17 avril 2010
Mon feuilleton « Tu écris toujours ? » paraît aux éditions Le Pont du Change
Communiqué
(annonce de l'éditeur) :
Vient de paraître :
Tu écris toujours ?
Manuel de survie à l’usage de l’auteur
et de son entourage
de Christian Cottet-Emard
« En société, votre écrivain jette un froid en plein repas de communion en déclarant que le retour des religions va provoquer une guerre nucléaire et que, pour cette raison, il aurait mieux valu ne pas faire d'enfants : ne vous inquiétez pas. La situation internationale n'est pas plus tendue que d'habitude et votre écrivain a simplement dû se faire refuser un manuscrit.
Votre écrivain est infernal et vous ne savez plus comment vous y prendre avec lui : avez-vous pensé à vous équiper d'un cochon d'Inde ? En observant attentivement ce petit rongeur, vous verrez que votre écrivain et lui ont beaucoup de points communs... »
Dans ce manuel riche de nombreux autres conseils du même tonneau, tout auteur (professionnel, débutant ou amateur) et toute personne de son entourage pourront puiser pour mener une vie meilleure, en totale harmonie (enfin, en principe...)
Avec une lucidité caustique, Christian Cottet-Emard livre une chronique drôle et décapante de la condition d'auteur.
Un extrait gratuit (3 chroniques) sous forme numérique a été mis en ligne sur la plateforme Feedbooks : Tu écris toujours ? (extraits)
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Né le 24 novembre 1959 à Montréal dans l'Ain, Christian Cottet-Emard doit patienter quinze ans avant de fumer son premier cigare.
Il aime s'absenter, en pensée et en forêt.
Auteur de poèmes, d'essais, de romans (dont Le Club des pantouflards, éditions Nykta, collection Petite Nuit, 2006) et de nouvelles, il est membre du comité de lecture de la revue Le Croquant depuis sa création en 1987 et collabore au Magazine des Livres, bimestriel dans lequel de nombreux épisodes de Tu écris toujours ? ont paru en feuilleton. Il a obtenu une bourse d'écriture du Centre national du livre en 2006.
Un recueil de 96 pages, format 11 x 18 cm. 13 € port compris. ISBN 978-2-9534259-1-8
En vente aux éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon
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13 mars 2010
Tu écris toujours ? (55)
Conseils aux écrivains trop gentils
Cet épisode de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE) illustré par le dessinateur Miege est paru dans Le Magazine des Livres n°22, janvier/février 2010.
Lorsque j’étais payé pour rendre compte d’actualités sans intérêt, lors de ma brève carrière dans la presse, j’eus souvent l’occasion de mesurer le degré de gentillesse qu’il était crucial de ne pas atteindre pour réussir dans la vie sociale et professionnelle. Ce constat vaut aussi pour les écrivains qui aspirent à la reconnaissance officielle, c’est-à-dire à une nécrologie de trois secondes dans le journal télévisé de la nuit s’ils ont la mauvaise idée de décéder pendant les jeux olympiques, le tour de France cycliste ou un match de ballon.
Si cet instant de gloire posthume vous laisse de marbre, vous pouvez persister dans votre gentillesse et continuer de publier votre œuvre dans des éditions rares que se disputeront les égoïstes livrés corps et âme à cette perversion qu’on appelle la bibliophilie. Ah, si seulement le bibliophile était votre vieil oncle ayant fait fortune dans la fleur en plastique au milieu du vingtième siècle ! Ce dynamique entrepreneur aurait beau vous considérer comme un songe-creux, il ne tiendrait guère à ternir sa réputation en vous laissant finir à la rue comme un poète maudit. Pour le conforter dans de bonnes dispositions à votre égard, vous pourriez lui réserver un exemplaire nominatif du tirage de tête de votre dernier opus (écrivez la dédicace au crayon au cas où il souhaiterait la gommer). Il ne vous resterait plus qu’à repartir avec le chèque. Vous disposez d’un tel oncle et l’idée vous sourit ? Voici un petit truc utile si vous avez la flemme d’écrire ou si la muse vous a posé un lapin : exhumez un de vos vieux poèmes, maquettez deux vers par page — c’est bien le diable si vous n’arrivez pas à une cinquantaine — et faites imprimer sur vélin en typographie un volume non massicoté. Les bibliophiles ne coupent pas leurs livres. Ils ne lisent pas, ils collectionnent. Alors, deux vers par pages, peu importe, du moment que c’est pur chiffon et tout le tralala !
