17 février 2015
Carnet
Les périodes situées entre les fêtes de Noël et la fin de l’hiver sont pour moi les moins créatives. Je crois que cela s’explique par le manque de lumière. La fin 2013 et le courant 2014 n’ont pas été très fastes, c’est le moins que je puisse dire, et l’été pourri n’a rien arrangé. Seules les bonnes surprises financières de l’automne et les promenades à Lisbonne ont un peu adouci le spleen.
J’ai de plus en plus besoin de lumière. Quand le jour décline, j’ai l’impression qu’un couvercle s’abat sur moi. Les longues nuits d’hiver me donnent parfois des sensations d’étouffement.
La musique m’apporte une respiration, notamment celle du compositeur britannique Sir William Walton. Hier lundi, j’ai passé une bonne partie de la journée à écouter à plusieurs reprises ses Variations sur un thème de Paul Hindemith et sa Symphonie concertante avec piano. Je ne sais pas pourquoi cette dernière œuvre me procure un bien-être véritablement physique, inexplicable. Miracle de la musique...
J’ai bien conscience qu’il me faudrait porter mes livres en cours avec plus de constance et d’énergie mais l’absence d’urgence financière en ce qui concerne la prose et la fiction et l’impact économique absolument nul de toute publication de poésie me rendent indolent.
Je suis aussi d’une génération qui est aux premières loges pour assister au changement radical que connaît le rapport auteur / éditeur et les pratiques de diffusion / distribution du livre. Je n’ai aucun a priori sur ces sujets et, dans ce domaine au moins, aucune nostalgie d’un système qui a peut-être fait son temps. Là encore, il semble qu’il y ait matière à se documenter en regardant ce qui nous vient des USA.
Aujourd’hui mardi s’il ne tombe rien du ciel, sortie raquettes dans les neiges d’Apremont avec des amis. Comme d’habitude, ce sera la météo qui décidera.
Photo : la lune dans les frênes, vue de ma fenêtre. (photo © Christian Cottet-Emard)
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15 février 2015
Carnet / De la sincérité
Levé à 6h ce samedi matin. Je ne dors que d’un œil et seulement quelques heures. Dehors, grand vent, averses et éclaircies dans la matinée. Les frênes s’ébrouent de leurs glaçons et se redressent.
La maison émerge peu à peu de sa gangue de neige. Encore quelques gros flocons fondus transformés en pluie battante. C’est toujours moins pénible que la neige. Dès qu’il fait plus doux, les parfums de terre sont libérés. J’ai de nouveau entendu la chouette.
Musiques chorales et avec orgue de Walton le matin (The Twelve, Coronation Te Deum, Magnificat and Nunc Dimittis, Jubilate Deo, Antiphon) et Brahms l’après-midi (Variations sur un thème de Haydn, Ouverture tragique, Ouverture académique). Poursuite de la lecture du pavé de Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations.
Avant de rendre visite à ma mère vers midi, une brève incursion au marché d’Oyonnax pour acheter du comté Seignemartin. Oyonnax, bourgade de plus en plus déprimante et pas question de lui préférer Saint-Claude qui est dix fois pire dans un autre style. Pas étonnant que le photographe Raymond Depardon ait fait son miel de ces deux villes dans son affreuse et éprouvante série intitulée La France.
Je remonte vite dans mon village jurassien où ma maison et ma propriété un peu à l’écart et donnant sur un beau paysage me plaisent (malgré l’hiver) mais je n’irai ni plus haut ni plus loin dans la Franche-Comté que je trouve sinistre.
Ce coin de nature où je suis installé est une bulle spatio-temporelle dans laquelle j’arrive à faire mon nid parce que je sais que je peux m’en échapper quand je le souhaite. Cette solution me semble plus prudente et plus adaptée à mon caractère assez réactionnaire, craintif, méfiant et peu enclin aux adaptations rapides que nécessiterait un déménagement dans le Sud-Ouest ou à Lisbonne ainsi que j’en suis souvent tenté. C’est aussi une question d’argent. Je ne suis pas dans le besoin mais je n’ai pas non plus les moyens d’avoir des résidences secondaires. Le mieux pour moi est donc de garder ma base actuelle et d’effectuer des séjours touristiques dans les grandes villes et capitales qui me plaisent. En plus, j’aime les hôtels (de préférence standards et où l’on parle français).
Je sais, tout cela n’est ni brillant ni original mais l’originalité, j’essaie de la réserver à la littérature tout en lui préférant tout de même la sincérité. Sinon, à quoi bon ces carnets ?
