03 juin 2015
Carnet /
J’espère que la chatte Linette, lors de ses promenades, n’ira pas trop fureter du côté des trois grosses pierres de mon muret jurassien où habitent deux vipères de bonne taille depuis pas mal de temps.
Photo © Christian Cottet-Emard
Ce mardi après-midi, la mieux réveillée prenait la pause pose (lapsus révélateur !) devant mon appareil photo et n’avait manifestement pas l’intention de changer de place...
J’aime les nuits très claires comme celle-ci quand la pleine lune fait pétiller les feuilles des rosiers et que le grand tilleul fait rebondir ses rayons sur les boutons de pivoines prêts à éclore. L’une d’elles, épanouie aujourd’hui avant les autres, envoie déjà son parfum qui se mêle aux volutes d’un honnête cigare du Nicaragua, un Calvano. Ce cigare ne peut cependant rivaliser avec les magnifiques Joya de Nicaragua que j’avais dégustés pour la première fois à Lyon dans les années 80 (cette vitole se caractérisait par une tripe et une sous-cape composées de tabacs cultivés au Nicaragua mais provenant de plants cubains, la cape étant une feuille du Connecticut). Ces Joya de Nicaragua pouvaient presque se confondre au goût avec des cigares cubains mais une légère amertume dissipait vite le doute.
Samedi dernier, je me suis rendu sans forte conviction au concert des Amis de l’orgue organisé en soutien de la restauration de l’instrument de Nantua car le duo accordéon et clarinette ne m’inspirait guère. Je n’ai pas regretté ma soirée tant le talent des deux interprètes, l’accordéoniste Jean-Marc Marroni et le clarinettiste Daniel Paloyan, tous deux venus bénévolement, m’a captivé. Jean-Marc Marroni est un authentique virtuose, un musicien de premier plan grâce à qui l’accordéon, instrument malmené par le cafardeux répertoire musette, retrouve ses lettres de noblesse dans le répertoire de concert et des musiques du monde.
Le duo Marroni / Paloyan a fait merveille non seulement dans la musique Klezmer mais encore dans la transcription de la première sonate en trio de JS Bach, une œuvre chère à mon cœur que j’avais écoutée il y a très longtemps dans une interprétation pour moi inoubliable de l’organiste Pierre Simonet. Pour en revenir au concert de samedi, je dois désormais à Jean-Marc Marroni la découverte du compositeur russe disparu en 1975 Wladyslaw Solotarjow et des extraits de sa Partita et de sa deuxième sonate pour accordéon. À qui resterait bloqué sur des préjugés concernant l’accordéon, ce qui serait bien dommage, je recommande vivement d’écouter Jean-Marc Marroni et de visiter son site internet où l’on trouve ses disques.
Ce beau concert m’a consolé de quelques désagréments relatifs à l’ambiance souvent dégradée que je ressens de plus en plus à Oyonnax décrite par nos professionnels de la « com » (et de la méthode Coué) à grand renfort de fanions flottant vaillamment dans le vent comme « un vrai plaisir de ville » !
Vendredi, j’avais garé ma seconde voiture, ma vieille Twingo, sur le parking de l’Oyonnalite où quelqu’un avait visiblement besoin d’enjoliveurs. Les miens avaient beau être en plastique tout rayé et râpé, ils ont trouvé preneur.
C’est évidemment moins rageant que le vol spectaculaire dont j’avais été victime lorsque j’habitais dans cette ville et que ma Fiat Maréa couchait dehors, ce qui lui avait valu de se faire prélever nuitamment ses quatre roues.
Depuis cette époque, par prudence, je réserve ma plus vieille auto à mes déplacements oyonnaxiens. Mais quand même, se faire chouraver des accessoires sans valeur et de surcroît en mauvais état...
J’en étais encore à méditer là-dessus lorsque j’ai visionné sur Facebook plusieurs vidéos filmées par téléphone où l’on découvre avec stupéfaction des clients déchaînés d’un magasin discount d'Oyonnax se bousculer et s’invectiver pour se ruer sur des bouteilles d’huile alimentaire en promotion. Un début d'émeute ! De quoi ces gens se montreraient-ils capables s’il leur arrivait d’être un jour confrontés à une vraie pénurie ou à tout autre événement nécessitant un minimum de sang-froid et de discipline ? Cela fait froid dans le dos...
18:51 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, écriture de soi, autobiographie, prairie journal, blog littéraire de christian cottet-emard, jura, reptile, vipère, concert, cigare, nicaragua, joya de nicaragua, calvano, orgue, pierre simonet organiste, drôme, saint donat, pierre simonet, bach, sonates en trio, christian cottet-emard, oyonnax, ain, rhône-alpes, bugey, haut bugey, france, europe, twingo, oyonnalite, enjoliveur, roue, jante alliage, jante aluminium, auto, vol, nantua, abbatiale saint michel, nicolas antoine lété, orgue lété, restauration orgue
28 mai 2015
Carnet / De l'insomnie et de la saudade
Après une partie de la matinée et de l’après-midi de ce mercredi à tondre mes prés autour de la maison, je reste un moment dehors dans la nuit. J’ai du mal à m’habituer à l’absence d’éclairage public dès 11h, même si cela fait pétiller les petits points de lumière froide des vers luisants et permet de profiter de beaux clairs de lune, encore que celui de ce soir soit plutôt blafard, sinistre. En plus, un des détecteurs de mouvement de la maison est en panne. Encore de l’entretien en perspective. La tonte m’a donné des courbatures mais cette besogne ne me pèse pas trop car je peux l’accomplir machinalement en pensant à autre chose, exactement comme passer l’aspirateur, étendre le linge et faire la vaisselle.