J’y vais un peu fort sur le cas particulier ? Mes conseils ne doivent pas s’adresser seulement aux écrivains privilégiant la gentillesse à l’arrivisme et n’ayant de ce fait d’autre choix que de se retirer à la campagne pour se protéger des méchants aux canines plantées dans le gazon ?
Bien. Redescendons dans la jungle littéraire urbaine si propice en opportunités pour qui veut inscrire son nom sur la liste des meilleures ventes autrement qu’à l’encre sympathique. Pour y parvenir, en plus de votre activité d’auteur, prenez un petit boulot dans la presse ou dans l’édition, critique ou lecteur de manuscrits, ou les deux si vous avez le réflexe cumulard. Même si cette spécialité française fait beaucoup rire nos voisins européens, notamment nos amis allemands, rien ne saurait mieux vous permettre de vous vautrer avec délice dans la méchanceté, en public si vous optez pour la critique ou en privé si vous préférez pondre de furibardes fiches de lecture à l’ombre des piles de manuscrits. Et puis imaginez — belladone sur le gâteau — qu’atterrisse sur le coin de table de cuisine qui vous sert de bureau, au milieu des miettes et des peaux de saucisson, la prose de votre ennemi intime (ancien chef de service, prof de gym à la retraite, voisin bricoleur matinal, que sais-je encore...) mais oui, cela peut arriver puisque tout le monde veut publier. Imaginez votre jouissance lorsque dix lignes de vous destineront le tas de feuilles du plumitif aux mâchoires du broyeur ou au retour à l’expéditeur, ô volupté !
Cela me rappelle mes débuts dans la locale du Républicain Populaire Libéré du Centre lorsque, carte de presse neuve en poche, je vis s’allonger la mine du prof d’histoire-géo responsable de mon redoublement en seconde, désormais pigiste pour tromper l’ennui de sa retraite, fort dépité de confier à mes soins son compte-rendu du bal des anciens et sa note de frais. À moi le stylo rouge magique taillé pour la contraction de texte et la réduction d’une photo prévue sur trois colonnes aux dimensions d’un timbre-poste ! Ah oui, la note de frais... Je l’avais oubliée celle-là... Dans la corbeille. D’accord, le classement vertical de la note de frais, c’était peut-être trop méchant, mais que voulez-vous, quand on a des dispositions... Vous n’avez pas de dispositions ? Vous êtes un écrivain foncièrement bon ? Comme Christian Bobin ? J’ai une idée ! Vous commencez comme lui par écrire une série de livres gorgés de bonté. Ajoutez une biographie de Saint et, s’il le faut, donnez quelques piges à l’hebdomadaire La Vie (c’est arrivé aux meilleurs) et puis vlan, d’un seul coup sans prévenir, balancez un gros pavé très méchant et pas poli dans le bénitier. Vous imaginez les retombées ? Mais si, vous en êtes capable ! Et croyez-moi, au service promotion de votre éditeur, ils aimeront le concept.
La suite de mon feuilleton Tu écris toujours ? (conseils à ceux qui croient pouvoir aider un écrivain en difficulté) dans le Magazine des Livres n°23 (mars/avril 2010), actuellement en kiosques.
00:18 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : feuilleton, tu écris toujours, christian cottet-emard, blog littéraire, humour, magazine des livres n°22, presse
17 janvier 2010
Tu écris toujours ? (54)
Conseils aux écrivains qui veulent soigner leur image
Cet épisode de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE) illustré par le dessinateur Miege est paru dans Le Magazine des Livres n°20, novembre/décembre 2009.
Une ravissante jeune femme a frappé à votre porte à dix heures du matin au moment où vous avaliez la dernière gorgée de votre café au lait. Vous avez ouvert parce que vous avez cru que c’était le facteur et vous vous êtes retrouvé, face à cette beauté dont vous avez deviné la surprise, en « tenue d’intérieur » (euphémisme) et chaussé de vos pantoufles écossaises à l’élégance inversement proportionnelle à leur indéniable confort, sans parler de votre barbe grise qu’un simple rasage de frais arrive pourtant encore à dissimuler. Comble de malchance, la chaudière ayant souffert d’un accès de faiblesse la veille au soir, vous avez ressorti le bonnet de nuit de votre arrière-grand-père (chez vous, on ne jette rien). Quel dommage, au lever, de l’avoir oublié sur votre tête... Dans le regard limpide de cette traductrice envoyée par votre éditeur, vous avez vu vos cinquante balais danser une ronde infernale comme dans l’Apprenti sorcier de Walt Disney, pardon, de Paul Dukas et de Gœthe. Comment avez-vous pu vous exposer à une telle mésaventure ?
