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01 décembre 2020

Leur vrai visage

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C'est quand même fort de café de se retrouver dans un monde où la gauche de la gauche bouffeuse de curé défend le service militaire obligatoire et la pire des religions.

(À propos de Mélenchon partisan du service militaire obligatoire).

 

11 novembre 2020

Carnet / Ceux à qui on a tout pris.

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En cette époque à tous égards régressive, je me désole de constater qu’on recommence à n’évoquer le souvenir de la guerre de 14-18, à travers les commémorations de l’armistice du 11 novembre, que sous l’angle de l’héroïsme.

J’y vois une paresse intellectuelle gravement dommageable à la compréhension, pour les jeunes générations, des mécanismes à l’œuvre dans le déroulement de la première guerre mondiale.

Tout événement extrême met des individus en situation de se comporter en héros mais dans le cas spécifique de la première guerre mondiale, l’héroïsme est l’arbre qui cache la forêt.

Les gens de ma génération, la première du vingtième siècle à ne pas avoir connu directement la guerre, ont eu la chance de bénéficier d’un enseignement plus distancié concernant 14-18, c’est-à-dire un enseignement dans lequel, peu à peu, l’Histoire prenait le pas sur la propagande en évitant de se focaliser sur l’héroïsme qui fait écran à l’analyse des faits.

La réalité de ces faits est cruelle et dérangeante, en contradiction avec l’héroïsme : la première guerre mondiale fut une guerre menée contre les peuples par leurs dirigeants, leurs industriels et leurs commandements militaires et ceux qui en payèrent le prix le plus exorbitant furent notamment les jeunes et les pauvres.

C’est de cela qu’il faut se souvenir et rappeler avant tout aux jeunes générations. Il y eut certes des héros mais il y eut surtout, par millions, des jeunes et des pauvres à qui on a tout pris.

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Détails de tombes de jeunes soldats de la première guerre mondiale dans un cimetière de village (photos Christian Cottet-Emard)

 

19 octobre 2020

L’enseignement de la langue arabe à l’école : une fausse bonne idée.

enseignement,école,enseignement des langues,politique,société,éducation nationale,cultureBien que je sois opposé à l’idée d’enseigner la langue arabe à l’école, surtout dans le contexte actuel (ce que j’appelle le contexte actuel recouvre en gros les vingt dernières années), je reconnais que j’ai été touché par l’argument étayant l’idée du gouvernement, idée selon laquelle cet enseignement dans le cadre de l’école de la République éviterait d’en abandonner le monopole aux religieux. L’argument est indiscutablement de poids. Il s’inscrit cependant dans notre logique occidentale tout à fait honorable qui tente de résoudre les problèmes de manière pragmatique mais qui n’est pas forcément partagée par ceux qui ont une approche idéologique ou religieuse.

 

On peut aussi voir dans cette idée généreuse et, je le répète, surtout pragmatique, une volonté officielle d’envoyer encore un signe d’apaisement pour répondre aux tensions intercommunautaires, ce qui est en théorie une bonne chose (le rôle d’un gouvernement démocratique est de maintenir la paix sociale tout en restant ferme sur la défense inconditionnelle de ses valeurs) mais qui relève aujourd’hui d’un numéro d’équilibriste très complexe et surtout très risqué. Est-ce encore et toujours à nous d’envoyer des signes d’apaisement qui ne trouvent en réponse que plus de revendications, plus d’intolérance et plus d’intimidation ? Comment croire encore que ces mains tendues ne sont pas interprétées comme des aveux de faiblesse et des signes de soumission ?

 

Se pose aussi la question délicate du contrôle et de la maîtrise de cet enseignement au sein même de l’Éducation nationale qui, depuis des décennies, ne parvient même plus à donner à bien des élèves un niveau satisfaisant en langue française !

 

 

Mais à ces trois objections, je considère qu’il s’en ajoute une autre, peut-être la principale.

