17 mars 2006
CPE = Contrat Précaire Emploi
On s'étonne de me voir ferrailler contre le service civique obligatoire, ce lapin sénile sorti du gibus défoncé de quelques illusionnistes (dont le talent inspire moins confiance que celui du bon vieux pétomane d'antan) sous prétexte qu'il y a plus d'urgence à combattre le CPE. Faut-il pourtant rappeler que le service civique obligatoire sort du même magasin d'accessoires ? Tout récemment, un lecteur est venu commenter mon deuxième billet contre le service civique obligatoire sur le thème du don et de la fraternité, celle-ci étant qualifiée par ce lecteur "d'emblème de la République". J'ai répondu dans l'espace des commentaires mais comme le blog a un petit côté ardoise magique, je redonne ici ma réponse à ce lecteur :
Tout le monde (ou presque) est pour la fraternité mais permettez-moi de douter de la bonne santé de ce mot si galvaudé en ce moment.
Jamais on ne l'a autant prononcé, rabâché, qu'en cette époque où l'on entend à longueur de journée la litanie "SDF", "fin de droits", "radiation"...
Jamais ce pauvre mot épuisé, vidé de son sens, n'a sonné si creux que dans les discours politiques et médiatiques actuels qui se gobergent de fraternité ou de solidarité alors que les seules "valeurs" prônées dans ces mêmes discours sont la compétition et la concurrence, non seulement entre les entreprises mais encore, ce qui est bien plus grave, entre les personnes.
Quelle fraternité peut encore se développer lorsque, depuis votre poste de travail (notamment dans le privé mais aussi, de plus en plus, dans le public) vous voyez quinze personnes lorgner sur votre emploi et vos patrons ou vos supérieurs guetter votre faux pas pour vous remplacer par moins cher et plus docile ?
Quant à "donner de son temps", quel sens peut avoir la notion de don dans une société essentiellement marchande comme la nôtre ?
On ne peut pas à la fois convaincre les individus que tout s'achète et se vend et qu'il n' y a pas d'alternative à ce système puis leur demander de pratiquer le don et la fraternité.
Dans une telle contradiction, la notion de fraternité n'est effectivement qu'un "emblème", c'est-à-dire une figure, un ornement symbolique, tout comme l'idée du service civique obligatoire.
Quant à ce fameux CPE, il porte bien ses initiales : Contrat Précaire Emploi.
15:25 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (4)
12 mars 2006
Tu écris toujours ? (37)
Conseils aux écrivains qui ont encore des amis non-écrivains et non-littéraires
Si vous êtes écrivain et que vous avez encore des amis non-écrivains et non-littéraires, voici quelques conseils pour les garder.
Ne vous fâchez pas s’ils vous demandent : “Tu écris toujours ?” mais rien ne vous oblige à répondre à la question. Feignez de ne pas avoir entendu ou répondez à côté. Ils n’en seront point étonnés car ils pensent que l’écrivain est distrait et qu’il adopte souvent des comportements étranges. Pour eux, un écrivain est une sorte de professeur Tournesol. En moins rigolo.
Au cours d’un dîner avec vos amis, ne faites pas l’écrivain. Montrez que vous êtes capable de vous intéresser à autre chose qu’à la littérature, même si ce n’est pas vrai.
Par exemple, dans une conversation qui vous ennuie, n’essayez pas de glisser, l’air de rien, une petite citation pour faire dévier les sujets abordés vers le seul (la littérature) qui vous fasse oublier votre assiette, votre verre ou le décolleté d’une amie de vos amis.
Ne parlez de vos travaux en cours que si l’on vous encourage à le faire (et soyez bref), sauf s’il s’agit de la rénovation de votre cuisine ou de la construction d’un clapier pour le lapin soi-disant nain qui a mangé la moitié de votre dernier manuscrit.
Vos amis ont sûrement des enfants. Le soir, avant le dîner, ne lisez pas de contes aux petits pour les aider à s’endormir, surtout s’ils sont de vous (les contes, pas les petits).
Si vous avez quand même lu un conte de votre invention aux enfants de vos amis pour les aider à s’endormir sous prétexte que l’apéro s’éternise et que vous avez les crocs et que, du coup, il ne peuvent plus dormir du tout, ne dites pas que le conte est de vous.