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06 janvier 2015
Carnet / Du chant des possibles
Une rareté désormais : la carte de vœux fabrication maison en exemplaire unique reçue l’autre jour au courrier. Au verso d’une belle photo, l’amie de trente ans a recopié un instantané de François Xavier Maigre, un poète que je ne connaissais pas, publié aux éditions Bruno Doucey :
« Janvier. Son parfum hivernal, sa fraîcheur drue sur nos visages. le vent qui souffle... L’entendez-vous ? C’est le chant des possibles qui érafle les fenêtres de nos vies. »
Chez moi après les récentes chutes de neige
Chaque année le lendemain de l’Épiphanie, je regarde avec un petit pincement au cœur mon épicéa de Noël qui a perdu sa couleur et ses aiguilles mais dont le parfum rappelle encore ces fêtes de fin d’année pour moi toujours éclairées d’une certaine magie malgré tout ce qu’on leur reproche en ces temps de cynisme nanti et d’affectation blasée. C’est ma culture, avec ses imperfections, mais je m’y sens à l’aise et sans souhaiter la brandir comme un drapeau, je ne voudrais pas la voir remplacée par une autre.
Je suis bien conscient de la nécessité de ne pas tomber dans certains pièges politiques sordides mais je pense aussi que refuser de hurler avec les loups ne signifie pas pour autant accepter de bêler avec les agneaux.
J’ai rythmé les fêtes avec les somptueux motets de Jean Gilles (Cantate Jordanis incolæ, Diligam te Domine), le fracassant Te Deum Dettingen de Haendel et des pièces pour orgue de Gaston Litaize, notamment sa Sonate à deux pour grand orgue, à quatre mains, et son étonnant Cortège pour trois trompettes, trois trombones et orgue.
J’avais besoin de ces musiques pleines d’élan vital et de beauté pour tenter d’éloigner les vulgarités (hystérie sportive locale variée, passage à ma porte du lancer de Cochonou, autrement dit le Tour de France) et les chagrins de cette année 2014 qui s’est très bien terminée sur le plan matériel mais qui fut désastreuse sur le plan relationnel. Au milieu de ces chefs-d’œuvre musicaux, ma brève incursion dans l’univers symphonique du compositeur Howard Hanson ne m’a pas convaincu. Ce n’était peut-être pas le bon moment pour cette découverte.
On ne peut pas me soupçonner de me défier de la musique dite contemporaine, ma discothèque peut en témoigner, mais encore moins de renoncer à mes goûts personnels.
À cet égard, certaines « œuvres » me paraissent relever de la plus éhontée culture des poires, notamment celle d’un « compositeur » d’aujourd’hui dont j’ai oublié le nom et les sons (les trous de mémoire ont parfois du bon) mais pas le comique involontaire de son entretien avec une journaliste, laquelle, manifestement bien intentionnée, lui déclarait après avoir diffusé un salmigondis d’indigents borborygmes « je crois discerner dans cette pièce de subtils effets de miroirs, une composition en strates » (!) Et notre compositeur de lui répondre sur le ton matois caractéristique des adeptes et profiteurs de la culture des poires, tout heureux qu’on puisse trouver à leurs productions un intérêt, une beauté ou un sens qu’ils s’étaient abstenus d’y inclure : « Euh... Eh bien oui, on peut l’entendre ainsi, pourquoi pas ? » Ma foi oui, pourquoi pas ! Quant à moi, auditeur tombé par hasard sur cette séquence, j’aurais pu croire qu’un voisin bricolait mais comme je n’ai pas de voisin... Forcément, c’était France Musique !
Moins sonné psychologiquement qu’en fin 2013, j’ai réussi à me remettre un peu dans l’ambiance que j’agrémente chaque année de deux petits rituels : je regarde à la télé les retransmissions en direct de la messe de minuit à Saint-Pierre de Rome et du concert du nouvel an à Vienne.
Cette année, je craignais une perte d’éclat de cette grande messe en raison du style du Pape François enclin à plus de simplicité. Ce ne fut heureusement pas le cas, voire tout le contraire, avec en prime d’accompagnement musical, en plus de l’orgue et des chants, le concours d’un orchestre de chambre avec des solistes ! Une ambiance de concert !
Bien qu’étant agnostique, j’ai toujours aimé la pompe ecclésiastique sans laquelle des pans entiers de l’art occidental n’existeraient pas. Quant au concert du nouvel an, j’en aime depuis l’enfance ses morceaux de bravoure. J’ai toujours la larme à l’œil en écoutant la barcarolle des contes d’Hoffmann, je vibre à l’ouverture de la Chauve-Souris et la Marche de Radetsky m’électrise !
Après ces propos scandaleux, il ne me reste plus qu’à m’amuser à compter le nombre d’amis facebook qui m’auront viré... Les autres, en chair et en os, après avoir entendu bien pire, sont encore là, et c’est l’essentiel.
10:53 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, autobiographie, écriture de soi, blog littéraire de christian cottet-emard, voeux, meilleurs vœux, cartes de voeux, janvier, poésie, françois xavier maigre, éditions bruno doucey, messe de minuit, saint pierre de rome, italie, concert du nouvel an, vienne, autriche, musique, strauss, offenbach, howard hanson, jean gilles, haendel, motets, gaston litaize, orgue, épiphanie, épicéa, chauve-souris, barcarolle, contes d'hoffmann, marche de radetsky, facebook, amis, christian cottet-emard, occident, culture occidentale, art occidental, pompe écclésiastique, agnostique, agnosticisme, pape françois, culture chrétienne, france musique, radio, te deum dettingen, hystérie sportive, vulgarité