 

Pour illustrer mon propos, j’ai choisi de me référer à un article publié en 1989 dans la revue Le Croquant n° 6 signé R. Chamcham intitulé La littérature arabe de langue française. Dans ce texte, le chercheur franco-marocain explique le processus d’installation de toute une génération d’écrivains arabes au sein de la langue française. Il écrit notamment :

 

« Qu’est-ce qui fait écrire les écrivains arabes en langue française ?

Pour commencer, je placerai mon analyse sous le signe de la temporalité. Au sein de la langue arabe — langue sacrée, car étant celle du Coran, texte inimitable — le roman est un genre littéraire récent, puisque son apparition date d’environ un quart de siècle.

C’est là, me semble-t-il, un des principaux aspects de l’exil des écrivains arabes. La langue arabe est une langue sacrée. Langue intouchable et intouchée, dont la temporalité déborde la périodisation ; sa rhétorique strictement codifiée impose une certaine beauté rituelle mais ne réserve aucune surprise. Sur le plan instrumental, je dirai que le sujet subit un “ état de langue ” dans laquelle la croyance conditionne la lettre. La question a d’ailleurs été soulevée par Mustapha Safouan, lors de la traduction arabe de la Traumdentung (L’Interprétation des rêves) où Freud ramène le paradis à un fantasme infantile. Dite en langue arabe cette expression est blasphématoire et relègue celui qui la prononce au rang des mécréants.

Plus que dans tout autre langue les termes arabes sont truffés de connotations religieuses. Il n’existe pas de terme pour signifier l’hérésie. Le premier qui soit apparu est celui de bid’a, qui veut dire innovation, plus précisément toute doctrine ou pratique non attestée du temps du Prophète. Celui-ci proclame dans un de ses hadiths :

“ Les choses les pires sont celles qui sont des nouveautés ; chaque nouveauté est une innovation, chaque innovation est une erreur, et chaque erreur mène au feu de l’enfer ” .

L’essentiel de l’accusation de bid’a n’était pas d’abord qu’elle était fausse ou mauvaise, mais qu’elle était nouvelle, qu’elle faisait infraction aux usages, à la coutume, au respect renforcé par la croyance dans la finalité et la perfection de la révélation musulmane.

La doctrine occidentale du droit de désobéissance à un mauvais gouvernement est étrangère à la pensée islamique. Le sujet a un devoir d’obéissance complète et indiscutable envers l’iman. Étymologiquement, Islam signifie obéissance et soumission. [... ]

 

Plus loin dans son analyse, R. Chamcham explique :

 

« Écrire en langue arabe devient écrire sous le regard constant de Dieu.

En adoptant la langue française, les écrivains arabes, tel Moïse quittant l’Egypte, vont franchir la limite qui départage encore aujourd’hui le licite de l’illicite au sein de la langue arabe afin d’écrire autrement. En s’extrayant de la langue du Coran, les écrivains arabes vont opérer une extraction de son enveloppe religieuse. Cette sortie hors des frontières de la langue d’origine sera aussi une sortie hors des slogans et des mots d’ordre ; “ voyage linguistique ” , elle se fera hors des systèmes de mentalisation du groupe d’origine. Véritable hérésie, elle représente une révolution qui fait passer de la soumission “ musulmane ” à l’insoumission, d’un espace linguistique clos à un espace infini. Transgressant l’interdit de la représentation, l’écrivain arabe va passer par palier à l’écriture alphabétique, le français va le doter de nouveaux “ mots pour le dire ” .

 

Je m’appuie donc sur ces deux extraits de l’analyse de R. Chamcham pour justifier mon désaccord avec l’idée d’enseigner la langue arabe à l’école de la République parce qu’une telle initiative revient à mon avis à ouvrir malencontreusement à des esprits libres le chemin inverse qu’ont dû suivre des esprits entravés dans l’expression de leur créativité. Il est aujourd'hui plus que jamais inopportun de courir ce risque.