28 décembre 2018
Carnet / Le toucan du tonton Louis
Un des plaisirs de Noël : le cadeau tardif, toujours inespéré. Quel pouvait être mon âge ? En tous cas, je savais lire.
J’étais seul avec ma mère lorsqu’une voix inconnue m’interrompit dans mes coloriages et dans l’écoute d’un de mes disques préférés, Casse-noisette de Tchaïkovski. Je levai les yeux sur un vieux monsieur vêtu de noir qui me parut très grand, chenu, plutôt réservé. Il me tendit un large et lourd rectangle emballé d’un papier cadeau et dit à ma mère sans s’adresser directement à moi « voilà pour le jeune homme » . J’étais flatté qu’un vieux monsieur m’appelle jeune homme. Le papier cadeau libéra la couverture d’un beau livre intitulé Les Animaux de la jungle. Ce devait être le lendemain de l’Épiphanie car j’avais eu un restant de brioche pour mon goûter.
Ma mère m’invita à dire merci et au revoir au tonton Louis. J’avais déjà entendu parler de lui dans les repas de famille mais encore aujourd’hui, le lien de parenté avec cet homme âgé est resté pour moi très flou. Je ne l’ai d’ailleurs jamais revu après cette visite qui est pourtant gravée dans ma mémoire à cause du livre Les animaux de la jungle, notamment après avoir découvert qu’il existait dans le monde un oiseau appelé le toucan, un oiseau flamboyant au bec orange vif et aux yeux goguenards.
Ce livre aux illustrations somptueuses et aux textes imprimés en gros caractères m’apprit aussi qu’il existait une créature nommée iguane et que les indiens de la jungle surnommaient ce lézard poulet des forêts, ce qui, en dehors du fait que ma mère m'appelait parfois poulet, modifia mon regard non seulement sur le poulet rôti dominical mais encore sur ce monde étrange dans lequel je débutais au son de la Danse de la fée-dragée.
Illustration toucan prise ici
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07 novembre 2018
Carnet / Dernière page de mon carnet vert. Je commence le rouge et jaune, tout neuf !
En train de lire Portnoy et son complexe de Philip Roth. Je m’inflige ce pensum parce que je me demande pourquoi ce livre me tombe des mains alors que des millions de gens y comprennent quelque chose. Il est vrai que la lecture de Philip Roth m’est recommandée depuis des décennies par des personnes qui ont toujours le même profil vaguement intello urbain de gauche branchouille et de sexe féminin, sans parler de la presse littéraire.
Qu’est-ce qui ne va pas chez moi pour que je peine ainsi à terminer la lecture d’un roman qui s’est vendu à plus de cinq millions d’exemplaires dans le monde ? J’en suis à la page 197 de l’édition Folio qui en compte 373 et je fournis un effort considérable pour que le marché du poche d’occasion ne s’enrichisse pas de mon exemplaire avant la fin de ma lecture. C’est grave, docteur ?
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06 novembre 2018
Carnet / D’une danseuse
Il m’arrive de plus en plus souvent de considérer la littérature comme une danseuse, une personne qu’on peut aimer regarder, avec qui on peut parfois faire quelques folies mais qu’il vaut mieux ne pas trop prendre au sérieux parce qu’on sait bien, au fond, qu’elle n’a pas tant que cela à donner et que de toute façon on n’est rien pour elle.
Photo CC-E
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