Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10 février 2016

Carnet / Des « robots tueurs autonomes »

carnet,note,journal,écriture de soi,autobiographie,prairie journal,opinion,blog littéraire de christian cottet-emard,robots tueurs autonomes,robots militaires autonomes,armement,haute technologie,intelligence artificielle,robotique militaire,dissuasion nucléaire,guerre contemporaine,armée de métier,ennemi,occident,défense,drone,big dogJ’apprends par la presse que « plus de trois mille chercheurs en robotique et en intelligence artificielle du monde entier ont signé une lettre ouverte demandant l’interdiction des " robots tueurs autonomes ", capables à brève échéance de sélectionner et d’exécuter des cibles sans intervention humaine. »

Je crois au contraire que dans le contexte international actuel, l’Occident et ses alliés doivent continuer de développer au plus vite ces nouvelles armes de haute technologie en complément de la dissuasion nucléaire.

Depuis le début de la guerre froide au vingtième siècle, les gens de ma génération ont vécu dans la hantise d’une troisième guerre mondiale entre les forces de l’Otan et celles du Pacte de Varsovie dont le champ de bataille eût été l’Europe. Malgré de nombreuses alertes (la plus connue étant la crise des missiles de Cuba, mais il y en eut bien d’autres, y compris avant la chute du mur de Berlin) le cataclysme n’a pas eu lieu car pour les belligérants, s’emparer d’un territoire dévasté pour toujours par l’arme nucléaire ne présentait pas d’intérêt. Résultat : une paix armée et relative dans un Occident à peu près démocratique même si la guerre continuait de manière conventionnelle hors de ses frontières par états lointains interposés.

Hélas, nous avons basculé dans un rapport de force radicalement différent dans lequel l’effroi nucléaire n’est plus le médiateur ultime puisque l’ennemi d’aujourd’hui, contrairement à l’ennemi d’hier, n’a absolument rien en commun avec nous, ni dans sa nature ni dans ses objectifs ni dans ses critères de victoire ou de défaite. L’ennemi actuel pense qu’il peut gagner au Ciel même s’il perd sur Terre, ce qui peut le conduire à envisager l’holocauste nucléaire comme une option acceptable puisqu’il a foi en ce qu’il estime être la vraie vie, celle qu’il ne situe pas en ce bas monde mais dans l’Au-delà. Pour l’Occident, une telle posture remet en cause le concept de dissuasion qui reposait sur un équilibre de la terreur entre des ennemis ayant la même conception de la vie et de la mort.

Maintenant que des actes de guerre sont commis sur son territoire, l’Occident connaît une phase d’adaptation. Cette adaptation passe par le deuil et l’abandon du déni de réalité.

Le deuil : l’Occident doit faire le deuil de son désir certes légitime mais illusoire de n’avoir point d’ennemi.

L’abandon du déni de réalité : l’Occident  doit admettre qu’il est menacé chez lui, y compris de l’intérieur.

L’Occident doit aussi se libérer de sa mauvaise conscience historique sur laquelle prolifèrent trop de courants de pensée désuets et hostiles à sa culture et à son mode de vie. Il sait faire son examen de conscience et se remettre en question mais cette capacité ne doit pas le paralyser, surtout face à la menace actuelle.

La dissuasion nucléaire massive telle que nous la connaissons (le premier à tirer certain d’être le second à mourir) étant moins opérante (voire plus du tout) en présence d’un ennemi qui raisonne selon des critères différents, l’Occident adapte à juste titre sa défense en renforçant la recherche et le développement de son armement de haute technologie (drones, robots programmés et pilotés à distance, armes nucléaires miniaturisées et, bientôt, les fameux « robots tueurs autonomes ») parce que, Dieu merci, les opinions publiques occidentales ne tolèrent plus de se résigner au sacrifice de leurs enfants sur les champs de bataille ainsi que cela fut le cas lors des deux derniers conflits mondiaux.

