24 janvier 2019
La Rolls verte
Antoine se perdait souvent dans la contemplation d’une tache contre le mur de son bureau, la trace d’une grosse araignée qu’il avait écrasée quelques années auparavant et qui était restée là, tel le morne trophée d’une demi-décennie d’assemblées générales et de collisions au carrefour. Le jour où la Rolls verte se gara devant l’agence du quotidien local où Antoine végétait dans un emploi de rédacteur photographe, un rayon de soleil estival éclairait crûment la tache. La secrétaire indiqua le bureau d’Antoine à un jeune couple puis se déplaça en direction de la vitrine pour admirer la Rolls verte au volant de laquelle patientait un chauffeur. Sans chauffeur, une Rolls n’est pas tout à fait une Rolls, pensa Antoine à ce moment-là. Le jeune couple qui avait trouvé porte close à l’Office de tourisme voisin de l’agence cherchait à rejoindre une direction qu’il était impossible d’indiquer clairement en raison du plan de circulation complexe récemment inauguré. Pendant qu’Antoine réfléchissait au moyen de renseigner les visiteurs, ils se chamaillèrent un peu à propos de l’heure à laquelle ils devaient se présenter là où ils étaient attendus. Antoine apprit ainsi qu’ils s’appelaient Ricardo et Rozana. Ricardo était un jeune homme brun au teint mat et Rozana une jolie rousse aux yeux verts. Sa beauté espiègle fut sans doute pour quelque chose dans la décisiond’Antoine de les accompagner pour les emmener sur la bonne route. Au volant de son Ami 6 exténuée, Antoine avait du mal à quitter des yeux le rétroviseur qui encadrait l’image de la Rolls verte glissant dans les rues désertes du centre ville. À l’embranchement, Antoine fit demi-tour et indiqua d’un geste la nouvelle direction. Ricardo et Rozana le remercièrent par de grands signes de la main. De retour à l’agence, songeur, Antoine passa le reste de l’après-midi à bavarder avec la secrétaire sur le thème de la Rolls verte. Antoine n’y entendait rien en voitures mais un pigiste qui collectait des résultats sportifs assura qu’il s’agissait d’une Rolls Corniche, probablement un modèle datant de 1971.
Le dimanche suivant, son dernier jour de travail avant les vacances, Antoine se leva d’un peu moins mauvaise humeur que d’habitude parce qu’il couvrait un concert du festival classique qui se tenait à l’abbatiale. Dans la foule des estivants, des touristes de passage et des abonnés au festival, quelques femmes portaient des chapeaux. Fidèle à son habitude, Antoine se posta à l’abri des regards dans une des chapelles, ce qui lui donnait non seulement une vue sur le public et sur la scène mais encore l’avantage d’une excellente acoustique. Pour prendre des photos sans déranger les artistes, Antoine utilisait un vieil appareil à téléobjectif réglé de manière à se passer de flash. Il plaisait à Antoine de reconvertir ainsi cette antiquité qui avait servi à couvrir de stupides matches de foot dans la région lyonnaise. C’est en orientant le téléobjectif vers un chapeau rose au milieu du public qu’Antoine vit apparaître Ricardo et Rozana dans le cadre. Rozana portait une petite robe rouge qui dévoilait ses épaules graciles et sa peau blanche piquetée de lentilles. Ricardo lui parla à l’oreille et Antoine appuya sur le déclencheur. Le chapeau rose coiffait une vieille dame au maintient rigide qui discutait avec Ricardo et Rozana en s’éventant avec le programme du concert. À l’entracte, Ricardo et Rozana trouvèrent Antoine sur le parvis de l’abbatiale, l’invitèrent à prendre un verre dans la semaine et le présentèrent à la vieille dame qui répondit à peine à son salut. Antoine détourna vite les yeux de son regard froid dans lequel il lui semblait lire une vague réprobation.
Antoine sonna à la porte de la maison de maître où séjournaient Ricardo et Rozana jusqu’à la fin de l’été. Il fut accueilli avec chaleur par le jeune couple et éprouva un vif soulagement lorsque Ricardo l’informa du récent départ de la vieille dame à destination de Turin où elle avait sa résidence principale.
