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12 novembre 2014

Jean-Jacques Nuel et Roland Tixier en lecture à Lyon ce jeudi

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31 octobre 2014

Carnet / Des lectures

Avec le retour de cette maudite heure d’hiver, se profile la fin de l’année. Si 2014 n’avait pas été sauvée en cette deuxième partie d’automne par mon séjour à Lisbonne et une très heureuse surprise d’ordre purement matériel, je n’en aurais vraiment rien gardé, à tel point que lorsque je fais le bilan de mes lectures ainsi que j’en ai l’habitude dans mes carnets, je pense surtout à des livres que j’ai lus en 2013 ! 

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Photo : mes nouveaux carnets. 

C’est sans doute pour cette raison que ce jeudi chez le libraire Montbarbon à Bourg-en-Bresse, mon regard s’est arrêté sur la belle couverture du récent recueil de nouvelles de Claire Keegan, À travers les champs bleus (éditions 10/18). Je ne sais pas ce qu’il me réserve mais je n’ai pas oublié son limpide Les trois lumières (éditions Sabine Wespieser) qui m’avait été conseillé. Cette découverte avait compensé ma malencontreuse lecture d’un autre ouvrage qu’on m’avait aussi conseillé, Le Jour du Roi d’Abdellah Taïa, un roman écrit à la paresseuse, presque entièrement dialogué, mais surtout complaisamment sordide (à mon goût évidemment) et totalement incompréhensible pour moi car radicalement étranger à ma sensibilité, à mes préoccupations et à ma perception du monde. 

2013 n’a pas été pour moi une grande année de lecture parce que j’étais dans de gros chantiers d’écriture et parce que j’ai laissé ces chantiers à l’abandon début 2014 avant de m’y remettre lors de cet affreux été pluvieux. Il m’a donc fallu rattraper le retard, ce qui ne m’a pas empêché, malgré un contexte psychologique désastreux, de tomber sur quelques pépites : La Fille de Debussy de Damien Luce (éditions Héloïse d’Ormesson), La Djouille de Jean Pérol (éditions de la Différence) — je rappelle au passage son superbe recueil de poèmes Libre livre (éditions Gallimard) — et sur de très bons ouvrages : Chasseur de primes de Joël Bastard (éditions La Passe du vent), dont j’avais aussi beaucoup aimé Le Sentiment du lièvre (éditions Gallimard), Un beau soir l’avenir de Didier Pobel (éditions La Passe du vent),  Le Parapluie rouge d’Anna de Sandre (éditions Atelier in 8) et C'est gentil d'être passé d'Hélène Dassavray (éditions Le Pédalo ivre). Je me suis tout récemment plongé dans À distance d’Henri Michaux (éditions Poésie/Gallimard) et dans les Poèmes français de Fernando Pessoa (éditions de la Différence). Je parlerai prochainement dans ces colonnes de ce recueil reçu en service de presse.

Quand je pense au nombre de livres publiés et disponibles en librairie, à leurs trois malheureux petits mois de vie en relatives « nouveautés » avant de rejoindre au mieux les rayons et au pire le pilon, je suis toujours troublé, non seulement en tant que lecteur mais plus encore en tant qu’auteur. 

Ce trouble récurrent ne va tout de même pas pour moi jusqu’à la décision dont vient de me faire part un ami proche, écrivain et poète, de ne plus communiquer en public sur son activité de création littéraire. Même si je peux comprendre ses raisons, je ne pense pas en revanche qu’à plus de cinquante ans on puisse devenir quelqu’un d’autre du jour au lendemain, même si on en a le désir. Comme on dit à la roulette, rien ne va plus !

 

22 août 2014

Jean Pérol et les cœurs véhéments

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La Djouille, de Jean Pérol, roman, éditions de la Différence, 272p., 20 €. Parution 21 août

Noir, poignant, ironique, rageur, hanté par le deuil impossible des bonheurs et des beautés fugaces, le dernier roman de Jean Pérol prend aux tripes et frappe fort sur les nouveaux conformismes.    