Cette nécessaire montée en puissance de l’armement de haute technologie dont les Américains et les Français sont leaders a aussi pour corollaire l’abandon de toute idée de retour à cette inutile et coûteuse ineptie qu’était le service militaire obligatoire depuis longtemps définitivement inadapté aux exigences humaines et techniques de l’armée de métier.

Photo CC-E

 

28 janvier 2016

Carnet / De la logique, de l’orgue, du vent et de la tentation d’exil

carnet,note,journal,autobiographie,écriture de soi,prairie journal,orgue,vent,logique,christian cottet-emard,nantua,ain,rhône-alpes,france,europe,blog littéraire de christian cottet-emard,nicolas antoine lété,facteur d'orgue,louis vierne,berceuse,joseph de bassompierre,groissiat,haut-bugey,abbatiale saint michel de nantua,site clunisien,campagne,forêt,vosges,mirecourt,organiste,philippe lefebvre,robert schumann,six fugues sur le nom de bach,musique,lisbonne,portugalJe travaille à la publication de dix ans de mes carnets et je me rends compte que l’agencement du livre, probablement en deux parties, risque de manquer de logique. De toute façon, la logique, je me suis toujours assis dessus et je peux même dire que c’est elle qui m’a conduit à commettre mes plus grosses bêtises lorsqu’il m’est exceptionnellement arrivé de lui céder.

Une amie au téléphone : « pourquoi une telle passion pour l’orgue ? »carnet,note,journal,autobiographie,écriture de soi,prairie journal,orgue,vent,logique,christian cottet-emard,nantua,ain,rhône-alpes,france,europe,blog littéraire de christian cottet-emard,nicolas antoine lété,facteur d'orgue,louis vierne,berceuse,joseph de bassompierre,groissiat,haut-bugey,abbatiale saint michel de nantua,site clunisien,campagne,forêt,vosges,mirecourt,organiste,philippe lefebvre,robert schumann,six fugues sur le nom de bach,musique,lisbonne,portugal Je n’ai pas su répondre avec précision mais en y réfléchissant un peu plus tard, je crois que la réponse est dans un souvenir.

Dans mon jeune âge, je venais de découvrir l’orgue de Nantua et j’avais fait la connaissance de son titulaire de l’époque, Joseph de Bassompierre. Après l’avoir écouté en répétition dans l’abbatiale Saint-Michel, je l’avais accompagné chez lui à Groissiat où il m’avait joué la Berceuse de Louis Vierne au piano dans son salon. La fenêtre était grande ouverte sur une somptueuse journée d’été et je voyais au loin onduler les foins sous une brise soutenue. C’est alors qu’une association d’idée entre la houle des foins et le rythme de la musique de Vierne s’est imposée à mon esprit. Joseph jouait au piano mais curieusement, mon oreille transposait à l’orgue. De retour chez moi, j’ai cherché la Berceuse de Vierne dans ma discothèque et je l’ai de nouveau écoutée en contemplant l’ample balancement des feuillages dans la brise d’été.

Depuis ces deux épisodes, je n’ai jamais cessé d’associer l’orgue aux mouvements du vent, ce qui est logique puisque la musique d’orgue, c’est de l’air qui passe dans des tuyaux. Lorsque je me promène en forêt les jours de grand vent, j’entends des sons d’orgue et lorsque j’écoute des œuvres d’orgue, je rêve au vent dans les arbres et dans les champs. Les orgues sont le plus souvent dans les églises dont les piliers et les voûtes évoquent évidemment la forêt. Tout cela est intimement lié dans mon esprit, surtout en ce qui concerne l’orgue de Nantua qui a été construit en 1845 à Mirecourt dans les Vosges (pays de forêts) par le facteur Nicolas-Antoine Lété. Nantua dans l’Ain est aussi en région forestière.