«Tante Martha à dû rentrer plus tôt que prévu. Allons fêter ça autour d’un verre.
— Tu exagères, Ricardo » , dit Rozana en riant.
Maintenant, Antoine ne regrettait plus d’avoir accepté l’invitation du jeune couple à la sortie du concert. Il avait hésité, notamment lorsque Ricardo et Rozana lui avaient indiqué l’adresse de cette demeure de la fin du dix-neuvième siècle dont il avait parfois longé le parc en voiture lors de ses pérégrinations professionnelles. Pendant plusieurs jours, Antoine se vit franchir le portail au volant de son Ami 6 pourrie qu’il serait peut-être contraint de garer à côté de la Rolls verte. Fallait-il prévoir des fleurs pour la vieille dame? Le plus simple était d’oublier cette invitation mais cela n’était guère correct vis-à-vis de Ricardo et Rozana. Finalement, Antoine gara son Ami 6 à côté de la Rolls verte et gravit l’escalier de la terrasse en espérant se débarrasser au plus vite de son bouquet.
« Comme c’est gentil » dit Rozana. Elle l’embrassa sur les deux joues et disposa les fleurs dans un vase qui se trouvait déjà au milieu d’un guéridon abrité par un parasol. Ricardo apporta du Champagne. « On a de la chance, tante Martha adore le Champagne » plaisanta Ricardo en remplissant les flûtes. Lorsqu’Antoine prit congé, Ricardo lui serra la main et s’excusa de devoir aller répondre au téléphone. Rozana accompagna Antoine jusqu’à la voiture. Elle s’appuya contre la portière pour faire obstacle. « À demain, dit-elle » et elle ne libéra le passage que lorsque Antoine répondit : « eh bien oui, à demain. » À l’embranchement, Antoine manqua la direction de la nationale et rentra par la petite route à flanc de montagne. Le soleil couchant éclairait les pins noirs d’Autriche et les sapins. Dans le grand virage, le miroitement du lac se dévoila un instant avant de laisser la place aux futaies d’épicéas qui étiraient leurs ombres sur le goudron. Le lendemain en début d’après-midi, Antoine acheta des mignardises et reprit la petite route. Tout en bas, le lac était bleu comme la mer et pas un nuage ne troublait le ciel. Ricardo vint tout de suite à la rencontre d’Antoine et lui serra chaleureusement la main. « Nous avons cru que tu avais eu un empêchement, dit Rozana, mais je vois que tu as apporté de quoi te faire pardonner. » Elle ouvrit tout de suite la boîte de mignardises et en picora plusieurs pendant que Ricardo apportait le thé. Antoine ne buvait jamais de thé. « Je parie qu’Antoine préfère le café » dit Rozana. Antoine protesta. « Inutile, dit Ricardo, Rozana lit dans les pensées. Je vais te faire un café. » Antoine tenta de le dissuader mais Rozana lui fit les gros yeux. « Il est trop tard aujourd’hui, mais demain, nous irons faire un tour en voiture, nous préparerons un pique-nique, dit Rozana. Antoine, pouvons-nous compter sur toi vers dix heures ? Après, il y a le deuxième concert du festival à 17h, tu n’as pas oublié Ricardo ? »
Une fois rentré, malgré l’heure tardive, Antoine passa l’aspirateur dans la voiture en prévision du pique-nique mais en pure perte car Ricardo et Rozana avaient décidé de profiter des congés du chauffeur pour prendre la Rolls. Ricardo conduisait en souplesse en suivant la direction indiquée par Antoine. Parfois, des gens s’arrêtaient au passage de la Rolls verte et la suivaient du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse de leur champ de vision. Après une montée assez raide à flanc de montagne au-dessus du lac, la Rolls traversa des vallonnements puis des prairies avant une série de virages en lisière de la forêt d’épicéas dont chaque aiguille brillait sous le soleil. Antoine indiqua un belvédère ombragé qui laissait suffisamment de place à Ricardo pour garer la voiture. Ce point de vue révélait le vert émeraude d’un autre lac beaucoup plus petit incrusté dans l’immensité du massif forestier. Antoine expliqua qu’il suffisait de descendre par la route forestière pour accéder à ce site classé particulièrement prisé par les estivants amateurs de baignade. L’idée enthousiasma Rozana mais Antoine recommanda de réserver cette excursion à un autre jour car l’arrivée de la Rolls risquait de provoquer un attroupement. Deux jours après, la vieille Ami 6 d’Antoine les conduisit au bord du petit lac. Ricardo et Rozana se baignèrent tout l’après-midi. Antoine les regarda effectuer plusieurs traversées sans parvenir à leur expliquer sa répulsion à se baigner dans les lacs ou les rivières. Assis sur le plaid où ils avaient déposé leurs vêtements, Antoine admirait leur manière de nager et de marcher, leur élégance naturelle lorsqu’ils revenaient vers lui pour se sécher au soleil avant de retourner dans l’eau.
