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06 novembre 2019

Extrait de mon prochain roman

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J’éprouvais certes de la joie à liquider ainsi une décennie d’énergie et de créativité gaspillées dans le travail mais j’étais du même coup conscient des problèmes qui allaient vite succéder à cette éphémère ivresse de la liberté. Telle est la cruelle aliénation du travail qui tourmente aussi bien celui qui détient un emploi que celui qui s’en trouve privé. Comme pour étayer cette triste évidence, un homme qui faisait souvent la manche près de l’église et qui se rendait vers son « lieu de travail » juste avant le début de la messe me persuada de lui donner une pièce. J’espérais que mon geste m’attirerait les faveurs de la Providence en prévision d’une probable période de vaches maigres. Bien sûr, j’aurais pu aussi compléter mon attitude charitable par ma présence à la messe dominicale mais la situation n’atteignait pas les sommets de gravité qui eussent justifié d’en arriver à une telle extrémité. En outre, bien que j’en fusse chagriné, je n’avais pas la Foi. J’aimais pourtant l’atmosphère des églises à l’abri desquelles une simple migraine vous donne un air recueilli et même l’ambiance des Offices pendant lesquels on peut dormir debout et ne rien faire sans en essuyer le moindre reproche. Mais jamais je n’avais pu déceler en ces lieux ou en moi-même le plus petit signe d’une présence divine. Et ce n’était pas faute d’avoir allumé cierges et veilleuses que j’avais scrupuleusement payés au prix indiqué. Mais rien n’y faisait et, à défaut de cette foi dont mon esprit ne parvenait pas à s’imprégner, je me contentais d’en espérer au moins un signe.

Cette position d’attente convient de toute façon à ma nature qualifiée de contemplative par celles et ceux qui apprécient ma compagnie et de molle et indécise par les autres. Mais vraiment, quel regret de ne pouvoir adhérer à cette belle histoire ! La félicité éternelle pour ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose à se reprocher et les affres de la damnation pour les autres, mes voisins du dessus par exemple, qui me saluent chaque dimanche matin d’une aubade de perceuse-ponceuse ou encore les voisins d’à côté qui mobilisent une débauche de technologie pétaradante contre trois herbes folles. Ah ! Que le destin de tout ce monde soit de finir en grillades dans le barbecue de Belzébuth, oui, quelle belle histoire ! Et c’est ainsi que j’imagine avec délice les pompes du jugement dernier engloutissant en musique les bricoleurs insomniaques et tous les solistes du grand orchestre des tondeuses, rotofils et autres souffleurs de feuilles, toutes ces cohortes de fâcheux à moteurs.

Ce fut justement un moteur qui me tira de ces oiseuses rêveries auxquelles j’aime tant m’abandonner. Une fluorescente petite voiture bourrée d’électronique qui semblait sortir des chaînes de montage, un bolide décapotable spécialement pensé et conçu pour les jeunes mais que seuls peuvent s’offrir des retraités aux pensions grassouillettes, stoppa à ma hauteur dans un crissement de pneus. C’était tante Marcia, cramponnée au volant, les épaules resserrées, flanquée de Fortunat qui tenait ses fesses sur son Panama et serrait la tête (pardon, je m'embrouille, je voulais dire qui tenait son Panama sur sa tête et qui serrait les fesses).

— Je ne savais pas que vous aviez votre permis, félicitations Tante Marcia, hasardai-je.

— Abstiens-toi de me flatter inutilement et passe demain à la maison récupérer les clefs, répliqua-t-elle sèchement. Quant à mon permis, feu mon incapable de mari n’a jamais été fichu de m’encourager à prendre des leçons. Heureusement que Fortunat me donne quelques rudiments.

Je me doutais bien que ma vieille tante mais cependant jeune conductrice avait prononcé une autre phrase que je ne pus toutefois entendre en raison du hurlement sauvage  que produisirent les pneus du véhicule désormais réduit à un nuage de poussière vrombissant à l’horizon de la rue par miracle déserte à cette heure-là. Beaucoup plus reposante, l’Ami 6 recueillit mollement mes quatre-vingt six kilos et ma décision de consacrer quelques minutes à faire le point. J’éprouve très souvent le besoin de faire le point tant l’existence me paraît agitée et compliquée. C’est même pour moi une absolue nécessité. Rien qu’en une journée, je fais le point un nombre incalculable de fois. Aussi, je n’enchaîne que rarement deux actions consécutives, jugeant plus sage et plus pratique de faire le point plutôt que de prendre des décisions rapides donc forcément inconsidérées. D’ailleurs, rien ne me contrarie autant que d’avoir à prendre des décisions. Parfois, je fais le point si longtemps que je finis par en oublier la décision. Mais cela n’est pas grave car il y a tant de décisions à prendre dans la vie que je peux bien en laisser sombrer quelques-unes dans l’oubli. Le monde s’arrêterait-il de tourner pour autant ? Non. Et de toute façon, si le monde s’arrête un jour de tourner, il n’y aura plus aucune décision appropriée car ce sera la fin. Je pense souvent à la fin du monde. Cela me permet d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. Face à cette éventualité, mon licenciement est un événement qui prend sa véritable dimension, celle d’une chiure de bactérie.

