11 décembre 2015
Carnet / L’écriture et la vie de Laurence Tardieu (rencontre avec l'auteure aujourd'hui vendredi à la médiathèque d'Oyonnax)
Journal d’une possible renaissance à l’écriture et à une certaine intensité de vie puisant dans un questionnement sur le sens de la littérature, L’écriture et la vie de Laurence Tardieu (éd. des Busclats) peut être considéré comme un livre de doute et d’espoir. L’auteure y témoigne d’une rupture majeure dans l’évolution de son œuvre romanesque déjà conséquente, un de ces épisodes de vide et de perte que tout écrivain peut connaître un jour et se trouver en situation de résoudre (ou de ne pas résoudre) en fonction de son individualité et de son expérience. Pour Laurence Tardieu, cette crise violente qui n’a évidemment rien à voir avec ce qu’on appelle vulgairement « la panne d’inspiration » est l’occasion d’une transition en vue d’une nouvelle traversée. « J’ai écrit ici, dans ce journal, que l’écriture était pour moi de l’ordre de la traversée » note-t-elle. « Qu’au terme de l’écriture d’un livre, j’ai le sentiment d’avoir abordé un nouveau rivage. »
Bien que presque toujours en désaccord avec la vision qu’a Laurence Tardieu du sens de la création littéraire (à l’exception de la notion de traversée), j’ai lu L’écriture et la vie avec intérêt, même si je pense que le nouveau chemin qu'elle explore ne mène qu'à une impasse.
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08 décembre 2015
Carnet / Du deuxième dimanche de l’Avent
Je ne suis pas toujours tendre avec Oyonnax, la bourgade où j’ai vécu jusqu’en 2009 et qui est la ville la plus proche de mon village pour trouver des croissants très tôt le matin. À cette heure encore nocturne, il y a quelque chose de Fellinien à conduire la voiture à travers les illuminations des rues désertes du centre ville.
La crèche devant l’église Saint-Léger est une vraie réussite et je suis soulagé d’être encore capable d’en concevoir une émotion.
Je passais d’un recueil à l’autre, dimanche 6 décembre, en une lecture croisée de La Traversée de Sylvia Plath et de Birthday Letters de Ted Hughes, unis dans la vie puis réunis dans la collection Poésie / Gallimard, ce qui n’est pas banal pour deux poètes.
Sylvia Plath :
Maintenant, dans des vallées aussi étroites
Et sombres que des poches, les lumières des maisons
Luisent comme de la petite monnaie.
Ted Hughes :
... Tu étais un appareil photo
Captant les reflets que tu ne pouvais pénétrer.
Depuis deux ans, la poésie et la nature me parlaient peu ou de très loin. Légère amélioration. Durable, j’espère... Un Noël au balcon me serait un bon allié. Un hiver sans neige ? Ne rêvons pas. Essayons au moins de vivre le redoux au jour le jour comme s’il devait durer jusqu’aux premiers crocus.
Photo : la crèche réalisée par Jean-Jacques Dalmais à Oyonnax (Photo Marie)
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13 novembre 2015
Carnet / L’été de la Saint-Martin, Vivaldi, Sylvia Plath, Laurence Tardieu
Ma maison et le paysage du Haut-Jura tout autour me rappellent parfois que je suis proche de la Suisse.
Depuis ma fenêtre, jeudi soir
Dimanche, des amis sont venus me chercher en voiture pour une sortie à l’abbatiale de Romainmôtier dans le canton de Vaud où leur fille Florence chantait en chœur et en soliste dans l’ensemble vocal féminin Polhymnia et avec l’Ensemble Fratres (orgue et direction Franck Marcon).
Ce rendez-vous avec le Vivaldi de l’Ospedale della Piétà de Venise justifiait largement le déplacement en ces étranges zones frontalières entre les deux lacs du plateau, le lac des Rousses en France et le lac de Joux en Suisse, tous deux sans rides sous un ciel bleu et dans une lumière pure.
La splendeur de la matinée m’a délivré de la mélancolie et de la sourde oppression qui me saisissent souvent à la vue des lacs, à l’exception du petit lac Genin proche de chez moi dont je fréquente régulièrement l’auberge. Quant à l’abbatiale de Romainmôtier dont j’ignorais l’existence, elle rayonne d’une clarté presque onirique alors qu’elle est solidement ancrée dans une cuvette ombreuse, un contraste propice pour se connecter au monde spirituel de Vivaldi (au programme son célèbre Gloria en ré majeur, le onzième concerto du recueil l’Estro Armonico, ainsi que les trois pièces Laetatus sum, Ascende Laeta montes et le très combatif Dixit Dominus).
Tant à l’accueil au concert qu’à la verrée où j’ai goûté un élégant Riesling du pays si j’ai bien compris, j’étais sous le charme de la civilité suisse, tout en pondération et bienveillance. Et puis la foule dans l’abbatiale pour un concert classique, j’avoue que cela me change de chez nous. Juste à côté de l’abbatiale, un arbre énorme au tronc tordu m’a intrigué. J’avais l’impression de connaître son feuillage d’automne sans être pour autant capable de l’identifier. Le jaune vif des feuilles se détachait dans le bleu indigo de la nuit tombante. Renseignement pris, il s’agissait tout simplement d’un bon vieux saule marsault que je n’avais pas reconnu en raison de son âge et de ses proportions imposantes. Dans mon coin du Jura français, je n’ai jamais vu de saules marsault de cette envergure, d’autant que cette espèce est réputée de faible longévité, soixante ans, alors que ce spécimen les avait à l’évidence largement dépassés. Cet arbre très commun m’a toujours inspiré, sans doute parce qu’il est avec ses chatons gris l’un des premiers annonciateurs du printemps dès le mois de février, quand cette saleté de neige n’a pas tout recouvert. J’ai même écrit un poème il y a longtemps où il est question d’un saule marsault qui était mon voisin lorsque j’habitais Oyonnax.
Est-ce par association d’idée que j’ai commencé de lire Arbres d’hiver de Sylvia Plath ? Je furetais chez le libraire Montbarbon à Bourg-en-Bresse mardi dernier et ma main est allée directement sur ce recueil. J’étais à la recherche d’un livre de Laurence Tardieu présente demain samedi 14 novembre à 15h à la médiathèque d’Oyonnax au centre culturel Aragon. Après de vaines tentatives dans les librairies de Bourg, j’ai finalement trouvé son journal de renaissance à l’écriture (L’Écriture et la vie, éditions des Busclats) chez le libraire d’Oyonnax Jean-Roch Buffet.
Grâce à l’été de la Saint-Martin qui me procure le surplus de lumière dont mon moral a tant besoin, je ne fais que de tout petits feux dans la cheminée. Avec le soleil qui frappe les baies vitrées, la maison reste chaude la nuit quand le ciel pétillant fait tout de même givrer la campagne vers quatre heures du matin. À l’heure la plus lumineuse de la journée, j’ai vu un papillon occupé à sa courte existence, un jour voire quelques heures entre le ciel éblouissant, les chrysanthèmes et les bruyères devant la maison. Pas de calendrier pour lui, juste l’été d’un instant qui lui est toute une vie. Les deux pipistrelles réfugiées entre les volets le temps de leur saison amoureuse ont levé le camp pour retrouver un abri moins précaire. Leur vol nuptial est fini. C’est aussi cela l’hiver...
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