Si vous vous êtes tout de même vanté d’être l’auteur du conte qui a terrorisé les enfants de vos amis au lieu de les bercer et que leur mère vous fait la tête, concentrez-vous sur votre verre, votre assiette ou... Oh, et puis démerdez-vous.
Chez vos amis, quelques situations délicates peuvent se présenter. Si cela se produit, tant pis. Si cela ne se produit pas, tant mieux !
Quelques exemples :
Vous avez prêté une pile de livres (dont votre dernier paru) aux amis qui vous ont invité pour le réveillon de Noël. Lorsque vous en profitez pour les récupérer, on vous demande si vous pouvez attendre encore une semaine (“le temps qu’on enlève la crèche calée avec les livres empilés et recouverts de papier rocher”). Soyez compréhensif, dites “pas de problème.”
Et si vos amis vous rendent tout de suite celui dont vous êtes l’auteur en ajoutant “celui-là, tu peux le reprendre maintenant car il n’est pas assez épais pour caler la crèche”, soyez sport, répétez la formule “pas de problème.” Si vous portez votre veste de vrai tweed, vous pouvez ajouter en levant un sourcil : “pour une fois que ce j’écris sert une grande cause...” Vous vous sentirez ainsi très spirituel et décontracté et vous pourrez vous en réjouir intérieurement. La grande classe...
Vos amis non-littéraires lisent un demi-livre par décennie. Vous n’y pouvez rien. Et quant à vous, combien de matches de ballon regardez-vous à la télé ? Zéro. Et vos amis n’y peuvent rien. Vous êtes pire qu’eux et fier de l’être. Statistiquement, il existe peu de chances pour que le seul livre dont vos amis lisent la moitié en une décennie soit une de vos œuvres. Ne cherchez pas à lutter contre ce qui est plus fort que vous.
Vous publiez un nouveau livre. N’informez pas vos amis, ils se croiraient obligés de l’acheter.
Ne donnez pas votre livre à vos amis, ils se croiraient obligés d’en lire au moins deux pages.
Ces simples conseils vous permettront de conserver d’harmonieuses relations avec vos amis non-écrivains et non-littéraires. Ils vous seront reconnaissants de votre tact et avec un peu de chance, ils vous liront peut-être après votre mort.
Conduite à tenir après votre mort :
Si votre dernier livre est devenu un best-seller une semaine après votre décès et que vos amis se décident enfin à le lire la larme à l’œil en soupirant “on aurait dû penser à s’en faire dédicacer un exemplaire, on sait jamais, ça peut prendre de la valeur”, vous pourrez peut-être, à l’occasion d’une nuit d’orage ou de pleine lune, hanter leur appartement en faisant tourner les tables et couler du ketchup le long des murs.
Il se peut que tout ce raffut les réveille et qu’en vous découvrant en pleine lévitation au dessus du frigo, ils bredouillent les yeux exorbités et la bouche tordue d’un rictus de terreur et de remords : “mais... Mais... Tu... Tu écris toujours ?”
Alors, vous ferez briller vos yeux tout rouges dans le noir, vous dégobillerez une volée de clous (normal, vous n’étiez pas bricoleur) et un liquide verdâtre fluo puis vous gronderez d’une voix sépulcrale : “TROP TARD !”
Enfin, n’en faites pas trop non plus avec les effets spéciaux car ces gens étaient tout de même vos amis. Faites preuve de tact. Si leurs cheveux ont blanchi de frayeur, redescendez du plafond, détendez l’atmosphère et dites : “c’était juste une blague !” Du tact, vous dis-je et toujours de la courtoisie, de la discrétion, de la politesse... La classe quoi !
(À suivre)
01:00 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (11)
11 mars 2006
Printemps des poètes
Lu dans Le Monde des livres (daté 10 mars) page 10 :
"Nous oeuvrons (...) à ajuster fragilement quelques rythmes (verbaux, graphiques, colorés) dans l'entre-deux entre ce que ce réel nous pousse à faire et ce que nous restituons comme fiction formée".
- Christian Prigent -
Avant, ça m'énervait. Maintenant, ça me fait rire !
00:20 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (7)