27 août 2006
Stupeur
Des mots qui dégénèrent... De beaux mots comme "réussir" (désormais réussir dans les affaires, dans une carrière), "passeur" (désormais récupéré par les gourous de la communication, par la promotion des festivals - comme je regrette d'avoir choisi ce mot en 1995 dans le sous-titre de mon livre sur Jean Tardieu -), "nomade" (désormais nomade du travail, de l'emploi, tâcheron précaire du grand marché européen, serf du village mondial).
Des mots salis, affadis, essorés...
Comment en sommes-nous arrivés là ?
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26 août 2006
Réussir sa vie
"C'est quoi, réussir sa vie, sinon cela, cet entêtement d'une enfance, cette fidélité simple : ne jamais aller plus loin que ce qui vous enchante à ce jour, à cette heure."
- Christian Bobin -
(La Part manquante, Folio n°2554)
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23 août 2006
La double vie des écrivains
Le bonhomme fendu en deux avec sa moitié de costume-cravate et sa moitié de combinaison imprimée de mots, en couverture de Télérama, c’est moi, c’est nous, du club très ouvert de cette écrasante majorité d’écrivains qui exercent une autre activité professionnelle pour faire bouillir la marmite.
Son drôle de vêtement annonce l’enquête que le n° 2954 de Télérama intitule La double vie des écrivains, avec des propos recueillis par Nathalie Crom. Ces six pages s’appuient sur une étude du sociologue Bernard Lahire. En 2004 et 2005, 503 écrivains nés ou vivant et travaillant en région Rhône-Alpes ont été interrogés par le biais d’un questionnaire. Des entretiens ont été réalisés avec 40 d’entre eux.
J’avais moi aussi, à cette époque, reçu le questionnaire, mais sur un mouvement d’humeur, j’avais renoncé à y répondre. Pourquoi ? Parce que je dois avouer que je vis très mal cette fameuse double vie. Je ne m’aime pas du tout en bonhomme fendu en deux et c’est pourtant (hélas) cette image qui symbolise le mieux ma condition. Or, quand je me regarde dans la glace, je ne vois ni un éducateur, ni un libraire, ni un journaliste, toutes professions (j’en passe et des meilleures) que j’ai pourtant exercées dans d’autres doubles vies. Je ne vois qu’un type qui écrit des histoires et qui a la chance de pouvoir les publier. Tant qu’à faire, je trouverais plus commode d’en vivre avec un statut social bien défini. “Les intermittents du spectacle ont un statut, pas les écrivains” fait très justement remarquer Bernard Lahire.
Lorsque, dans un dîner, j’avance cet argument à quelqu’un qui me vante la belle liberté de création dont je bénéficie précisément grâce à l’absence de tout statut dans mon activité littéraire, j’avale de travers parce que j’ai du mal à digérer les notions de liberté et de création, deux mots que j’emploie toujours avec circonspection.
En tous cas, l’annonce de la parution en librairie le 31 août prochain de “La Condition littéraire, la double vie des écrivains” de Bernard Lahire aux éditions La Découverte (624 pages, 25 euros) me rappelle ce que j’écrivais dans mon feuilleton “Tu écris toujours” le 3 juin 2006 :
“Je mène une double vie, celle de monsieur tout-le-monde qui vend de son temps pour survivre dans la société marchande où seule une infime partie de moi est présente, et l’autre, celle de ma véritable présence au monde, où je pèse de tout mon poids d’os, de chair, de joie, de rêve éveillé, rythmée non seulement par l’écriture mais encore par la musique et la promenade.”
18:57 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (8)