19 novembre 2017
Hélène Hérault. LA PETITE PRIGENT, nouvelles, éditions Delphine Montalant. 91p, 2017. 14 €
Le début semble annoncer un moment de lecture au coin du feu, une petite friandise salée. On peut lire ainsi ce recueil tout en demi-teinte et en fraîcheur. Cependant, le style limpide d’Hélène Hérault, une ligne claire qui peut rappeler Claire Keegan, emporte l’attention beaucoup plus loin, au large, dans les profondeurs des expériences et des destins les plus humbles.
Pour l’instant, il lui fallait se réconcilier avec l’océan, se laisser embrasser par les flots ; les êtres humains, c’était autre chose.
On devine les sensations à fleur de peau et les sentiments malmenés. La Petite Prigent qui ouvre la première nouvelle La mer avait bon dos par un retour dans la maison de la lande en compagnie intime et pleine d’espoir du plus surprenant des narrateurs est un être à la fois unique et multiple. Toutes les nouvelles rayonnent doucement de sa présence au monde, celui, cher au cœur d’Hélène Hérault, des îles, du Ponant ou de bien plus loin.
Chaque histoire au fil souvent ténu, parfois presque anecdotique, se tresse aux suivantes à l’image des entrelacs de cordages et de filets de pêche sur la photo de couverture. L’écriture économise tout ornement pour laisser sourdre les émotions de personnages taiseux, secrets et tourmentés, la rencontre improbable, l’enfance dont il faut larguer les amarres, le désir d’empathie, la volonté de renaissance, toutes ces nuances de frêle humanité déclinées sur fond d’immensité battue de vents et d’embruns.
Christian Cottet-Emard
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26 août 2017
Carnet / De l’inconvénient de mourir pour un écrivain
Pour beaucoup de gens mourir est ennuyeux mais pour les écrivains, l’un des inconvénients supplémentaires est la récupération. Rien de plus facile que de sortir de son contexte une phrase, une affirmation ou une idée d’autant que l’écrivain n’est plus là pour apporter contradiction ou démenti. Seule demeure son œuvre pour le défendre, à condition qu’elle soit bien lue par un lectorat honnête. Tout récemment sur le réseau social, en conversation privée, quelqu’un m’a fait part de son étonnement à la lecture de mes éloges à propos d’Antonio Tabucchi. Cette personne se place évidemment sur le terrain politique et je comprends sa perplexité.
Antonio Tabucchi, hélas décédé en 2012 à soixante-neuf ans, est un intellectuel de gauche très représentatif des années soixante-dix et quatre-vingt du vingtième siècle. Je ne partage pas beaucoup de ses opinions politiques, surtout dans les temps que nous connaissons, mais cela ne m’empêche pas de le considérer comme un très grand écrivain d’un point de vue strictement littéraire et cela suffit à mon bonheur de le lire.
Je crois que c’est Borges qui disait que les opinions politiques individuelles d’un écrivain n’avaient guère d’intérêt, ce que je pense moi aussi. Par exemple, s’il m’est arrivé de citer Tabucchi à propos des Lusiades de Camões, ce n’est pas du tout pour étayer ma lecture personnelle de l’épopée nationale portugaise, ce à quoi je me garderais bien de me hasarder.
J’ai lu une grande partie de l’œuvre publié de Tabucchi et, dans les années quatre-vingt-dix, j’ai été très impressionné par son livre Pereira prétend, roman éminemment politique mais surtout, à mes yeux, ouvrage d’une rare virtuosité narrative. Le message politique ne m’a certes pas échappé mais il est pour moi resté au second plan. Ce qui m’a retenu est essentiellement l’atmosphère du roman, le cadre, Lisbonne, le style, la composition, la narration, l’intégration des dialogues dans le corps du récit sans guillemets ni tirets.
Quant au personnage principal, ce Pereira qui prétend, ce n’est pas son évolution politique qui m’a le plus intéressé mais sa nature, ses habitudes, son cadre de vie, ses sentiments, sa mélancolie, sa manière d’être au monde, de se déplacer, de bouger, de se nourrir, de vivoter.
Comment un écrivain est-il compris ou espère-t-il l’être par le lecteur ? Vaste question. Peut-être Antonio Tabucchi serait-il très mécontent de ma lecture apolitique de son Pereira prétend, c’est même fort probable...
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17 juillet 2017
Une de mes lectures du moment : Roman de romans de Raymond Alcovère, « un livre de bord, pour voyager »
Extrait :
Autobiographie
« Parmi les livres les plus bouleversants, beaucoup d'autobiographies, au sens large. À la recherche du temps perdu, les Mémoires d'Outre-tombe, les Mémoires de Saint-Simon, Le livre de l'intranquillité, Les Rêveries d'un promeneur solitaire, mais aussi Le journal de Kafka, la Correspondance de Flaubert, les Lettres à un jeune poète de Rilke. Plusieurs de ces textes d'ailleurs n'ont pas été écrits avec l'intention de « faire œuvre » , et c'est probablement ce qui les rend si touchants et forts. Dans tous les cas, ce sont des formes d'autobiographie libre. »
- Raymond Alcovère -
Disponible ici
23:39 Publié dans Alliés substantiels | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lecture, roman de romans un abécédaire, éditions les réfractaires, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard