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01 décembre 2016

Quand les rêvent volent bas

S’il est un mot que j’ai plus de peine à voir galvaudé que d’autres par les illusionnistes de la communication institutionnelle ou d’entreprise, c’est bien le mot rêve auquel ma nature sentimentale n’attache pas de prix. Or en ce monde où tout est marchandise, le rêve n’échappe plus à l’étiquetage du produit de consommation qu’il est depuis longtemps devenu.

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À Oyonnax, par exemple, les étiquettes du produit rêve ont pris la forme de fanions qui flottent au vent au bord des bretelles d’accès à l’autoroute. Il est écrit sur ces chiffons disposés à l’entrée d’une bourgade précisément peu propice aux rêveurs qu’il faut rêver + haut, rêver + fort, rêver + beau, rêver + loin. Cette façon de rêver vendue par la pub et la com m’évoque les rêves français de grande cuisine : moins on a les moyens de se la payer, plus on en cause.

On aurait presque pu croire à une petite poussée de fièvre poétique de la part des prestidigitateurs de la com qui nous ont sorti ces pochettes-surprises de leurs chapeaux s’ils n’avaient pas inséré dans la mièvrerie calculée de leur slogan le signe + en remplacement de l’adverbe écrit en toutes lettres, rappelant ainsi probablement à leur insu qu’à Oyonnax comme ailleurs, les affaires sont les affaires.

Si la poésie du rêve est ici conviée, c’est tout au mieux dans une défroque de représentante de commerce.

Ne rêvons donc pas trop, surtout au cas où cette invitation à rêver + nous amènerait par une association d’idée naturelle à considérer le contenu de la saison de spectacles oyonnaxienne.

Encore une fois, le rêve se fait ici bien pâle, notamment là où il devrait reprendre des couleurs, ce qui hélas n’étonne guère dans un contexte culturel où l’on frisa cette année en début de saison des pratiques de république bananière.

Dans ce morne et chétif alignement de productions interchangeables et démagogiques (qui commença par un curieux mélange des genres avec deux spectacles d’une formation dont le responsable est aussi partie prenante dans l’élaboration de la saison, ce qui n’a semble-t-il choqué personne) je ne vois que deux concerts classiques.

Même en se résignant à l’argument selon lequel une telle sous-représentation du genre suffirait à une bourgade comme Oyonnax, comment ne pas se désespérer de constater que le choix se soit porté non pas sur un simple concert mais sur une soirée de vulgarisation ? Et encore s’agit-il ici du plus mauvais vulgarisateur dans le domaine de la musique dite savante, Jean-François Zygel, le Drucker du classique, l’animateur un peu pianiste de boîte à musique affichant ce sourire télévisuel plus communément appelé rictus qui se croit obligé de présenter le répertoire classique en s’adressant à ses auditeurs comme à des demeurés.

Finalement, le petit étendard arborant le message le plus fiable imprimé par les services de la communication oyonnaxienne est en effet celui qui invite à rêver + loin, un excellent conseil !

 

22 août 2014

Jean Pérol et les cœurs véhéments

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La Djouille, de Jean Pérol, roman, éditions de la Différence, 272p., 20 €. Parution 21 août

Noir, poignant, ironique, rageur, hanté par le deuil impossible des bonheurs et des beautés fugaces, le dernier roman de Jean Pérol prend aux tripes et frappe fort sur les nouveaux conformismes.    

Encore à peu près épargné par les vilaines morsures du temps et de l’expérience, le jeune et provincial Fabien, lycéen, aide dans de menus travaux domestiques un professeur âgé, revenu de ses voyages et de ses illusions bien amoché. L’un est à l’aube de sa vie, l’autre au crépuscule mais cela n’empêche pas une amicale connivence de s’installer, bien au contraire puisque finalement, le terme de « crépuscule » désigne la lueur céleste visible avant le lever du soleil ou après son coucher.