C’était la même chose dans le travail salarié que je ne supportais que lorsque j’avais des tâches simples, des horaires fixes et une routine, ce qui n’était hélas pas le cas dans certains métiers que j’ai été obligé d’exercer pour des raisons évidemment alimentaires. Que de temps irrémédiablement perdu dans ces galères professionnelles, ces activités ineptes, surtout lorsque j’étais journaliste. Et j’en dirais autant de mon passage dans l’éducation spécialisée et de ma formation au commerce de librairie, sans parler d’autres boulots pour lesquels on se lève le matin avec deux objectifs : le chèque et les congés.
Je fume un Don Tomas dans l’air froid que la bise du jour a laissé derrière elle alors que ces nuits de mai devraient être tièdes et parfumées. Les Don Tomas sont des cigares du Honduras. Certains modules peuvent soutenir la comparaison avec des havanes rustiques et constituent d’honnêtes cigares de tous les jours. Celui que je fume ce soir, un corona présenté en tube, est assez corsé mais manque de bouquet. Une saveur linéaire du début à la fin, aucune complexité mais un bon tirage. Il faudra un doigt de cognac pour rehausser tout ça.
J’ai reçu mon exemplaire d’auteur de la revue Patchwork dirigée par Anthony Dufraisse qui a publié mes notes sur Pierre Autin-Grenier dans lesquelles je mêle le récit de ma rencontre avec lui, des anecdotes et des évocations de ses livres, dont une critique de Friterie-bar Brunetti, un de mes préférés. Le tout forme un ensemble d’un peu plus de cinq pages que je trouvais un peu léger en l’envoyant à Anthony Dufraisse mais que je juge finalement cohérent en le relisant pas loin d’un an après.
Le séjour à Porto approche. Malgré ma peur de l’avion, je me réjouis de retrouver le Portugal. Je n’idéalise pas ce pays, ni aucun autre d’ailleurs, mais je me sens des affinités avec lui, y compris à cause de la saudade. À propos, il faut que je pense à me procurer Message de Pessoa lors de mes prochaines emplettes à Lyon.
Après Porto ce début juin, ce sera probablement Barcelone en septembre. L'insomnie m'est plus douce en pensant à ces futures promenades.
Photo 1 : clair de lune chez moi (Photo © Christian Cottet-Emard)
20:42 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : insomnie, saudade, message, pessoa, porto, portugal, barcelone, espagne, voyage, juin, septembre, congés, travail, job, boulot, vacances, carnet, note, journal, écriture de soi, autobiographie, prairie journal, blog littéraire de christian cottet-emard, revue patchwork, revue littéraire, édition, publication, revue littéraire patchwork, anthony dufraisse, christian cottet-emard, pierre autin-grenier, friterie-bar brunetti, gallimard l'arpenteur, lyon, promenade, emplettes, cigare, cigares don tomas, honduras, cigares du honduras, fumer tue, détecteur de mouvement, lumière, éclairage public, lune, étoiles, vers luisant, lumière froide, clair de lune, nuit
19 mai 2015
Carnet / Signer ou ne pas signer ?
Arrivé à une étape de mon parcours d’écriture et de publication (d'un simple point de vue chronologique), je suis amené à réfléchir au sujet des usages et des rapports entre les auteurs et les maisons d’édition qui ont considérablement évolué.
J’en veux pour preuve les anecdotes désabusées qui m’ont été rapportées par des auteurs que je connais personnellement ou avec qui j’ai conversé après une lecture ou une conférence. Ces récits qui proviennent d’auteurs débutants ou expérimentés dont le travail est reconnu et publié mais non inscrit dans une démarche commerciale aboutissant à des chiffres de vente spectaculaires s’avèrent souvent édifiants. L’un de ces témoignages me paraît non seulement révélateur des réalités éditoriales d’aujourd’hui mais encore digne d’être pris en compte au moment de prendre la décision de s’engager pour la première fois auprès d’un grand groupe d’édition.
Invité à une importante foire du livre régionale pour dédicacer ses livres publiés chez de petits éditeurs, un ami voit s’installer à la table voisine de la sienne une toute jeune femme à l’air morose. Elle dispose en piles un roman qu’elle a publié à l’enseigne d’une maison très connue. Mon ami la salue et la félicite d’être publiée si jeune sous un tel label, un compliment qui ne suscite de la part de la jeune romancière qu’une moue de lassitude, ce dont elle finit par s’expliquer.
