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12 août 2010

Tu écris toujours ? (56)

maglivres23.jpgConseils à ceux qui croient pouvoir aider un écrivain en difficulté

Cet épisode de TU ÉCRIS TOUJOURS ? illustré par le dessinateur Miege est paru dans le Magazine des livres n°23 (mars/avril 2010)


Lorsque Sir Alfred, le chartreux de mon voisin écrivain, traverse ma pelouse en courant, c’est qu’il est précédé d’une minette véloce et talonné par un rival. Cette scène bucolique revient toujours en d’humides demi-saisons qui ne sont pas encore d’actualité. Or, j’ai pu constater l’autre jour que Sir Alfred, malgré son indéniable maturité, venait tout bonnement de pulvériser son record de vitesse en sortant aussi vite de mon champ de vision qu’il y était entré. Il était suivi par la gouvernante de mon illustre voisin, Madame Tumbelweed, qui, à la différence du matou, sonna à ma porte.

Un tel événement ne survient qu’en période de fêtes, lorsque cette dame qui connaît mon goût pour le canard à l’orange a la gentillesse de m’offrir une portion de celui qu’elle cuisine avec un art — comment dirais-je ? — consommé. Puisque nous ne sommes ni en période d’amours félines ni en période de canard à l’orange, j’en déduisis qu’une situation anormale contrariait les habitudes du chartreux et la retraite paisible du romancier. Ainsi que me l’indiqua Madame Tumbelweed en me demandant de bien vouloir ouvrir mes volets, requête acceptable vers 11h30 du matin, je pus vérifier que plusieurs véhicules bariolés aux enseignes de différents supports de presse écrite et audiovisuelle stationnaient aux abords de la vénérable demeure. « Il y en a même un qui s’est garé sur la tombe de Sacha ! » déplora Madame Tumbelweed (Sacha était le molosse baveux emporté par la vieillesse et par une dépression nerveuse provoquée par l’arrivée au domicile de Sir Alfred). Au fait, avez-vous remarqué que de nombreux chiens s’appellent Sacha mais que très peu de chats se nomment Sachien ? Cette remarque pourtant pertinente si l’on veut bien y réfléchir laissa Madame Tumbelweed de marbre.

L’excellente personne en avait si gros sur le cœur qu’elle ne tarda pas à m’expliquer la raison de ce débarquement de journalistes sous les fenêtres de son employeur.

Mon voisin, auteur d’un best-seller racontant la naissance et la mort d’un amour, se trouvait depuis quelques jours sous le feu d’une accusation de plagiat. La rumeur avait filtré d’internet, coulé dans la presse de caniveau pour se jeter tel le fleuve à la mer dans la presse littéraire qui aurait fait office d’enceinte de confinement sans l’attention toute particulière d’une vieille connaissance de notre auteur choyé par le succès, à savoir : son ennemi d’enfance. Cet arriviste besogneux s’était quant à lui empêtré dans le marigot de la presse régionale où il avait culminé au poste peu envié de directeur départemental au Républicain Populaire Libéré du Centre. Telle une araignée espérant la mouche au fond de sa toile poussiéreuse, l’homme de presse avait guetté pendant des décennies le faux pas pouvant entacher la réputation de l’homme de Lettres qu’il estimait génétiquement programmé pour échouer dans l’existence. « Ces deux-là, ils se détestaient avant leur naissance » , témoigna Madame Tumbelweed qui connaissait bien les deux familles. Elle m’assura que lorsque les deux mamans s’approchaient l’une de l’autre à moins de deux mètres, leurs bébés tambourinaient contre leurs ventres comme s’ils n’avaient de cesse de sortir pour en découdre, ce dont ils ne se privèrent point durant leur scolarité et leurs études puis à leurs débuts communs dans la presse. L’un s’y enkysta, l’autre s’en échappa pour connaître le glorieux destin que l’on sait. « Alors, vous comprenez, cette histoire de plagiat, cette calomnie, c’est pain béni pour ce gredin ! » gronda madame Tumbelweed qui attendait visiblement une suggestion de ma part, un de ces conseils éclairés dont elle me sait prodigue et qu'elle pourrait transmettre à son seigneur et maître.

Pris de cours comme je le suis toujours si l’on me sollicite le matin puis à l’approche du déjeuner mais plus encore pendant le déjeuner et de manière extrême au moment de la digestion et de la sieste, je proposai à Madame Tumbelweed de revenir vers 17h, après le goûter. Je sais bien que je devrais dire « après le thé » pour faire plus chic mais Madame Tumbelweed ne serait pas dupe. D’ici là, je trouverais peut-être le fameux conseil. Pour l’aider à patienter, je lui confiai qu’en ce qui me concernait, en cas de difficulté, j’avais l’habitude de faire le point. Même si cela ne mène nulle part, on peut toujours faire le point, quoiqu’il arrive. Dieu sait pour quelle raison, je la sentis sceptique lorsqu’elle prit congé.

Finalement, l’après-midi passa vite (je me demande bien pourquoi) et, plus étrange encore, Madame Tumbelweed ne revint pas prendre livraison de mon conseil. Cela tombait bien car je n’en avais trouvé aucun. Un seul me vient maintenant à l’esprit : ne jamais oublier que parfois, la seule solution de certains problèmes est l’absence de toute solution.

Retrouvez des épisodes de mon feuilleton dans l'édition en volume de Tu écris toujours ? publié aux éditions Le Pont du Change.

10 août 2010

Jacki Maréchal à Lourmarin (84)

Jacki Marechal vanitas.jpg
Toutes les informations ici

30 juillet 2010

A’ xiste pas !

Chaque année en période estivale, je fais le même rêve éveillé : les grands quotidiens et les magazines qui ont pris l’habitude de réduire leur pagination pendant les vacances en profitent pour aérer un peu la boutique. Les chefs de rubriques sont partis au chaud ou au frais ? Qu’à cela ne tienne, les rédactions ont embauché de jeunes stagiaires. Dans les pages littéraires, ils signent des critiques et des notes de lecture à leur manière. On leur donne carte blanche, oh, pas pour longtemps... Mais tout de même. Puisqu’ils ne sont pas encore blasés et qu’ils sont encore trop jeunes et inconnus pour crouler sous les services de presse, ils nous parlent des livres qu’ils aiment et ne répugnent point à promouvoir quelques ouvrages publiés par de petits voire minuscules éditeurs.

Ce bref courant d’air frais ne dure que quelques semaines mais c’est d’autant plus agréable pour les lecteurs surpris (ô lecteur, ô lectrice, à quelle époque lointaine un journal, un magazine vous ont-ils surpris ?) que la rentrée dite littéraire va bientôt déverser ses centaines de nouveautés dont une partie ne connaîtra de la librairie que l’arrière-boutique avant de repartir encore  blistérisée et empaquetée vers le pilon.

Eh oui, c’est toutes les années pareil. Le rêve n'était qu'un rêve et la réalité, la voici : hier, j’ai reçu Télérama. Rubrique littéraire : trois livres présentés, pas un de plus ! Et à la fin de l’été, à Télérama comme ailleurs, même avec le retour à la pagination normale, ils compteront non pas chaque ligne mais chaque signe, les chefs de rubrique ! Quant à la petite édition : « a’ xiste pas » comme dit Jean Tardieu.