La rapide montée en puissance de la narration de ce superbe et dérangeant roman baigne dans cette atmosphère qu’on dit parfois « entre chien et loup » . Autour des deux hommes (l’art du romancier finit par nous faire douter de qui est l’ombre de l’autre) gravitent des personnages eux aussi distribués dans les deux catégories de ces canidés auxquels l’humanité se plaît parfois à s’identifier. Ajoutons à ce bestiaire la dimension féline du caractère féminin et observons alors la cruauté, la naïveté, l’amertume, le désespoir, la résignation et, soudain, en une épiphanie, en « une poignée de jours en flammes dans une énorme obscurité » comme l’écrivait le poète Jean Tardieu, l’épisode fugace d’un bonheur aussi vite épanoui et fané que l’éclosion d’une fleur filmée en accéléré.

En une construction narrative dans laquelle le passé douloureux que le professeur tente d’enfouir remonte en surface au contact du présent du lycéen, l’écran de ce théâtre d’ombres se déploie, si l’on ose dire, sur plusieurs fronts.

Le premier est celui des dernières nuits festives du personnel d’ambassade dans un Afghanistan en proie à la révolution et à la guerre où le professeur déjà las du vieil Occident s’est résolu jadis à vivre sa double expérience culturelle et amoureuse de l’arrachement. Sur le second front, celui d’une retraite campagnarde cévenole (dont on pourrait dire qu’on y « sommeille tant ») et que le jeune Fabien est prêt à quitter pour un amour au-dessus de sa condition, le vieux professeur n’est plus acteur mais spectateur impuissant du drame puis de la tragédie qu’il voit s’annoncer.

La mécanique infernale du déterminisme social s’agence inexorablement, condamne toute utopie, broie toute espérance. Il suffit qu’un de ces coups de tête dont sont coutumiers les jeunes hommes blessés se transforme alors en un coup de sang pour que le rideau tombe, noir, si noir, sur la scène où tout est bien sûr joué d’avance.

L’amour, le départ, la fuite, le retour sont autant de chemins dont le professeur est revenu sans pouvoir en révéler les impasses et les chausse-trapes au lycéen. Ils habitent tous deux une province livrée au doute et à la nostalgie où l’on devient vieux de plus en plus jeune, une nation minée par le retour d’un conformisme pire que celui qui précéda l’artificielle et courte embellie des trente glorieuses.

La Djouille est non seulement le roman des amours congelées sur la « face nord glaciale du grand mythe féminin qu’on nous a construit dans le siècle » mais encore l’implacable inventaire des utopies modernes qui tournent en cauchemars et finissent dans la djouille, l’équivalent afghan du caniveau. Dans ce second exercice, l’ironie lucide de Jean Pérol frappe très fort et ne manquera pas de faire grincer les dentitions blanchies et parfaitement alignées des jeunes générations élevées à la tisane bio du politiquement correct. Rien de l’hygiénisme forcené de « l’époque (qui) vous a à l’œil » n’est épargné : les ligues de vertu revues aux goûts du jour avec « les nouvelles chaisières vengeresses du rabougri, encore plus coincées aujourd’hui que celles de nos églises hier » , le sexe pour le sexe, « le foutre façon hygiène. Aussi trompeur et fastidieux que le vrai jogging  » , le sport « Ah le sport, cette fadaise mondiale, ce pseudo-militarisme obligatoire, cette scie, ce poison du siècle ! »

Gardons nous cependant de rester sur ces seuls constats dans notre lecture. Comme tous les amples romans parcourus par le souffle de la littérature, le dernier opus de Jean Pérol ne se résume pas au simple regard critique, aussi acéré soit-il, d’un auteur sur son époque, car on y puise aussi une forte empathie en faveur des éternels perdants, ceux de la grande histoire et de la petite, toutes deux cruelles pour les cœurs véhéments.

Christian Cottet-Emard

Et à propos du dernier recueil de poèmes de Jean Pérol : ici

 

27 juin 2014

La phrase qui fait rire

En plus de ma rubrique « Le mot qui m'énerve » , voici maintenant « La phrase qui fait rire » (jaune) le plus souvent. Ces mots et ces phrases sont évidemment glanés dans le monde merveilleux de l'actualité et des médias. 

Aujourd'hui :

« Cela n'a rien à voir avec le football » (!)