12 janvier 2025
Un extrait de mon dernier roman qui vient de paraître
Photo Marie-Ch. Caredda
J'ai beau être une âme errante dotée de la faculté de voyager dans l'esprit des vivants, je n'en suis pas pour autant capable de soulever l'intégralité du tapis qui recouvre la poussière de leurs misérables petits tas de secrets. Par exemple, je n'ai jamais compris ce qui avait retenu si longtemps Richard à Oyonnax en dehors du fait qu'il s'agit de sa ville natale.
Voyez comme il a l'air soulagé en descendant de l'autorail le soir après je ne sais combien de changements de trains depuis son départ tôt le matin de la gare Santa Lucia de Venise. En ce crépuscule finissant de fin novembre, le grand sapin de Noël stylisé constitué de sphères bleues lumineuses vient de s'éclairer. Le croissant de lune est relégué dans un coin de ciel au profit des illuminations.
Les vitres de la brasserie du chemin de fer envoient une clarté opalescente dans la rue. Les silhouettes des hauts cèdres frémissent un peu sur le quai. La vaste fresque du chef d'orchestre dirigeant les nuages imaginée par l'artiste Alain Coutty semble avoir été peinte non plus sur la façade aveugle de la brasserie mais sur du papier buvard.
Cette fin d'automne est encore si douce que les jeunes en attente de leurs bus s'attardent sur les bancs pour bavarder ou scruter les écrans de leurs téléphones. Chaque fois qu'il descend de cet autorail, Richard a envie de peindre ce tableau.
Extrait de la quatrième de couverture :
« En devenant un artiste presque malgré lui au gré des circonstances, des hasards, des malentendus et des rencontres, Richard est-il passé à côté de sa vie ? Dans ce roman du souvenir et du rêve éveillé, Christian Cottet-Emard use d’une forme bien à lui de réalisme magique caractéristique de son art de décrire les cités et régions qu’il choisit pour cadres de ses livres, qu’il s’agisse comme dans ce dernier titre d’une bourgade des environs de La Spezia ou de Venise voire tout simplement de sa ville d’origine, Oyonnax dans l’Ain. » (Club cigare infos)
Ce roman est disponible par correspondance ici. Prix : 10,55 €. (Pour les personnes d'Oyonnax et sa région, on peut maintenant le trouver en vente au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax ou le demander à la librairie Buffet d'Oyonnax. Pour tout renseignement complémentaire, on peut m'écrire à contact.ccottetemard@yahoo.fr ou dans les commentaires de ce blog.
- ASIN : B0DQVL1RKN
- Éditeur : Orage-Lagune-Express. (Diffusion Independently published, 17 décembre 2024)
- Langue : Français
- Broché : 154 pages
- ISBN-13 : 979-8304020138
- Poids de l'article : 186 g
- Dimensions : 11 x 0.99 x 18.01 cm
00:31 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, littérature, effets et prodiges de la lune, destin, voyageur, train, gare, oyonnax, venise, france, italie, art, gare d'oyonnax, gare de venise santa lucia, christian cottet-emard, ville natale, alain coutty, fresque, brasserie du chemin de fer, autorail, blog littéraire de christian cottet-emard, kiosque hôpital d'oyonnax, librairie buffet
27 mai 2022
À propos de mon livre AUX GRANDS JOURS
À gauche, l'édition de 2020. À droite, la nouvelle édition de 2022 (reliée et grand format).
La composition de ce recueil en neuf sections forme un récit. Je peux donc lui adjoindre un épilogue (la neuvième partie). J’en ai choisi un qui est lié à une petite mésaventure mais qui, d’une certaine manière, entre en cohérence avec le projet initial de réécriture d’anciens textes.
En 1979, l’éditeur de ma première brassée de poèmes me demanda quatre textes supplémentaires. Je les écrivis et les envoyai aussitôt mais ils furent perdus. L’ensemble s’intitulait Quatre songeries du ciel ouvert. N’ayant conservé aucun double, j’ai fouillé dans ma mémoire pour les réécrire. Quarante ans après, l’initiative était d’autant plus hasardeuse qu’elle m’obligeait à me remettre dans l’esprit de qui j’étais à l’époque, un jeune homme de vingt ans qui vivait encore dans sa chambre d’adolescent et qui passait de longues heures à écouter l’œuvre pour piano d’Érik Satie enregistrée par Aldo Ciccolini. Je n’eus qu’à me replonger dans Avant-dernières pensées, Heures séculaires et instantanées, Gnossiennes, Trois morceaux en forme de poire et Nocturnes pour remonter ces quatre songeries à la surface de mon esprit, non pas au mot près mais au plus proche possible du texte d’origine. Voilà aussi une manière de conclure ce volume par ce qui le précéda de longue date. Comme disait Knut Hamsun, Le cercle s’est refermé. Mais, pourrais-je ajouter, l’été revient en boucle (une des principales thématiques de cet ouvrage est l'été).
Note : le titre d’origine était Quatre songeries à ciel ouvert. En tapant le texte à la machine, je commis une faute de frappe qui donna Quatre songeries du ciel ouvert, ce qui correspondait mieux à ce que je voulais dire. L’erreur est parfois salutaire.