Encore à peu près épargné par les vilaines morsures du temps et de l’expérience, le jeune et provincial Fabien, lycéen, aide dans de menus travaux domestiques un professeur âgé, revenu de ses voyages et de ses illusions bien amoché. L’un est à l’aube de sa vie, l’autre au crépuscule mais cela n’empêche pas une amicale connivence de s’installer, bien au contraire puisque finalement, le terme de « crépuscule » désigne la lueur céleste visible avant le lever du soleil ou après son coucher.

La rapide montée en puissance de la narration de ce superbe et dérangeant roman baigne dans cette atmosphère qu’on dit parfois « entre chien et loup » . Autour des deux hommes (l’art du romancier finit par nous faire douter de qui est l’ombre de l’autre) gravitent des personnages eux aussi distribués dans les deux catégories de ces canidés auxquels l’humanité se plaît parfois à s’identifier. Ajoutons à ce bestiaire la dimension féline du caractère féminin et observons alors la cruauté, la naïveté, l’amertume, le désespoir, la résignation et, soudain, en une épiphanie, en « une poignée de jours en flammes dans une énorme obscurité » comme l’écrivait le poète Jean Tardieu, l’épisode fugace d’un bonheur aussi vite épanoui et fané que l’éclosion d’une fleur filmée en accéléré.

En une construction narrative dans laquelle le passé douloureux que le professeur tente d’enfouir remonte en surface au contact du présent du lycéen, l’écran de ce théâtre d’ombres se déploie, si l’on ose dire, sur plusieurs fronts.

Le premier est celui des dernières nuits festives du personnel d’ambassade dans un Afghanistan en proie à la révolution et à la guerre où le professeur déjà las du vieil Occident s’est résolu jadis à vivre sa double expérience culturelle et amoureuse de l’arrachement. Sur le second front, celui d’une retraite campagnarde cévenole (dont on pourrait dire qu’on y « sommeille tant ») et que le jeune Fabien est prêt à quitter pour un amour au-dessus de sa condition, le vieux professeur n’est plus acteur mais spectateur impuissant du drame puis de la tragédie qu’il voit s’annoncer.

La mécanique infernale du déterminisme social s’agence inexorablement, condamne toute utopie, broie toute espérance. Il suffit qu’un de ces coups de tête dont sont coutumiers les jeunes hommes blessés se transforme alors en un coup de sang pour que le rideau tombe, noir, si noir, sur la scène où tout est bien sûr joué d’avance.

L’amour, le départ, la fuite, le retour sont autant de chemins dont le professeur est revenu sans pouvoir en révéler les impasses et les chausse-trapes au lycéen. Ils habitent tous deux une province livrée au doute et à la nostalgie où l’on devient vieux de plus en plus jeune, une nation minée par le retour d’un conformisme pire que celui qui précéda l’artificielle et courte embellie des trente glorieuses.

La Djouille est non seulement le roman des amours congelées sur la « face nord glaciale du grand mythe féminin qu’on nous a construit dans le siècle » mais encore l’implacable inventaire des utopies modernes qui tournent en cauchemars et finissent dans la djouille, l’équivalent afghan du caniveau. Dans ce second exercice, l’ironie lucide de Jean Pérol frappe très fort et ne manquera pas de faire grincer les dentitions blanchies et parfaitement alignées des jeunes générations élevées à la tisane bio du politiquement correct. Rien de l’hygiénisme forcené de « l’époque (qui) vous a à l’œil » n’est épargné : les ligues de vertu revues aux goûts du jour avec « les nouvelles chaisières vengeresses du rabougri, encore plus coincées aujourd’hui que celles de nos églises hier » , le sexe pour le sexe, « le foutre façon hygiène. Aussi trompeur et fastidieux que le vrai jogging  » , le sport « Ah le sport, cette fadaise mondiale, ce pseudo-militarisme obligatoire, cette scie, ce poison du siècle ! »

Gardons nous cependant de rester sur ces seuls constats dans notre lecture. Comme tous les amples romans parcourus par le souffle de la littérature, le dernier opus de Jean Pérol ne se résume pas au simple regard critique, aussi acéré soit-il, d’un auteur sur son époque, car on y puise aussi une forte empathie en faveur des éternels perdants, ceux de la grande histoire et de la petite, toutes deux cruelles pour les cœurs véhéments.

Christian Cottet-Emard

Et à propos du dernier recueil de poèmes de Jean Pérol : ici