Bien sûr, le rendez-vous était prévu à dix heures et non à six heures. Dix, six, Il n’y a pas que votre vue qui baisse... Et puis n’avez-vous pas honte d’émerger aussi tard dans une France profonde qui se lève tôt même si c’est du pied gauche ? Mais la vraie raison, la voici : pas de doute, vous avez oublié d’actualiser l’unique photo de vous qui traîne depuis un quart de siècle dans la presse, ce portrait tout frais qui illustrait la parution de votre premier livre. Il faut agir en vitesse et faire une nouvelle photo de promotion dans un décor digne de votre maturité : Venise.
Partir en voyage est pénible mais ne pas partir l’est tout autant. Pourquoi Venise ? Parce que lorsque la visite de Saint-Marc se fera en nautile ou en bathyscaphe pour cause de réchauffement climatique, Venise sera une ville encore plus chère qu’aujourd’hui. Alors autant en profiter maintenant, tant que l’hôtel le plus au sec n’est pas à Cortina d’Ampezzo, vous savez, là où ils font du ski, dans les Dolomites.
Venise n’est pas une ville pratique, c’est pour cette raison qu’elle plaît souvent aux écrivains car les écrivains aiment ce qui n’est pas pratique. D’ailleurs, ce n’est pas du tout pratique d’être écrivain, excepté pour des auteurs de la stature de Jean d’Ormesson dont la principale activité, avant d’écrire des livres, est d’être Jean d’Ormesson, ce qu’il réussit à merveille. Comme lui, soignez votre image, ce qui vous donnera en plus une bonne raison de céder à la tentation de Venise où l’on peut tous se sentir écrivain, qu’on soit ancien ministre droit dans ses bottes ou détenteur anonyme d’un tiroir vermoulu tapissé de trois ou quatre feuillets de poèmes rescapés de l’époque boutonneuse. Une photo souvenir derrière un spritz ou un capuccino et le tour est joué.
Regardez Philippe Sollers et prenez exemple. Nul mieux que lui ne sait utiliser Venise pour procéder à l’érection de sa statue d’écrivain. Il a si bien réussi qu’on aurait presque du mal à imaginer Venise sans lui. Sollers, c’est comme les gondoles, incontournable, insubmersible. Moi-même, lorsque je me promène le long des canaux, je crois le voir partout. Une année, depuis mon hôtel à Dorsoduro, j’avais pris l’habitude de marcher un moment jusqu’aux Zattere où je croisais tous les matins un chat splendide. Eh bien je décidai de l’appeler Sollers en raison de son air matois, ce qui me permit de raconter à qui voulait l’entendre, et même à qui ne le souhaitait pas, que j’avais rencontré Sollers sur les Zattere. Effet garanti auprès de madame Tumbelweed, la gouvernante de mon voisin écrivain, abonnée à Point de vue images du monde, le Salut les copains des Altesses.
Sollers a tellement habité Venise, surtout avec son Dictionnaire amoureux, qu’on se sentirait presque obligé d’aller faire l’écrivain ailleurs. Mais en ce qui me concerne, je me vois mal écrire le Dictionnaire amoureux de Corneille-en-Désert, hameau tranquille où aucun félin ne ressemble à Sollers pour la bonne raison que tous les matous y sont identiques dans une zone de quinze hectares puisqu’ils sont du même père, un coureur de la trempe de Sir Alfred, le gros chartreux de mon voisin.
Évidemment, Venise n’est pas la seule ville où vous pouvez vous faire tirer le portrait en écrivain inspiré mais avouez tout de même que sans céder au snobisme, le café Florian vous avantagera mieux que la fête de la bière à Munich ou la fête du boudin (et son traditionnel mais non moins redoutable concours du plus gros mangeur) quelque part en France.
La suite du feuilleton dans Le Magazine des Livres n°22, janvier/février 2010.
(Actuellement en kiosques)
00:25 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : feuilleton, tu écris toujours ?, le magazine des livres n°20, christian cottet-emard, blog littéraire, presse, édition, aparté