18 août 2014
Carnet / Par la petite porte
Ces derniers jours au courrier, le nouveau roman de Jean Pérol, La Djouille (éditions de la Différence) dont deux phrases ont déjà fait mon miel à peine le livre commencé : « Les peuples ne savent jamais assez se méfier des inspirés qui veulent à tout prix leur bonheur » et « Tout ce qui est marchandage m’indispose. » J’en parlerai prochainement.
Reçu aussi un ancien numéro de la revue Brèves (actualité de la nouvelle) consacré à Béatrix Beck : « Écrire est une forme active de la lecture : on fournit des textes à soi-même, éventuellement aux autres. »
À l’abbatiale de Nantua, pour être sûr d’être bien placé, je suis arrivé une heure à l’avance au concert avec des poèmes de Fernando Pessoa que je lis et relis sans me lasser depuis des années. J’aime entrer dans cette poésie au hasard, en feuilletant, et je me suis amusé de tomber, sous les voûtes d’une église, sur le poème de l’hétéronyme Alberto Caeiro dans Le Gardeur de troupeaux :
« Penser à Dieu c’est désobéir à Dieu
Car Dieu a voulu que nous ne le connaissions pas,
aussi à nous ne s’est-il pas montré... » (!)
Tout récemment, dans la même abbatiale, lors du concert de clôture du festival, j’aurais volontiers offert du chewing-gum à une inconnue, parfumée par Ail et Fines herbes de chez Popote, qui s’est assise sur le même banc que moi. Il y a quelques années, j’avais eu droit au goûter de trois grand-mères qui n’en finissaient pas de grignoter des biscuits secs avec un son d’écureuil qui a trouvé une pomme de pin géante. Pas facile de ne penser qu’à Mozart, Saint-Saëns et Debussy dans ces conditions.
Chez moi, j’écoute en ce moment la musique chorale de William Walton (1902-1983), notamment The Twelve, le Te Deum du Couronnement (dans l’arrangement de Simon Preston avec une réduction pour orgue de Mark Blatchly), la Missa brevis et d’autres pièces que j’aime beaucoup, notamment le Magnificat and Nunc Dimitis, le Jubilate Deo et Antiphon.
Le quinze août déjà passé, l’été est toujours aux abonnés absents. À mesure que je vois les gens revenir de leurs congés souvent réduits à une ou deux petites semaines, je pense à la future escapade à Lisbonne et au bonheur de partir quand tout le monde est rentré.
Mon mode de vie a certes quelques inconvénients mais aussi beaucoup d’avantages. C’est ce que je me dis pour retrouver un moral qui m’avait déserté depuis de très longs mois et qui essaie de revenir par la petite porte. On ne peut pas avoir tout le temps ce que Fernando Pessoa avait appelé « le jour triomphal » de sa vie qui était, en ce qui le concernait, le 8 mars 1914 *.
* Ce jour-là, quarante-neuf poèmes lui vinrent d’une traite avec leur titre (Le gardeur de troupeaux) et l’un des principaux hétéronymes (Alberto Caeiro).
Photos : détails de mes carnets, désordre sur mon bureau et gare de Lisbonne
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11 juin 2014
Jean-Baptiste Destremau : Autopsie d'un rêveur
Service de presse
Autopsie d’un rêveur, de Jean-Baptiste Destremau, éditions Max Milo, 188p., 18 €.
(Sortie jeudi 12 juin 2014)
Comment devenir un homme exceptionnel lorsqu’on incarne la banalité dans la vie, l’amour, le travail et le prévisible destin ? Question cruciale dans le monde du XXIème siècle où chaque individu imprudemment capable de prendre la mesure de son insignifiance s’expose au choix de l’accepter ou de s’en extraire.
C’est à ce carrefour de son existence que nous faisons connaissance de Pierre Morel dont la seule particularité consiste, non pas à être un grand rêveur — cela, pas mal de gens s’y entendent, mais à consacrer une attention maniaque à ses rêves jusqu’à trouver le moyen d’y puiser le carburant adéquat pour faire décoller sa vie comme une fusée se libérant de l’attraction terrestre.
À ce stade du récit, le lecteur plein d’empathie se réjouit de cette bonne nouvelle qui va immanquablement propulser notre rêveur désormais éveillé à la vraie vie, celle du héros, dans une autre dimension. Hélas, le monde des rêves est aussi celui des cauchemars, surtout quand le réel et l’imaginaire entament le plus dangereux des flirts.
