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24 février 2021

C'est l'printemps qui s'amène !

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Le printemps, c'est le Monsieur Loyal des saisons. Un beau parleur qui n'est pas dupe de son spectacle.

 

La nature parle aux amoureux. Pour les autres, elle a quand même sa petite musique.

 

Les bourgeons déjà là comme si tout ce qui s’était passé avant n’avait jamais existé.

 

Le vieil amoureux reprend le teint frais mais il est toujours aussi moche à l’intérieur.

 

C’est un grand romantique, excepté aux heures de repas.

 

Elle est très tendre quand elle a bien mangé.

 

Pourquoi les marronniers roses peuvent-ils fendre le cœur?

 

Le bonheur va vite, le malheur prend son temps.

 

Au printemps, il entend pousser les fleurs et ça l’empêche d’agir.

 

Il y a des jours où l’on donnerait n’importe quoi pour avoir un cœur de pierre.

 

Pour éviter d’être amer, mieux vaut se sucrer le bec.

 

Rien ne vaut un bon sandwich pour soigner un chagrin d’amour (pendant cinq minutes).

 

Un coup d’œil à sa montre lui indiqua qu’elle avait dû être amoureuse de lui à peu près trois quarts d’heure.

 

Quand le printemps sent trop le fauve, il se parfume à la violette.

 

Où est passé le vieux merle ? Hop, remplacé par un œuf !

 

(Petites vannes extraites de mes différents livres publiés ces dernières années. Le titre « C'est l'printemps qui s'amène » est emprunté à la Complainte des printemps de Jules Laforgue.)

Photo Christian Cottet-Emard

 

09 décembre 2020

Commencement d'un nouveau carnet

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Mon esprit plutôt lent et le harcèlement du quotidien m’obligent à tenir des carnets. Comparés à ceux d’autres auteurs, les miens sont assez mal tenus mais bien utiles pour ne pas trop perdre des moments vécus, des surprises de lecture, des colères ou des instants d’accord avec le monde. Ils me sont bouées dans le naufrage, cailloux dans la forêt.

 

À l'intérieur, mes carnets n’on rien de soigné, rien de la beauté chiffonnée (artistement brouillonne) de ces très esthétiques carnets d’écrivains recherchés par les collectionneurs ou, parfois, reproduits dans les magazines.

 

Mes carnets regorgent de ratures, d’écriture bâclée, parfois de fautes. Il s’agit d’aller vite. L’important est de capturer l’idée, la sensation, avant qu’elles ne s’échappent. Pas le temps de bien écrire, de calligraphier, d’autant qu’en fixant quelque chose qui passe dans la tête ou qui remonte de la mémoire, on le fait souvent très mal installé. Un jour, à Venise, j’ai posé mon carnet sur une des passerelles installées en prévision de l’alta aqua. Devant moi, je voyais l’eau du canal de la Giudecca déborder doucement sur le quai en un discret clapotis. Pattes de mouches, gribouillis, écriture sale.

 

Mes carnets bégaient. On peut y lire des choses ridicules, des projets avortés, des élucubrations de songe-creux. C’est la cuisine, une cuisine mal tenue. Dois-je la faire visiter ? Dois-je montrer ce qui m’entre dans la tête, ce que je prends pour une piste de réflexion ou une possible esquisse lorsque cela se présente juste avant le sommeil, au moment où je viens d’éteindre et lorsque je rallume pour noter et noter encore, à moitié hagard ?

 

Mes carnets sont spontanés, je ne le suis pas. Mon écriture ne l’est pas. Je tiens mes carnets car j’ai mauvaise mémoire, des difficultés de concentration et une bonne dose de sentimentalité.

 

Mes carnets ne sont que des pense-bêtes.

 

Feuilleter mes carnets de notes : j'ai en effet recours à ce bon vieux système pour tenter de fixer puis de me remémorer d'improbables moments de grâce capables de déchirer le voile poussiéreux du quotidien. J'allais ressortir du magasin l'image des pépites extraites du limon mais soyons modeste, en ce qui concerne mes esquisses, il ne s'agit que de cristaux glanés au hasard du sentier caillouteux ! De l'or, il y en a quand même dans ces pages de carnets. Il s'agit des citations, pensées épinglées tels des papillons de collection, vraies pépites celles-là, d'auteurs avec qui je me sens parfois en sympathie, glissées entre les bagues de cigares collées, les adresses, les photos, les beaux timbres, les coupures de presse et autres découpages, éparpillées dans ce petit matériel de dépannage pour réflexion à l'arrêt, en quelque sorte trousses de première urgence pour rêves égratignés...

 

Ce carnet que m’a offert ma fille, on dirait un gros morceau de chocolat noir. Il me plaît tellement que je n’ose pas le commencer à la légère. Je vais essayer de m’appliquer, de ne pas le couvrir de ratures, comme les autres. Je crois qu’il va être parfaitement adapté au recopiage de certaines notes que j’écris directement dans le canevas de mon blog. Ce sera une « sauvegarde de papier », en quelque sorte.

 

Ce carnet noir est différent de ceux que j’utilise d’habitude. Il s’agit d’une copie du fameux Moleskine fabriquée en Italie et vendue assez cher par rapport au modèle français d’origine, ce dernier étant désormais introuvable.