Son histoire est assez triste. Elle a certes connu la joie du message téléphonique qui l’a informée de la décision du comité de lecture de la publier mais elle a vite déchanté. Les ventes n’ont apparemment pas été à la hauteur, le dossier de presse est plus que léger et elle a ensuite été livrée à elle-même pour continuer la promotion de son livre dans les salons, promotion à laquelle elle est pourtant tenue de participer selon les termes de son contrat. Lors d’une visite chez son éditeur, elle est reçue par des stagiaires qui doivent chercher laborieusement son dossier et qui lui demandent à plusieurs reprises de leur rappeler son nom. Après de longs mois de silence, elle reçoit la proposition d’acheter à un tarif réduit une partie du stock de ses propres ouvrages pour les distribuer elle-même dans les foires et salons !
À ce compte-là, elle pouvait tout aussi bien s’autoéditer car elle serait ainsi au moins propriétaire de ses droits. La voici donc commercialement « grillée » dans le petit milieu de l’édition où tout le monde se connaît avec un livre captif sur les bras et un seul lot de bien maigre consolation : le nom d’un grand éditeur dans sa bibliographie, ce qui, notons-le au passage, n’impressionne plus grand monde dans la presse et auprès des instances dévolues à l’attribution de bourses de création et autres aides financières aux auteurs en raison de l’inflation de livres morts nés comme le sien publiés à chaque nouvelle vague des trois rentrées littéraires annuelles.
Je précise que le récit de plusieurs histoires similaires, toutes inscrites dans le contexte de ce qu’on appelle la grande édition, m’est venu aux oreilles par d’autres canaux, à quelques semaines d’intervalle, ce qui ne peut manquer de faire réfléchir à deux fois, lorsqu’on est auteur, avant de concrétiser un projet de longue date sur lequel on a travaillé plusieurs années...
Le plus ennuyeux dans cette affaire n’est pas l’absence de succès, de reconnaissance ou de profit mais l’immobilisation des droits sur une œuvre. J’en ai moi-même fait l’expérience avec un essai mal publié qui est toujours officiellement disponible alors que l’éditeur n’en vend qu’un exemplaire de temps en temps et que je n’ai jamais eu un seul relevé de ventes depuis sa publication en 1997 ! Du coup, ce livre que je pourrais maintenant republier dans une édition plus soignée et augmentée de nouveaux documents se retrouve bloqué sans qu’un espoir de dénouement favorable ne se présente avant longtemps. C’est dire si je suis aujourd’hui devenu circonspect en cas de projet avec un éditeur qui n’est pas un ami ou une connaissance rapprochée...
En discutant il y a deux ans avec un poète publié par une grande maison à qui j’avouais mon inquiétude de confier un manuscrit à des inconnus, j’ai appris qu’il vendait à peine plus que s’il était publié par un petit éditeur et que ses recueils de poèmes n’avaient presque pas de presse. Sa seule consolation était la collection renommée qui accueillait quelques uns de ses titres. Un livre estampillé d’un label éditorial prestigieux constitue certes une gratification pour un auteur mais cela peut-il suffire ? Bien évidemment non. De nos jours, la publication chez un éditeur connu ne garantit plus une diffusion et une distribution conséquentes. Ainsi que me le faisait remarquer un autre ami poète, s’il s’agit de vendre trois cents exemplaires, nous sommes un certain nombre à savoir faire cela nous-mêmes !
En recueillant ces témoignages, je me dis que j’ai quant à moi de la chance. Mes livres ont été publiés par de petits éditeurs et pour plusieurs d’entre eux, je n’ai pas à me plaindre des retombées. Éditinter m’a permis de publier dans une édition très soignée Le Grand Variable dont aucun grand éditeur n’aurait voulu parce que l’ouvrage n’appartient pas à un genre défini. En accueillant mon faux polar, Le Club des Pantouflards, la collection Petite Nuit chez Nykta m’a permis de bénéficier d’une bourse conséquente du Centre National du Livre. Quant aux éditions du Pont du Change, la relation de confiance, le soin de la réalisation et la diffusion ciblée mais efficace ont offert à deux de mes ouvrages une visibilité qu’atteignent difficilement de nos jours les textes humoristiques.
Me voici aujourd’hui à un tournant avec des décisions à prendre pour l’édition de mes prochains livres, ce que j’apprécie modérément car j’ai toujours préféré me laisser porter par le courant. Une chose est certaine, en ce domaine comme dans bien d’autres, nous ne vivons plus dans le même monde et il est fortement conseillé aux auteurs de s’en apercevoir.
01:12 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carnet, note, journal, autobiographie, prairie journal, écriture de soi, édition, publication, diffusion, distribution, livre, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard, éditinter, nykta, petite nuit, le pont du change, le grand variable, le club des pantouflards, tu écris toujours ?, dragon ange et pou, humour, chroniques, nouvelles, christian cottet-emard, salon, foire du livre, maisons d'édition, ventes, tirages, contrat