Le dernier texte de cette série :
Ciel étoilé sur le boulevard endormi
Le long du boulevard, les vieux platanes crépitent de hannetons.
Sur le trottoir soulevé par les racines, dans l’ombre des haies de buis, les effluves de pivoine et d’iris débordent des jardins et des grands parcs silencieux sous les cèdres.
Les talons aiguilles d’inaccessibles et jeunes passantes embaumant les parfums anciens ont marqué le goudron frais dont on a recouvert les nids de poules.
Un train peut en cacher un autre est-il écrit et dessiné au passage à niveau, au-dessus des rails luisants dans le clair-obscur.
La pendule de la petite gare déserte brille comme une deuxième lune et l’autorail est au repos pour le bonheur de ceux qui n’aiment pas les départs.
Extrait de Quatre songeries du ciel ouvert, ensemble intégré à mon recueil Aux grands jours © Club, Orage-Lagune-Express et Blog littéraire de Christian Cottet-Emard, ISSN 2266-3959.
Tableau : Paul Delvaux. Petite gare la nuit (1959)
Commandes et renseignements ici et là.
Critique du livre ici.
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05 octobre 2020
La jeune fille aux sandales de sable
En vain la mer fait le voyage
Du fond de l'horizon pour baiser tes pieds sages.
Tu les retires
Toujours à temps.
- Léon-Paul Fargue -
La jeune fille pose le pied sur le quai désert. Elle est chaussée de tennis à la toile défraîchie par le voyage.
Dans un nuage des montagnes, l'autorail s'est enveloppé d'une pellicule de gouttelettes.
Maintenant qu'il ronronne à l'arrêt sous le soleil de la plaine, quelques irisations perlent encore à la surface de ses tôles et de ses vitres grasses.
Unique passagère à descendre dans cette gare, la jeune fille tire sa valise souple à roulettes à l'ombre d'un cèdre où elle a repéré un banc en ciment ébréché.
Elle repense aux jardins piquetés de Perce-neige qu'elle a quittés pour ce pays où mûrissent des citrons.
Cette pensée lui vient à la vue d'un lampadaire encore inexplicablement allumé dont le verre a la forme d'un citron mais dont la lumière inutile évoque la blancheur scarieuse des globes de Perce-neige.
Les dernières brumes du petit matin s'effilochent dans la chaleur.
La jeune fille jette un rapide regard autour d'elle, délace ses tennis et étend ses pieds moites dans un rayon de soleil. Lorsqu'ils sont secs et lisses, elle se rechausse à regret, se lève et tire sa valise à roulettes.
Elle traverse les voies puis marche un moment dans des rues encore vides.
Du haut d'un mur délabré, un chat la regarde passer en clignant des yeux.
D'un pas régulier, elle effleure la poussière sans prêter attention à son ombre le long des dignes façades rayées de persiennes. Parfois, les roulettes de la valise se bloquent en crissant sur du sable.
Bientôt, les murs des maisons perdent de leur superbe et l'ombre de la jeune fille s'étire contre une haute palissade de bois clair.
Apparaît une porte de bois lessivée par les intempéries et ornée d'un heurtoir en forme d'hippocampe.
La jeune fille frappe, ouvre la porte et cela provoque un courant d'air tiède qui dépose une fleur de sel sur ses lèvres.
Dès que la porte est refermée, une brise à peine plus fraîche l'enveloppe doucement.
Immobile, elle frissonne devant l'océan qui respire comme un gros chat endormi puis tire de nouveau sa valise sur un chemin de caillebotis.
Elle s'arrête pour enlever ses tennis dont elle lie les lacets pour les suspendre autour de son cou.
La brise marine vient apaiser ses pieds nus sur les lamelles de bois.
Un vendeur d'étoffes et de bimbeloterie s'écarte devant elle et lui conseille de prendre garde aux clous qui peuvent dépasser car, insiste-t-il, il n'est pas question de blesser et d'abîmer des pieds aussi fins et délicats qui ne sauraient se contenter de sandales de sable alors que de belles espadrilles jaunes, violettes, bleues ou rouges vraiment pas chères les protégeraient en beauté.
Heures, minutes, et secondes se dissolvent dans le temps spécifique des dunes.
Le vendeur, le chat qui cligne des yeux, l'autorail irisé, le voyage, tout est reparti au large.
Quant à la jeune fille, elle marche dans l'écume et éprouve une joie tranquille.
Elle ne s'étonne en rien de sa propre splendeur ni de celle du paysage maritime.
Elle pense juste, en regardant ses pieds, qu'à chaque flux et reflux, l'océan s'amuse à lui retirer ses sandales de sable.
Extrait de mon recueil récemment paru Aux grands jours.
Tableau : Seul à la plage - Hughie-Lee Smith, 1957.
01:59 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aux grands jours, club, christian cottet-emard, la jeune fille aux sandales de sable, recueil, récit onirique, blog littéraire de christian cottet-emard, club littéraire des amateurs de cigares, édition, autorail, océan, voyage