Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31 août 2005

Tu écris toujours ? (25)

Nous autres, auteurs, petits ou grands, bons ou mauvais, stylés ou non, ignares ou cultivés, prestigieux ou minables, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, “à compte d’auteur ou à compte d’éditeur”, gauche-caviar ou droite-tête de veau, le pire du ridicule nous guette tous : l’esprit de sérieux.
Notre espérance de vie, nous en connaissons la moyenne, d’où nous venons et où nous allons, nous nous en doutons.
Que le soleil enflera comme une baudruche pour digérer la Terre dans une soupe rouge et que l'un des derniers organismes vivants encore capables de boire les ultimes gouttes de rosée avant la fin finale sera l’antédiluvien et modeste nostoc (appelé aussi "crachat de la lune" ou "crachat du diable"), les savants nous l’ont dit.
Alors, (désolé) mais nos petits bouquins...

P.S : pour en savoir plus sur le nostoc et autres curiosités, un livre de Pierre Gascar, Le Règne végétal (éditions Gallimard).

(À suivre)

30 août 2005

Tu écris toujours ? (24)

S'éditer soi-même, on le sait, peut réserver de mauvaises surprises dès la réception des livres commandés à l’imprimeur.
Lorsque je voulus tenter l’expérience, voici une bonne vingtaine d’année, cela me fit tout drôle de voir rappliquer dans ma cour un camion, lequel, au terme d’une manoeuvre délicate suivie d’un éternuement de frein, expulsa de sa cabine un costaud bougon brandissant un bon de livraison : “j’ai une palette au nom de Cottet-Emard, ouais, des bouquins.” Et le transporteur de s’esclaffer : “ben vous, quand vous lisez, vous faites pas semblant ! On la met où, la palette ? Là ? Dehors ou dans le garage ?”
J’ai signé le bon et j’ai dit que j’allais me débrouiller avec les cartons. Le costaud et son camion se sont évaporés dans un nuage de gaz. J’ai regardé la palette et j’ai compris que l’arrivée de 1500 exemplaires d’un livre qui débaroulent à domicile à l’heure du petit déjeuner pouvait susciter une saine remise en question de certaines vues de l’esprit.
J’ai eu de la chance, la palette était bien cerclée. Il faut qu’une palette soit bien cerclée, sinon, elle penche et elle peut tomber. Si l’on est à proximité, cela peut être dangereux. C’est à l’usine, où j’ai travaillé deux mois dans ma vie au grade de stagiaire-étudiant (aussi bizarre que devin-plombier) pour me faire un peu d’argent de poche, que j’ai appris qu’il fallait qu’une palette fût bien cerclée pour ne pas mettre en péril l’intégrité physique de tous les intermédiaires qui ont la lourde responsabilité de la manipuler. Et cela fait du monde. Les palettes, on ne m’a pas longtemps confié le soin de les empiler et encore moins de les cercler. À côté de celles des autres ouvriers, les miennes, elles avaient des airs de tour de Pise et si le monument n’a pas encore rompu avec son centre de gravité, on ne peut pas en dire autant de mes palettes. Mais bon, tout ça, c’est du passé et personne n’est mort.
Une palette d’un livre qu’on a écrit n’est pas une vision plaisante. Ah, si les blogs avaient existé au début des années 80 !

(À suivre)

26 août 2005

Palettes d'Ormesson

Non. Il ne s’agit pas de la dernière création d’un chocolatier à la vocation littéraire contrariée mais de palettes de livres.
Je dois avouer que j’y repense à chaque rentrée littéraire, notamment lorsque je me promène dans les librairies géantes comme celles qui donnent des sacs caca d’oie, en cette saison durant laquelle des écrivains tels que Jean d’Ormesson atteignent leur seuil maximal de risque d’avalanche. Cher client de l’industrie du livre, prends garde aux palettes de Jean d’Ormesson et si on t’a obligé de déposer ton casque à la consigne, alors un conseil d’ami : préfère le rayon poésie. S’il s’effondre, quelques plaquettes et au pire une ou deux anthologies ne risqueront pas de te faire autant de bobo que des quintaux de d’Ormesson ou d’Alexandre Jardin.
Je ne prends l’exemple de Jean d’Ormesson que parce qu’il m’a toujours un peu plus énervé que les autres pisse-copie en palettes, avec son éternel sourire de pomme reinette oubliée à la cave et ses affreuses cravates bleues en toile de jute. Des cravates de rédacteur en chef. Les rédacteurs en chef ont toujours d’horribles cravates. Dans la presse de province, c’est encore pire. J’en ai connu un qui en portait une maigrichonne en cuir marron dont on se demandait si elle n’avait pas été taillée par sa femme dans un vieux string en croûte de porc tout lustré. Finalement, je préfère encore celles de d’Ormesson. Attention, je ne m’en prends pas à l’homme d’Ormesson privé mais à son clone médiatique, ce personnage d’académicien jouant l’esthète polisson qu’il s’est composé pour les siècles des siècles en se coinçant deux pinces à linge aux commissures des lèvres avant chaque séance de photo ou de télé. Télérama l’a classé dans les “contournables”. Ils sont marrants à Télérama. Comment font-ils ? Qu’ils me donnent la Force, le Pouvoir Secret, la Formule Magique, tout le Rituel qui me permettra de conjurer les effets de ces maléfiques fétiches que sont le rictus, les cravates et les palettes de Jean d’Ormesson.
Mais à propos... Ces palettes, ces piles de d’Ormesson, elles vont bien quelque part... Elles ne diminuent pas comme par enchantement, elles ne sont tout de même pas déplacées à grand renfort de chariots élévateurs à fourche juste pour la gymnastique matinale de manutentionnaires que j’imagine en train de s’engueuler dans les entrepôts : “Allez, pousse-toi, comment veux-tu que je bouge Alexandre Jardin et Marc Lévy si tu bouches le passage avec Paolo Coelho et si tu laisses d’Ormesson traîner partout ? M’enfin...”
Et si ce n’était pas sa faute, les palettes, à Jean d’Ormesson ? Alors, la faute à qui ?