Avant de démarrer, je fis de nouveau le point pour tenter d’anticiper les conséquences purement économiques du plan de tante Marcia, ce qui me conduisit très vite, c’est-à-dire au bout d’une petite demi-heure, à envisager le profit que je pourrais tirer de cette opportunité : des mois de loyer économisés le temps de me voir venir, l’agrément d’une grande maison bourgeoise où la seule contrainte se résumerait à servir un repas quotidien au chartreux, un félin qui n’avait pas un mauvais fond malgré une propension à oublier de rentrer ses griffes lorsqu’il venait se pelotonner affectueusement contre la cuisse accueillante d’un visiteur.

Satisfait du pragmatisme dont je venais d’enrichir ma réflexion, je réussis à démarrer l’Ami 6 du premier coup, ce qui me parut de bon augure. Je me promis de faire une autre fois le point dès mon arrivée chez moi. Lorsque celle-ci survint, les habitants de l’immeuble présents à leur domicile en furent comme d’habitude informés par les râles entrecoupés de hoquets émanant de l’Ami 6 lors des opérations de rétrogradage, de freinage et de tentative d’arrêt du moteur. En effet, s’il arrivait à ce dernier de se montrer récalcitrant au démarrage, il pouvait aussi, parfois, refuser de s’arrêter. Mais cela n’était guère gênant pour le voisinage excepté lorsque cela se produisait à une heure avancée de la nuit ou aux petites heures de l’aube.

Extrait : © Éditions Orage-Lagune-Express 2019, tous droits réservés

 

 

21 avril 2019

Joyeuses Pâques !

Mon poème de Pâques

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Qui sort de l’enfance et se découvre mortel adoucit sa tristesse dans les Pâques

 

Même l’Office des Ténèbres est doux à l’écolier qui n’a pas peur de son église parce qu’il sent qu’elle est une maison et un vaisseau à sa mesure comme à celle du monde

 

Maison où l’on est libre d’entrer ou de sortir

 

Vaisseau du port ou du grand large ou voile blanche à l’horizon

 

Quel voile noir a pu peser si lourd sur la Terre ce vendredi? se demande l’enfant inquiet en entrant dans la nuit épaisse

 

Et quelle est cette attente en ce samedi perplexe jour silencieux sans cloches ?

 

Les voici revenues ce dimanche dans les flocons dans les pétales ou dans la folle joie du fœhn

 

L’enfant anxieux s'éveille alors le cœur délivré parce qu’il entend parler autour de lui en leur concert d’une étrange et prodigieuse victoire sur la mort dont il a vu passer s’étendre et fuir l’ombre provisoire

 

© Éd. Orage-Lagune-Express 2016 pour cette version

Photo : carillon à Porto (photo CC-E)

 

Et en musique, dans la joie de Pâques : Johann Sebastian Bach, l'Oratorio de Pâques.

 

02 janvier 2019

L’ordre cosmique du vieux square

Pendant ces fêtes, Noël, Jour de l'An, Épiphanie, la mémoire de mes proches défunts m'accompagne d'autant plus. Je remets donc en ligne ce texte dans lequel je les évoque autour de l'ancien square de la place de la gare à Oyonnax, lui aussi disparu mais intact dans un album photo d'archives familiales tiré en un seul exemplaire et bien sûr dans mon souvenir.

 

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Cette photo du vieux square aux arbres malingres et aux bancs vermoulus si tu pouvais

 

Ah oui l’ancien square détruit pour laisser place à la gare routière

 

Si tu pouvais sauter dans cette photo de 1973 comme Mary Poppins (Julie Andrews) sautait à pieds joints dans les tableaux dessinés aux craies de couleur par Bert (Dick Van Dyke) sur le trottoir

 

Tu te retrouverais dans le monde de 1973 sous les lampadaires du square maigrichon entre la lune et la pendule de la gare et il y aurait tout près le Picasso bicolore rouge et crème de la voie ferrée qui ferait les gros yeux il y aurait

 

Personne ne serait mort il y aurait ce prodige les tiens tous vivants sous les toits de la petite ville chez eux aux balcons de leurs appartements et de leurs maisons derrière les haies de buis de leurs jardins

 

Chez eux tout près du square une arrière-grand-mère (Clotilde) deux grands-mères (Yvonne et Marie-Rose) un grand-père (Charles) un père (Jean) une mère (Jeannine) une marraine (Geneviève) gamin tu disais ma reine et tu attendais pendant des heures de la voir descendre de l’autorail Picasso traverser la voie et ouvrir le portillon du jardin ils seraient tous là autour du square

 

Une dame encore inconnue d’eux (Gisèle la mère de ta future épouse) calerait son vélo contre un banc avant d’aller rejoindre son mari (Francesco)

 

Dans l’ordre cosmique du square dans son monde lisible les tiens

 

Planètes dans ton ciel étoiles dans ta nuit comme dans les nuits de 1973 où cillait l’ampoule du lampadaire au milieu des branches

 

Le square jadis détruit pour laisser place à la gare routière existe pourtant plus aujourd’hui que la gare routière c’est normal

 

Ce qui n’est pas normal c’est la gare routière où attendent tous ces gens qui ont des têtes à ne pas avoir envie d’aller où les bus les emmènent

 

À coup sûr le diable s’en est mêlé ou alors qui et pourquoi te demandes-tu dans l’ombre des églises en regardant trembler la flamme des cierges

 

(Extrait du poème Paysage / Évasion qui constitue l'une des quatre sections de mon recueil Poèmes du bois de chauffage, © éditions germes de barbarie). Pour Oyonnax et sa région, ce livre est en vente à la librairie Mille Feuilles rue Anatole France, Oyonnax.

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