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14 décembre 2017

Carnet / Né au bon moment

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Dans l’avant-propos, Lodge évoque l’invention de la puce électronique : Cette dernière, qui a rendu possible l’ordinateur, Internet, l’e-mail, le téléphone mobile et le livre numérique, a eu un impact important sur la production littéraire. Ces outils ont incontestablement rendu la tâche plus facile. Néanmoins, ces progrès menacent à présent la chaîne du livre : agents, éditeurs, imprimeurs, libraires. Tout ce qui a fourni un cadre aux écrivains, leur permettant de réaliser leur vocation et de gagner leur vie, s’en trouve fragilisé. J’ai eu la chance, je crois, d’avoir vécu l’essentiel de ma carrière dans un milieu plutôt stable.

Si je comprends aisément qu’un écrivain de la génération de Lodge puisse établir ce constat, je peux dire qu’en ce qui concerne mon activité d’auteur, je trouve des avantages à la véritable révolution qui bouleverse aujourd’hui cette fameuse chaîne du livre en plein dérèglement.

Il est  vrai que je ne suis pas contraint de gagner ma vie avec mes livres, ce que j’ai longtemps regretté mais que je considère désormais comme une liberté.

Le milieu stable dont parle Lodge a surtout favorisé les écrivains en réseau, souvent engagés sur les rails de l’université, et les best-sellers, abandonnant progressivement sur le bord du chemin de plus en plus d’auteurs aux tirages moyens et confidentiels.

Certes, les nouveaux outils qui facilitent l’édition, l’impression, la diffusion et la distribution de livres destinés à un public réduit ne permettront-ils guère plus aux auteurs de vivre de leur plume mais ils donneront au moins la possibilité d’exister à toute une production littéraire réduite au silence total par l’ancien système, ce qui m’apparaît comme un progrès considérable dont je me réjouis moi-même, depuis quelques années, de bénéficier.

Moi qui ne me sens pas toujours à l’aise dans mon époque et qui suis plutôt conservateur, notamment du point de vue social et politique, j’avoue que le spectacle du grand chambardement du vieux monde de l’édition ne m’inspire aucune nostalgie. À cet égard, j’estime moi aussi être né au bon moment.

 

26 août 2017

Carnet / De l’inconvénient de mourir pour un écrivain

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Antonio Tabucchi, hélas décédé en 2012 à soixante-neuf ans, est un intellectuel de gauche très représentatif des années soixante-dix et quatre-vingt du vingtième siècle. Je ne partage pas beaucoup de ses opinions politiques, surtout dans les temps que nous connaissons, mais cela ne m’empêche pas de le considérer comme un très grand écrivain d’un point de vue strictement littéraire et cela suffit à mon bonheur de le lire.

Je crois que c’est Borges qui disait que les opinions politiques individuelles d’un écrivain n’avaient guère d’intérêt, ce que je pense moi aussi. Par exemple, s’il m’est arrivé de citer Tabucchi à propos des Lusiades de Camões, ce n’est pas du tout pour étayer ma lecture personnelle de l’épopée nationale portugaise, ce à quoi je me garderais bien de me hasarder.

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Quant au personnage principal, ce Pereira qui prétend, ce n’est pas son évolution politique qui m’a le plus intéressé mais sa nature, ses habitudes, son cadre de vie, ses sentiments, sa mélancolie, sa manière d’être au monde, de se déplacer, de bouger, de se nourrir, de vivoter.

Comment un écrivain est-il compris ou espère-t-il l’être par le lecteur ? Vaste question. Peut-être Antonio Tabucchi serait-il très mécontent de ma lecture apolitique de son Pereira prétend, c’est même fort probable...

 

30 mai 2017

Carnet / De quelques douceurs et d’un tireur embusqué

Lundi en début de soirée avant le crépuscule, l’air sous mes frênes tout habillés de neuf était doux, parfumé et animé d’une légère brise, un contexte idéal pour une pause cigare, histoire de fêter la prochaine mise en vente de mon recueil de nouvelles Mariage d’automne dans des conditions enfin adaptées à ce que je souhaitais depuis longtemps.

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J’ai choisi un modeste Don Tomas Clasico accompagné d’un Porto. Puisque j’avais quelques cerises en dessert, j’ai trouvé intéressant de mêler les deux saveurs avant d’allumer le cigare. Pour que l’harmonie s’établisse, les cerises doivent être bien mûres et sucrées afin de ne pas dénaturer le Tawny avec un excès d’acidité. Je n’étais pas mécontent du résultat. Il ne faut certes pas tenter cette expérience avec un Porto Vintage, ce qui le gâcherait, surtout si l’on boit seul car un tel flacon une fois ouvert ne peut se garder une journée supplémentaire.

Une fois le palais bien imbibé des saveurs de cerise et de Porto, on peut passer à l’allumage du cigare. Le Don Tomas Clasico ne peut rivaliser avec la richesse aromatique et la puissance d’un Havane de la Vuelta Abajo mais il reste un cigare légèrement corsé grâce à ses cape, sous-cape et tripe Honduras. Dans cette même tripe, on trouve aussi du tabac du Nicaragua qui lui donne une très discrète amertume et qui vient équilibrer la personnalité un peu rustique de cette vitole où dominent les notes grillées.

C’est après quelques bouffées de ce cigare à mon avis aux limites inférieures du module Robusto qu’il peut être agréable de croquer un chocolat noir de qualité (pas en dessous de 70 % de cacao).

Je dédie cette page de carnet à quelqu’un qui me fait des amabilités les rares et très suffisantes fois que le croise dans la rue tout en ne perdant pas une occasion de médire de mon livre Prairie Journal sous prétexte qu’on y trouve des considérations sur ce que j’ai mangé, bu et fumé. Je n’ai aucun mal à comprendre qu’il ait limité sa lecture à ce qui était à sa portée, dédaignant ainsi les pages consacrées à René Char, à la littérature, à la musique, à la nature, aux paysages, à l’enfance, aux spectacles et à tout ce qu’on peut partager entre personnes encore vivantes. Que ce tireur embusqué (c’est ainsi que je qualifie ce genre d’individu) n’en sache pas moins qu’il est désormais débusqué !