Depuis le début de ses vacances, Antoine passait ses journées en compagnie de Ricardo et Rozana. Pendant cet été exceptionnellement lumineux pour la région, il en perdait presque la notion du temps, surtout les jours de baignade qui obéissaient toujours aux mêmes insouciants rituels. Le soir, ils dînaient sur la terrasse où montaient les parfums des buis et des massifs de roses anciennes. Parfois, l’humeur de Ricardo et Rozana s’assombrissait subitement et une étrange mélancolie voilait ces instants heureux mais le malaise se dissipait aussi vite qu’il avait surgi. Lorsqu’Antoine rentrait chez lui, il ouvrait les fenêtres de son appartement et restait un long moment immobile dans la brève et tiède nuit d’été à peine troublée par de lointaines notes de musique. Le jour du concert de clôture du festival, une heure avant de partir, Ricardo se plaignit d’une migraine et préféra s’allonger dans l’obscurité. Pour couper court aux hésitations d’Antoine et Rozana, il dit sèchement : « Vous n’allez pas renoncer au concert parce que j’ai mal à la tête. » La fin du séjour de Ricardo et Rozana dans la maison de leur tante approchait. « Le chauffeur nous conduit à Genève où nous devons voir de la famille puis nous rentrons à Turin » soupira Rozana. Antoine trouva une place près du parvis de l’abbatiale et gara sa voiture. Il faisait très chaud sur le parvis et frais à l’intérieur. Dès le début des Marines d’Edward Elgar, Rozana se couvrit avec la veste qu’ Antoine tenait posée sur les genoux. Il regretta de ne pas avoir pensé à faire ce geste lui-même et ajusta plus confortablement la veste sur les épaules nues de Rozana. Elle tourna la tête et lui sourit longuement, comme si elle n’écoutait plus la musique. À la fin du troisième tableau, Sabbath Morning at Sea, Rozana saisit le poignet d’Antoine et le tint serré jusqu’à la fin du morceau. Dans la voiture, sur le chemin du retour, ils restèrent silencieux jusqu’au portail de la maison. Antoine arrêta le moteur. « On ne peut pas faire ça à Ricardo » dit-il. Rozana entoura le visage d’ Antoine de ses deux mains, le regarda fixement et murmura : « sauve-moi, sauve-nous. »
Le lendemain, Antoine resta chez lui. Il tentait une fois de plus de réfléchir, de décrypter les paroles de Rozana lorsque Ricardo lui téléphona en fin d’après-midi. Sa voix était lointaine, monocorde comme détachée : « nous t’attendions aujourd’hui. Tu sais que nous partons bientôt. Rozana est triste de ne pas t’avoir vu. » Antoine passa les jours suivants sans répondre au téléphone. Lorsqu’il se décida, il entendit la voix de la secrétaire qui lui communiquait les dates de ses prochains congés hebdomadaires. Il avait oublié que ses vacances étaient presque terminées. Le vendredi, Rozana l’appela et lui apprit que Ricardo avait pris un avion pour rentrer directement à Turin. « Vous vous êtes disputés ? » s’inquiéta Antoine.
