famille une très belle Traviata à l’opéra de Lyon dans la mise en scène de Klaus Michael Gruber. J’ignorais, à l’époque de la réservation, que l’année 2009 ne serait pas localement favorable à la musique avec la disparition pure et simple du festival du Haut-Bugey à Nantua. Je déplore la fin de ce petit festival de grande qualité organisé dans le lieu inspiré de l’abbatiale Saint-Michel. Difficultés financières, fréquentation en baisse, et, flottant dans le mauvais air du temps, cette désormais récurrente accusation d’élitisme chaque fois qu’on essaie de s’adresser à la sensibilité et à l’intelligence du public, tout cela devait-il pour autant conduire à effectuer un replâtrage hâtif avec cette nouvelle programmation estivale qui, bien qu’elle s’intitule « Airs d’été » , manque cruellement de souffle ?
Hier vendredi, je suis descendu de mon repère campagnard pour aller consulter un ouvrage à la bibliothèque municipale d’Oyonnax abritée par le centre culturel Aragon. À l’intérieur du bâtiment, les murs des circulations étaient tapissés d'affreuses photographies géantes de tapeurs de ballon. Je suppose que cette initiative grotesque a été prise au nom du dialogue entre culture et sport et dans un souci d’éviter tout élitisme ! Je me demande simplement si l’on peut trouver de l’art exposé dans les vestiaires du stade. De toute façon, n’ayant jamais mis les pieds dans un stade, même à l’époque où j’aurais pu être exposé à ce déshonneur du fait d’une de mes péripéties professionnelles, je ne risque pas d’aller vérifier.
Bon, ce n’était pas mon jour à Oyonnax qui n’est jamais une ville aussi agréable que le dimanche soir en hiver par moins dix degrés. Or nous sommes en été et, sous prétexte d’animation commerciale, on nous privatise l’espace sonore public au moyen d’une sonorisation je ne vous dis que ça. Ambiance parfaitement infernale garantie. Retour illico presto sous mes frênes musiciens, loin de tout ça.
02:15 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : carnet, journal, notes, écriture du moi, festival airs d'été, oyonnax, ain, musique, blog littéraire de christian cottet-emard
09 juillet 2009
Nouvelles du front
J’ai plusieurs fois écrit, de manière directe ou indirecte, dans certains de mes livres, que je me sentais étranger dans la ville où j’ai habité la plus grande partie de ma vie. Au début 2009, j’ai eu l’occasion de m’éloigner sans partir très loin, juste un peu plus haut dans un petit village de la montagne jurassienne, ce qui m’a permis de rompre avec les aspects les plus pénibles d’Oyonnax. Aujourd’hui, dix kilomètres de distance me suffisent pour me sentir à la fois proche et loin de cette bourgade industrielle — peut-être devrais-je écrire « postindustrielle » — qui a toujours été le laboratoire du libéralisme économique sauvage.
Si feu l’écrivain Roger Vailland revenait aujourd’hui à Oyonnax où il a extrait la matière de son célèbre roman 325000 francs qui décrit la condition du prolétariat enchaîné à l’usine à l’époque du « plein emploi » , il trouverait désormais un sous-prolétariat exposé à la violence froide du capitalisme en crise, à ce que l’essayiste Viviane Forester appelait dans un livre fameux « l’horreur économique » . Cette terrible pression sur des populations fragiles, déracinées, n’a fait que monter en puissance au cours des dernières décennies, notamment depuis les années 80 que j’appelle « la décennie de la grande erreur » lorsque s’est produit ce qu’on appelle aussi la « révolution conservatrice » avec les conséquences sociales que nous avons sous les yeux maintenant.
Aujourd’hui dans l’industrie, dans la distribution, dans les services, dans la fonction publique, dans toutes les branches professionnelles, surviennent tous les jours des événements illustrant l’attaque systématique contre la législation du travail, la destruction programmée des acquis sociaux, qui auraient voici seulement quelques années jeté des centaines de milliers de manifestants dans les rues. Mais en ce moment, ce qu’on peut appeler sans hésitation la caste dominante a réussi à installer la peur et la sidération dans les esprits sans avoir conscience qu’il y a grand danger à parier sur la résignation, le désespoir et l’apathie à seule fin de s’agripper à des privilèges aussi exorbitants qu’anachroniques.
Cela n’incite pas à l’optimisme mais mercredi soir, j’ai éprouvé un frisson d’espoir quand le journal d’information de la nuit sur la chaîne de télévision France 2 s’est fait l’écho du combat mené à Oyonnax (eh oui !) par des employés d’un des plus rudes secteurs de la grande distribution, le « hard discount » , où des salariés qui refusent de travailler le dimanche sont lourdement sanctionnés. Selon la propagande du gouvernement, le travail dominical ne concernerait que celles et ceux qui se portent volontaires, or on sait très bien que dans ce cas, les volontaires risquent fort d’être désignés, soit directement par la hiérarchie, soit plus insidieusement, par toutes sortes de pressions sur les salariés qui préfèrent encore leur vie de famille, leur vie privée, à quelques euros de plus. On sait aussi que ces maigres bénéfices seront engloutis dans des frais liés au travail le dimanche (transports et garderies supplémentaires).
Dans l’océan d’insignifiance du journal télévisé (Michael Jackson, tour de France, chiffres du chômage manipulés jusqu'au délire) les images toniques de ces employés en résistance — une procédure est en cours d’après ce que j’ai compris — montrent que le front peut s’élargir à mesure que l’ennemi tombe le masque.
13:13 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : travail le dimanche, emploi, révolution conservatrice, horreur économique, précarité, front social, hard discount, distribution