 

J’ai adopté depuis pas mal de temps des carnets à petits carreaux de marque Clairefontaine de format 11 X 17 cm, 192 pages, couvertures en couleur, pelliculées, avec motifs végétaux (écorces, brindilles, noeuds de bois...). Ces références à la nature m’apaisent. Solidement reliés et cousus, ils me permettent de coller aussi des fleurs séchées, des cartes postales, des tickets d’entrée de musées, de concerts, des publicités, toutes sortes de papiers qui attestent d’un voyage, d’un instant, d’un moment plus « vécu » qu’un autre. Il m’arrive de devoir revenir à ces papiers collés pour tenter de faire remonter vers la conscience un de ces souvenirs fugaces pouvant nourrir un texte ou un poème, voire un chapitre, une nouvelle ou un roman entier. À la fin, sous l’effet des épaisseurs de papier et des multiples manipulations et déplacements que je lui inflige, le carnet double comiquement de volume, se distend, se patine. La pellicule se décolle, sèche, se ride. Le carnet s’épaissit et vieillit, comme son propriétaire.

 

J'ai abandonné les  carnets Clairefontaine parce qu'ils ont changé. Les couvertures n'ont plus ces motifs végétaux qui les caractérisaient et qui m'inspiraient. Je choisis maintenant dans ma réserve de carnets ramenés de voyages, notamment du Portugal.

 

(Extrait de mon livre Prairie journal, © Éditions Orage-Lagune-Express.)

Images / Carnet acheté lors d'un de mes séjours à Lisbonne.

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27 août 2019

Un vieux libraire

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Une des rares dont j’évitais pourtant de traverser le parc était une belle demeure habitée par un libraire. Enfant, je fus longtemps aussi intrigué par cet homme routinier que par sa maison dont les contours, côté rue, semblaient s’estomper à travers le feuillage d’un énorme saule pleureur qui existe encore aujourd’hui. Côté parc, la bâtisse était agrémentée d’une belle terrasse reliée aux allées de gravier par un imposant escalier de pierre. Chaque jour, je voyais le libraire manœuvrer sa Renault 16 pour entrer et sortir de son garage. Jamais je ne l’ai vu ouvrir le grand portail donnant sur la rue. Sans doute accédait-il directement à sa résidence par une porte du garage. Parfois, je voyais sa haute et maigre silhouette s’attarder sous le saule pleureur qui n’était jamais taillé. L’arbre inquiétant semblait absorber l’homme comme sa maison. Lorsque je passais à sa hauteur, je saluais le libraire. Il répondait le moins possible. Il était toujours vêtu d’un costume sombre dont la veste était boutonnée sur un gilet bordeaux et une chemise à rayures fines au col fermé par une mince cravate noire. Un imperméable vaguement gris recouvrait le tout tandis qu’un petit chapeau aux bords étroits complétait le tableau.

 

Le gamin que j’étais trouvait un certain prestige à cet homme austère et distant. Il était pour moi un homme du livre, je trouvais qu’il ressemblait plus à un écrivain qu’à un libraire. Inconsciemment, je confondais les deux métiers. Je savais pourtant bien que ces deux activités étaient différentes. C’était la fiction qui était déjà à l’œuvre dans mon esprit. Je me faisais un roman de ce libraire et de sa maison. Sa vie réglée, sa R16, son saule pleureur géant, ses costumes impeccables et désuets, sa morne silhouette dans le clair-obscur des lampadaires, sa petite librairie en centre ville, tout cela m’impressionnait.

 

De nombreuses années plus tard, lorsque je publiai à vingt ans mon premier recueil de poèmes intitulé Demi-songes chez feu José Millas-Martin à sa douteuse enseigne des Paragraphes Littéraires de Paris, une mésaventure liée à mon jeune âge et à mon ignorance des usages de l’édition que je raconte en détails dans ce texte, le libraire du boulevard exerçait encore dans sa boutique du centre ville. Ayant très vite mais trop tard compris que j’allais devoir diffuser et distribuer le recueil moi-même, j’entrai dans le magasin pour demander au libraire s’il acceptait de prendre en dépôt quelques exemplaires. Lorsque je lui expliquai qu’il s’agissait de poésie, il soupira et m’invita à prendre la porte. Derrière ses lunettes mal nettoyées, j’avais quand même eu le temps de lire dans son regard le mépris et l’amertume de l’homme qui hait la jeunesse parce que la sienne s’est envolée depuis longtemps.

 

En entrant dans cette librairie poussiéreuse et jaunâtre avec mes Demi-songes sous le bras, je croyais trouver en la personne du maître des lieux le personnage de roman que mon imagination d’enfant avait créé de toutes pièces. En sortant, je laissai derrière mois un être banal, un vieil homme las et hostile.

 

Aujourd’hui, lorsque je cède encore à la tentation mortifère de m’aventurer quelques instants sur le boulevard pour jeter un coup d’œil du côté de la maison perdue, je longe la demeure du libraire, vendue elle aussi, mais où le saule pleureur étend toujours ses immenses ramures.

 

Extrait de Boulevard de l'enfance, un chapitre de mon livre Prairie Journal (pages 428 à 434) © Éditions Orage-lagune-Express, 2016. Droits réservés. Pour les oyonnaxiens, ce livre est disponible en prêt à la médiathèque municipale.