— Non, nous ne nous sommes pas disputés. S’il te plaît Antoine, ne dis rien et écoute-moi. Dimanche, je t’enverrai la voiture. Le chauffeur s’arrêtera en bas de chez toi à midi et t’attendra une demi-heure. Antoine, nous pourrions partir ensemble. Ce serait bien, vraiment bien. À dimanche, Antoine. Toute la journée de samedi, Antoine essaya sans succès de joindre Rozana par téléphone. Dimanche, après une nuit sans sommeil, il s’assit devant la fenêtre. Sa valise était bouclée depuis la veille. La Rolls verte s’arrêta à midi dans la rue déserte. Il avait encore la main sur la poignée de sa valise lorsqu’il suivit des yeux la voiture qui s’éloigna une demi-heure après.
Antoine reprit le travail dans son agence qu’il trouvait plus sordide que jamais et passa la première partie de l’automne dans l’accablement. Parfois, sa vieille Ami 6 le menait devant le portail cadenassé de la maison de maître. Peu avant la Toussaint, il s’arrêta le cœur battant devant le portillon ouvert. Le cadenas avait disparu. Il sortit de la voiture, longea l’allée de buis qui menait à la terrasse et sonna. Pendant qu’il scrutait le parc sous le ciel bas, il entendit la porte s’ouvrir. La tante de Ricardo et Rozana lui envoya le même regard qu’elle lui avait réservé la première fois sur le parvis de l’abbatiale. « Je vous attendais, j’étais certaine que vous viendriez un jour, vous ou un autre, mais c’est inutile, vous devez rentrer chez vous. Vous savez, Ricardo et Rozana mènent leur vie et vous menez la vôtre. Vous ne devez pas vous interposer. Ils ont un rang à tenir. Vous ne pouvez pas comprendre, les personnes comme vous ne peuvent pas comprendre. » Antoine descendit l’escalier de la terrasse. Son pas crissa sur le gravier de l’allée. Il avait déjà franchi le portail lorsqu’une voix l’appela. Il reconnut le chauffeur de la Rolls verte qui le saluait. Antoine demanda : « comment vont Ricardo et Rozana ? » Le chauffeur s’approcha et Antoine posa la question qui lui brûlait les lèvres : « sont-ils toujours ensemble ? » Le chauffeur semblait hésitant. « Ensemble, je veux dire fiancés » insista Antoine. Le chauffeur marqua un long silence et regarda Antoine dans les yeux. Il hésita encore à parler puis se décida : « Je ne vous ai rien dit mais je pense qu’il n’est peut-être pas trop tard pour que vous sachiez que Monsieur Ricardo et Mademoiselle Rozana ne peuvent et ne doivent être fiancés puisqu’ils sont frère et sœur. »
Nouvelle extraite de mon recueil Mariage d'automne, éditions germes de barbarie, 2017. Tous droits réservés © éditions Germes de barbarie 2017.
Pour Oyonnax et sa région, ce livre est en vente à la librairie Mille Feuilles, rue Anatole France, Oyonnax et disponible en prêt à la médiathèque municipale d'Oyonnax au centre culturel Aragon.
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06 avril 2018
Carnet / Des résidences d'écrivains
Ces derniers jours, sur internet, j’ai découvert le site d’Isabelle Collombat. Elle tient sur son blog, semaine après semaine, le journal de sa résidence d’écrivain à Oyonnax, ville où j’ai passé la majeure partie de ma vie et dont je ne me suis éloigné que de dix kilomètres pour habiter dans la nature à la limite d’un village.
J’ai lu ce journal avec beaucoup d’intérêt car, conforme à ce que j’imaginais d’un tel dispositif dans une ville qui confond action culturelle et action sociale, il m’a enlevé tout regret d’avoir écarté l’idée même de partir en résidence. Le quotidien de sa mission (qu’elle décrit d’ailleurs sans se plaindre) serait au-dessus de mes forces et de ma capacité pratiquement inexistante d’adaptation à un tel contexte.
Pour les auteurs qui n’ont pas comme moi la chance de pouvoir se consacrer exclusivement à l’écriture, la résidence d’écrivain constitue l’une des alternatives à la pratique d’un second métier alimentaire.