La restauration de l’orgue de Nantua n’est pas encore commencée que sa voix me manque déjà. Heureusement, je possède les disques enregistrés sur cet instrument exceptionnel, notamment l’œuvre pour orgue de Robert Schumann interprétée par Philippe Lefebvre. Les enregistrements ont été réalisés du 6 au 8 janvier 1976 mais je n’ai découvert cette musique que plusieurs années plus tard, en particulier les Six fugues sur le nom de Bach opus 60 auxquelles je ne cesse de revenir. Ces dernières semaines, je m’en imprègne le jour et parfois la nuit. L’œuvre m’accompagne bien sûr depuis des décennies, comme le son unique de l’orgue de Nantua.

Chaque fois que j’envisage de m’installer à Lisbonne par goût pour cette ville et ce pays mais aussi par lassitude et crainte d’une France qui peine à réagir face à l'ennemi et qui ne semble parfois plus gouvernée, j’imagine tout de même avec perplexité quelle vie serait là-bas la mienne loin de ce repère essentiel qu’est pour moi cet orgue, dans cette abbatiale qui est aussi le centre et le point névralgique de plusieurs moments décisifs de mon existence. Pour mon dernier voyage, le moment venu, il ne me déplairait pas de partir de là-bas si cela n’était pas trop compliqué pour mes proches.

Photo : orgue à Lisbonne © CC-E

 

 

23 janvier 2016

Carnet / Des notes en désordre et d’un tueur lent

Lueurs incertaines des jours et des nuits. Les samares, fruits secs des frênes avec une seule aile dont les amas bruns évoquent des trousseaux de clefs, continuent de pendre aux branches en hiver. Par temps de givre, ils grésillent au moindre souffle d’air. Au redoux, le vent les agite et les frênes ont l’air de chuchoter entre eux mais je suis arrivé à un âge où je sais désormais que, comme les humains, ils n’ont pas grand-chose à se dire. carnet,note,journal,autobiographie,écriture de soi,prairie journal,blog littéraire de christian cottet-emard,littérature,états d'âme,sentiments,christian cottet-emard,destin,campagne,maison,frêne,samare,fruit,hiver,givre,redoux,arbre,nature,contemplation,retrait,vie intérieure,saudade,lisbonne

Difficultés avec la technique, l’habileté manuelle, les calculs élémentaires, l’esprit pratique. Ce sont ces manques qui m’ont poussé à choisir l’écriture au lieu de la musique ou de la peinture. Mais je travaille tous les jours à accepter cette incapacité, cette limite, et même à aimer cette incompétence puisqu’elle est malgré tout ma vie. Je connais d’ailleurs tant d’individus doués de talents variés et multiples qui ont une existence mille fois moins douillette et facile que la mienne.

Tous ces gens qui aiment souffrir au nom de grands principes et de belles idées, ils me fatiguent. Je suis las d’assister au cortège de leurs mortifications, à l’accélération de leur course au néant.

Mon destin ne consiste peut-être en rien d’autre qu’à vivre dans cette maison au milieu de la campagne et à ne pas participer, même au plus humble niveau, à ce à quoi participent les gens dits normaux. « Certains plantent, d’autres récoltent » ai-je souvent entendu dire quand j’étais enfant. Alors sans doute mon destin est-il d’habiter cette maison, cette campagne, ce lieu tant désiré et si difficilement obtenu par mon défunt père, et de me contenter d’y vivre facilement, à ma mesure, oublié de celles et ceux qui ont tenté de me comprendre sans y parvenir puis qui se sont éloignés faute de mieux parce qu’aucun autre choix n’était possible, ni pour eux ni pour moi.

Parfois dans la rue, des visages d’anges et, derrière, des paquets de névroses, une batterie de vieilles gamelles psychologiques qui s’entrechoquent dans le chaos.

Un jour, je vais finir par devenir le personnage secondaire d’une fiction impubliable.

Ce qu’on nomme aujourd’hui « musique » et « poésie » , si c’était autre chose ?

La plupart du temps, nous ne nous apercevons pas que nous vivons un moment fort de notre existence. Quand nous en prenons conscience, il est déjà trop tard pour le vivre encore mieux. Ce n’est déjà plus qu’un souvenir, un fantôme hyperactif qui ne nous laissera plus de répit.

Le chagrin est un tueur lent.

Photo CC-E