Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09 mars 2007

Un petit avion rouge

medium_avionrouge.jpg
En sortant de la grande forêt souple et odorante tu guettes le petit avion rouge

Il fait vrombir son hélice au-dessus des jardins communaux vous chercherez le mot « girouette » dans le dictionnaire et si vous en voyez une durant la promenade vous la montrerez à vos camarades dit le maître d’école

Pendant que tu te mets en rang avec les autres dès l’arrivée au panneau Oyonnax le petit avion rouge traverse une zone de turbulences son hélice mouline vaillamment l’air fantasque du premier printemps qu’on appelle le printemps des jardiniers

Très bien voici effectivement une girouette dit le maître d’école et d’où vient le vent ?

Ce maître d’école aime savoir d’où vient le vent et les promenades en forêt il a raconté en classe comment s’est terminée sa captivité il a erré sur une plage avec d’autres prisonniers et l’un de ses camarades a marché sur une mine

Le maître d’école est un homme qui a de sérieuses raisons d’aimer les promenades en forêt et de savoir d’où vient le vent

Car le vent fait tourner à plein régime l’hélice du petit avion rouge et cela peut suffire à ramener de la joie dans la tête décoiffée du maître et dans la tienne par la même occasion

Tu t’en doutais déjà en 1969 de l’importance d’un petit avion rouge lancé dans les joyeuses bourrasques parfumées au buis

Et l’idée séduisante de voler l’avion germa dans ton ennui d’écolier comme un haricot dans du coton

Mais tu n’étais pas un enfant pragmatique et entreprenant et le petit avion rouge volera encore longtemps au ras des sapins, des épicéas, des pins sylvestres et au-dessus du panneau Oyonnax

Aujourd’hui 9 mars 2007 tu sors de la grande forêt souple et odorante

Le petit avion traverse comme il peut les âges et les nuages qui lui ont piqué sa couleur rouge

Mais il vole toujours sur les cabanes et les fournaches des jardiniers

Et la Rose des Vents pourra toujours l’égratigner s’obstiner à l’entraîner de l’autre côté de la vallée où la colline a vendu son âme là où le diable en profite pour tirer la langue noire de l’autoroute

Rien n’y fera c’est ainsi ce sera toujours le même et le seul petit avion rouge de toute la Création à ne voler qu’en lisière de la grande forêt souple et odorante


Copyright : Orage-Lagune-Express, 2007.

08 mars 2007

Un week-end peu pantouflard

Je signerai « Le Club des pantouflards » (éditions Nykta) au salon du livre organisé à Valexpo à Oyonnax (01) par le club Kiwanis samedi 17 mars 2007.
Je serai le lendemain dimanche 18 mars 2007 au salon du livre de Villefranche-sur-Saône (69).
PS : quelqu'un aurait-il une idée de ce que sont devenues mes pantoufles (oubliées au salon Place aux livres, place Bellecour à Lyon cet automne) ?

medium_clubdespantouflardslyon.JPG

27 février 2007

Des pas dans la nuit

medium_cce.jpg

Photo : de l'utilité des photos ratées en général et des mauvais chargements de pellicule en particulier, (à Venise dans les années 80).

Un jour de bora bianca, ce vent redouté des vénitiens, je longeais la façade Renaissance de la Scuola di san Rocco avant d'entrer dans la basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari. Je m'accordais quelques instants de compagnie avec Titien, Canova et Giovani Bellini lorsque j'entendis quelques craquements dans l'obscurité où stagnaient de lourdes nappes d'encens. Des notes d’orgue s'y mêlèrent bientôt, qui me reposèrent un peu de la splendeur de l'Assomption du Titien. La musique, plus encore que la peinture, peut encourager les poèmes qui renoncent en moi.
En émergeant de l'ombre de la basilique, je retrouvai les ocres du quartier des Frari réconciliés avec le dernier soleil du jour. Le vent avait capitulé et abandonné dans sa déroute des souffles d'algues. L'air se radoucissait et invitait quelques touristes réfugiés dans des bars minuscules et délicieusement enfumés à retrouver le jeu de piste des itinéraires de visite balisés de flèches noires sur fond jaune idéales pour se perdre mieux encore qu'on ne l'eût espéré.
Une nuit, j'avais déambulé dans ce quartier souvent désert, où, enfilant une rue au hasard, j'avais entendu monter de la pénombre une voix : « Aqua ! » Une silhouette venait de m'avertir que la rue débouchait directement sur le canal et qu'entre les deux, on n'avait pas jugé utile d'installer une barrière.
Je vis alors l'ombre s'approcher. Elle appartenait à une jeune femme en imperméable qui me jaugea d'un air amusé : « Attention au canal ! » Elle me parlait en français. Je devais avoir une tête de français. Elle m'accompagna le temps de m'indiquer un chemin plus sûr. Je l'observai furtivement. Elle était dans son élément. Ses fines chaussures surmontées d'un nœud papillon s'assuraient avec une grâce appliquée sur les dallages de pierre. Le rythme de son pas dans le silence nocturne m'habitait de la même harmonie, du même équilibre ténu qu'un ricercare des Gabrieli ou une canzon des Cavazzoni sur l'orgue Callido et sur l'orgue Piaggia de la basilique. Ce pas, je l'entends encore s'éloigner, des années après, aussi nettement que ce soir-là où je dînais, dans une trattoria déserte, de lasagnes aux orties et de quelques poissons grillés agrémentés de polenta et de vin blanc.