À l’origine, le concept offrait un indéniable attrait pour qui ne craignait pas de bouger d’un pays ou d’une région à l’autre, surtout lorsqu’il s’agissait de résidences essentiellement destinées à favoriser la création littéraire en donnant à l’auteur toute liberté de mener une de ses œuvres à terme et en lui garantissant non seulement le gîte mais encore une rémunération correcte. Dans le meilleur des cas, cette œuvre n’avait pas forcément un rapport avec le lieu d’accueil et l’on pouvait ainsi parler d’une forme de mécénat.
Hélas, ce concept est aujourd’hui de plus en plus dévoyé et rares sont désormais les résidences qui n’obligent pas l’auteur à se prêter à des activités d’animation scolaire et sociale souvent au détriment de la création littéraire. Le but premier de la résidence qui consistait en l’écriture d’un ouvrage littéraire est de nos jours passé au second plan.
Cette dérive a commencé le jour où l’on a demandé à l’auteur d’écrire un texte en lien avec son lieu de résidence, ce qui a rapidement et fréquemment donné de piètres résultats, des textes de commande au pire sens du terme. La situation s’est aggravée lorsque l’auteur a été contraint d’animer des ateliers d’écriture, de participer à des projets pédagogiques voire à intervenir dans des milieux sensibles (quartiers difficiles, prisons).
Presque tous les auteurs en résidence que je connais travaillent maintenant sous cette contrainte et ont souvent du mal, au sein même de ce dispositif, à dégager le temps, la concentration et l’énergie nécessaires à leur propre création même si certains à la fibre plus sociale s’en sortent mieux que d’autres.
À l’époque pénible où je devais concilier écriture et second métier purement alimentaire, ce qui ne me mettait pas de bonne humeur, il s’était bien sûr trouvé de bonnes âmes pour me conseiller de poser ma candidature à des résidences d’auteurs. C’était méconnaître mon allergie à toute mobilité géographique professionnelle. À l’exception des voyages de tourisme et d’agrément, je suis totalement perdu et angoissé dès que je suis loin de chez moi, de mes proches, de mes repères, de mon confort et de ma routine matérielle. Cerise sur le gâteau, je suis incapable de me repérer rapidement en terrain inconnu. Quant aux grandes villes, les seules où j'arrive à ne pas me perdre sont Venise, Lisbonne et Lyon.
Malgré ces mauvaises dispositions, une résidence parmi beaucoup d’autres avait attiré mon attention parce qu’elle semblait conforme à l’esprit d’origine du dispositif. Peu de temps après avoir demandé des précisions aux organisateurs, j’ai reçu une lettre de l’écrivain et poète Jean-Claude Pirotte. Le ton était aimable et chaleureux et Pirotte m’expliquait que cette résidence pouvait me convenir si elle parvenait à continuer alors que les difficultés financières menaçaient son fonctionnement.
Le temps que je me décide à répondre, la résidence avait été supprimée. Je dois avouer avec un peu de honte que j’en ai conçu un indéniable soulagement. J’ai gardé en souvenir l’enveloppe décorée d’un dessin de la propre main de Jean-Claude Pirotte. Elle contenait les modalités de la résidence et un de ses livres. Au moins, je n’avais pas fait la démarche pour rien.
PS : ce lien vers un texte (de mauvaise foi) sur le thème des résidences d’écrivains, extrait de mon livre Tu écris toujours ? (éditions Le Pont du change).
03:12 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, billet, chronique, blog littéraire de christian cottet-emard, résidences d'écrivains, jean-claude pirotte, christian cottet-emard, isabelle collombat, littérature, oyonnax, ain, rhône-alpes, haut bugey, centre culturel aragon oyonnax, atelier d'écriture, médiathèque oyonnax, action culturelle, action sociale, tu écris toujours ?, éditions le pont du change
15 janvier 2018
Polémique/ Oyo maso (suite) : presque toujours le même scénario
Dans l’épisode du sketch foireux (dans tous les sens du terme) qui a pollué la cérémonie des vœux à Oyonnax, il semble stupéfiant que des représentants des forces de l’ordre insultés par un pseudo humoriste en plein contexte officiel devant une assemblée d’autorités et de notables pour la plupart décidément très flegmatiques soient apparemment contraints d’encaisser une telle provocation sans broncher.