Divertir habilement le lecteur en lui faisant franchir à son gré les frontières de la fable, du thriller et du roman d’amour, tel est le talent de Jean-Baptiste Destremau, auteur de Sonate de l’assassin (Max Milo 2009, J’ai Lu 2010, Prix du premier roman au Festival de Chambéry, et de Si par hasard (Max Milo 2010, J’ai Lu 2013) actuellement en cours d’adaptation pour le cinéma.
Christian Cottet-Emard
Extrait de Autopsie d'un rêveur :
« Il repassait le film de ses rêves comme on lit un roman et en retirait des satisfactions coupables qui lui permettaient souvent d’oublier la monotonie de son existence, les railleries de ses collègues et l’ennui des transports en commun. »
20:09 Publié dans Service de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : service de presse, autopsie d'un rêveur, jean-baptiste destremau, max milo, éditions max milo, roman, thriller, roman noir, littérature, paris, prix du premier roman festival de chambéry, sonate de l'assassin, si par hasard, blog littéraire de christian cottet-emard, note de lecture, critique, signalement, publication, parution, recension, compte-rendu, divertissement romanesque, j'ai lu, éditions j'ai lu, cinéma, illustration couverture, johann fournier
07 avril 2014
De l’effet d’aspirateur dans les salons du livre locaux
Le puissant effet d’aspirateur dans les salons du livre locaux est un phénomène assez rare mais rendu parfois possible par la convergence hasardeuse de certains événements.
Si vous publiez de temps en temps quelques ouvrages et que vous sacrifiez une des premières journées ensoleillées pour participer à un salon du livre dans une petite ville, prenez vos précautions. Assurez-vous qu’un tout frais lauréat du Prix Goncourt ne soit pas catapulté au même moment dans la salle des fêtes, même s’il s’agit d’un homme sympathique et talentueux, car vous et vos consœurs et confrères serez alors à coup sûr victimes de l’effet d’aspirateur.
Au début, tout est calme lors de votre arrivée au salon. Si peu de monde qu’on a largement le temps de déballer les cartons et de bavarder en buvant le café jusqu’en fin de matinée. Normalement, il en est ainsi toute la journée. Peu importe, vous le savez, vous n’êtes pas venu pour vendre des livres mais pour papoter avec les amis, les rares visiteurs du salon et les gentils organisateurs.
Mais voici qu’une vague de public surgit d’on ne sait où puis vient déferler sous vos yeux encore embués de plumitif qui n’a pas l’habitude de se lever tôt. Par Jupiter, du monde ! Que se passe-t-il ? Rien de grave mais quand même : atterrissage de Pierre Lemaitre, lauréat du prix Goncourt en plein milieu de la salle des fêtes.
Début de l’effet d’aspirateur avec pour première conséquence la transformation immédiate de 99 % des exposants en hommes et femmes invisibles (les autres étaient aux toilettes donc déjà invisibles de toute façon...)
Quelques discours et remises de médailles plus tard sur la scène dominant l’armée des ombres, deuxième phase de l’effet d’aspirateur : tous les petits sous peinant à sortir de poches déjà peu garnies et peu pressés de se laisser échanger contre les livres de dizaines d’hommes et de femmes encore en état d’invisibilité s’envolent dans une même direction, celle du libraire du salon qui se désole de n’avoir point pu faire affréter un semi-remorque rempli du livre élu. Tout s’est passé très vite et les exposants du salon redeviennent tous visibles, y compris ceux qui étaient aux toilettes évidemment. Ouf!
Pas de quoi se réjouir trop vite cependant car vient s’abattre sur les malheureux la troisième phase de l’effet d’aspirateur qui engloutit la foule en cinq minutes pour l’emmener très loin au large du salon où les exposants désormais plus nombreux que les visiteurs pourront continuer en toute intimité de boire du café, grignoter de délicieux cakes aux olives et attendre la signature finale du livre d’or... À l’encre sympathique.
Photos : Pierre Lemaitre à l'Espace Malraux à Nantua (Ain) dimanche 6 avril 2014. (Photos Christian Cottet-Emard).
01:18 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : feuilleton, tu écris toujours ?, salon du livre, nantua, haut bugey, ain, rhône-alpes, france, paris, prix goncourt, académie goncourt, pierre lemaitre, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard, humour, ironie, christian cottet-emard, édition, roman