10 mai 2015
Dans la nature indifférente
Pendant que l’agriculteur sillonne les champs au loin avec son tracteur tu tonds tes trois mille mètres carrés autour de la maison et tu te demandes si cela peut bien avoir un sens pour la nature
Lui et toi rudoyez un peu la nature quoique les fleurs et le foin repoussent mieux s’ils sont fauchés
Ni lui ni toi n’êtes à genoux devant la nature même si vous aimez la contempler de temps en temps pour vous raconter des histoires (surtout toi)
D’ailleurs la nature n’a pas plus d’affection particulière pour vous que pour qui que ce soit et elle ne se raconte jamais d’histoires
Elle est comme une femme qui n’aime pas être aimée de manière trop sentimentale et puis comment pourrait-elle être aimée par cette partie d’elle-même que vous êtes l’agriculteur et toi ?
Pousser la tondeuse pendant des heures ne t’amuse pas mais cela te permet de penser à tes livres en cours d’écriture et à leurs improbables ou mystérieux destinataires
À cette vie plus écrite que vécue depuis la prairie et les vallons où tu essayes de te tenir le plus possible à distance du monde illisible et de ses principaux chagrins
Rien que de très artificiel et d’assez peu écologique en somme te dis-tu en versant de l’essence dans ta tondeuse et en gardant toujours un œil sur ce qui pourrait surgir d’un buisson d’une haie des confins du cosmos ou d’une simple flaque d’eau
© Ed. Orage-Lagune-Express, 2015
00:28 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : estime-toi heureux, poésie, poèmes narratifs, chronique, récit, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard, éditions orage-lagune-express, droits réservés, ©, copyright, tondeuse, nature, herbe, cosmos, tonte, livre, flaque d'eau, haie, buisson, tracteur, agriculteur, fleur, écologie, essence, carburant, christian cottet-emard
10 avril 2015
Carnet / De l’étendage
Grand soleil et petite bise depuis quelques jours, l’idéal pour les lessives qui sèchent vite en plein air.
Étendre du linge et des draps dans la lumière d’une belle journée réveille toujours en moi mes premiers souvenirs poétiques.
Enfant, je m’attardais souvent au milieu de l’étendage où j’entrais comme par effraction dans un monde de silhouettes furtives, dans une cabane aérienne. C’était comme ouvrir la porte d’un nuage parfumé où je pouvais me promener. « On t’a vu ! » disaient les adultes qui me croyaient trahi par mon ombre alors que je ne cherchais pas à jouer à cache-cache.
Aujourd’hui, à bientôt cinquante-six ans, c’est pour moi la même sensation, intacte.
L’étendage est un espace-temps miniature, un monde intermédiaire qui rend l’instant habitable. Le temps, à l’instar des étoffes, peut y être lui aussi suspendu. On le voit par exemple dans le film d’Ettore Scola, Une Journée particulière, dans une séquence où Sophia Loren et Marcello Mastroianni dialoguent au milieu du linge étendu sur le toit d’un immeuble. J’ai aussi en mémoire le début d’un de mes films fétiches de Federico Fellini, Amarcord, qui commence par des draps qui bougent dans le vent.
La lessive confiée à l’air et à la lumière a toujours fait pour moi référence à la joie, même dans les périodes de doute ou de désarroi.
C’est après avoir suspendu une lessive dehors que j’avais écrit ce texte intégré à mon recueil L’Alerte joyeuse, dans les années 90 :
Avant le linge et les draps rendus au vent utile, j’avais oublié la présence de l’air.
Est-ce possible ? Autant ne plus se souvenir de vivre ! Qu’est-ce qui peut distraire quelqu’un de la présence de l’air ?
Peut-être quelque chose ou quelqu’un d’autre qui n’existe pas mais qui règne.
Peut-être un vide qui prend toute la place, y compris celle de l’air ?
Linge et draps de ma maison, étendards de mes retrouvailles avec l’air, voiles de mes départs et de mes retours, montrez-moi qui, de mon ombre ou moi-même, sait le mieux habiter le courant des nuages.
(© Éditions Orage-Lagune-Express, 1997)
03:09 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : carnet, note, journal, écriture de soi, prairie journal, blog littéraire de christian cottet-emard, autobiographie, christian cottet-emard, linge, drap, étendage, lessive, air, vent, lumière, bise, silhouette, nuage, étoffe, tissu, cinéma, temps, espace, ettore scola, une journée particulière, sophia loren, marcello mastroianni, espace temps, amarcord, federico fellini, poésie, l'alerte joyeuse, éditions orage-lagune-express, droits réservés, copyright
18 mars 2015
La première sortie du lézard
Flamboie la gorge du lézard
Poème à vivre entre le mur et le volet
Chaleur du premier temps
(Variante à mon poème Élégie en quatre soleils et trois saisons, in L'Inventaire des fétiches, éditions Orage-Lagune-Express, 1988.)
Photo : la première sortie du lézard, mardi 17 mars (Photo © Christian Cottet-Emard,2015).
09:50 Publié dans L'INVENTAIRE des fétiches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : printemps, premier temps, l'inventaire des fétiches, éditions orage-lagune-express, poésie, poème, instant, instantané, lézard, volet, mur, sensation, chaleur, blog littéraire de christian cottet-emard, recueil, 1988, sadag, christian cottet-emard, photo lézard