Aujourd’hui, lorsqu’une actualité, une situation, un événement nous paraissent absurdes, illogiques, incompréhensibles, il nous faut chercher du côté de l’argent, de la raison économique. Je fais ici allusion aux dispositifs qui permettent à la ville de percevoir des subventions en faveur de sa politique sociale, le problème étant qu’à Oyonnax comme ailleurs, on confond l’action sociale et l’action culturelle.
L’analyse sous cet angle nous permet aussi de comprendre bien des aspects de ce à quoi ressemble depuis quelques années la programmation culturelle de la ville d’Oyonnax, même pas digne de celle d’une MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) du début des années soixante-dix, notamment sur la scène du grand théâtre du centre culturel Aragon.
L'adjointe à la culture minimise
En ce qui concerne les réactions officielles que la presse locale a pu obtenir à propos du couac de la cérémonie des vœux, on notera celle, aussi désinvolte qu’inappropriée de l’adjointe à la culture, toujours prête à minimiser comme elle s’y était déjà employée lors de la précédente affaire du même type survenue il y a deux ans à la médiathèque : « Les artistes sont imprévisibles ! » a-t-elle déclaré au journaliste du Progrès!
La dame devrait savoir qu’un artiste n’est imprévisible que dans les moments exceptionnels de sa pratique, lorsqu’il lui arrive d’être réellement créatif. Le reste du temps, l’artiste cherche, explore et réfléchit dans l’ombre. Rien à voir avec la sordide prestation à la cérémonie des vœux mais aussi en décembre dernier au centre Aragon, d’un saltimbanque de bas étage dont le nom ne mérite même pas d’être prononcé.
Ce genre d’opportunistes, comme celui qui fit tourner au fiasco la résidence d’auteur de 2016, ne peuvent être qualifiés d’artistes que par des gens qui ont perdu la mesure.
Contrairement à ce que déclare l’adjointe à la culture, ces deux individus étaient parfaitement prévisibles. Leur donner la parole ne pouvait aboutir qu’au clash. Si l’on peut aisément constater que ce soit l’objectif de ces pantins instrumentalisés, on a en revanche du mal à comprendre qu’une mairie, même tenue de donner des gages au profit des usines à gaz de la politique de la ville, puisse consentir une fois de plus à se ridiculiser d’aussi sinistre manière dans le choix de tels personnages pour ses saisons de spectacles.
Cela n'arrive pas qu'à Oyonnax :
La récurrence des provocations auxquelles se livrent des intervenants ayant tous le même profil « professionnel » , promus, financés et soutenus par les pouvoirs publics s’inscrit dans une tendance nationale. Quelques exemples récents pour mémoire :
Février 2015. Un rappeur accuse de racisme les lecteurs de Télérama. Il déclare que « les caricatures de Charlie ont contribué à l'islamophobie ».
Mars 2016. Un rappeur invité en résidence d’écrivain à Oyonnax tient des propos scandaleux et inappropriés devant un public d’adultes et de jeunes mineurs à la médiathèque municipale. Le maire décide logiquement de son renvoi mais le mal est fait.
Mai 2016. L’invitation aux commémorations de Verdun d’un rappeur connu pour les paroles insultantes de ses chansons à l’égard de la France provoque un tollé légitime. Heureusement, le concert est annulé.
Février 2017. L’affaire des milliers de tweets violents, antisémites et homophobes d’un rappeur promu au niveau national par Télérama, les Inrockupibles et l’émission littéraire La Grande librairie (entre autres) agite les milieux de la culture. L’avantage est que la duplicité et la réelle nature de l’individu est enfin dévoilée au point qu'il disparaît (un peu tard) de la scène médiatique.
12:54 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelles du front, scandale, polémique, mairie d'oyonnax, centre culturel aragon oyonnax, culture, divertissement, spectacle, politique, humoristes, rappeurs, provocations, démagogie, ain, rhône-alpes auvergne, subventions, société, presse