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15 juin 2008

Peser un peu

bougie.jpgVous êtes le premier ce matin te dit le nouveau curé une petite quarantaine peut-être moins en te donnant du feu

D’habitude tu trouves déjà une veilleuse rouge ou bleue pour allumer la tienne mais en ce très sombre matin de la belle saison tu es le premier on finit un jour ou l’autre par être le premier qu’est-ce que ça peut faire

Il a entendu la chute de ta pièce dans le tronc à cause de l’écho dans les chapelles peut-être croit-il que tu as la Foi pour venir de si bon matin signifier aux ténèbres qu’elles n’ont pas encore gagné et qu’après toi viendra quelqu’un d’autre et ainsi de suite jusqu’à ce que s’éteigne sous la dernière voûte la dernière bougie

Dans cette abbatiale de petites flammes taquinent l’ombre depuis le douzième siècle alors

Si le curé entrait dans la grotte primitive de tes pensées il trébucherait là-dessus : pour toi rien n’était le 24 novembre 1958 puisque tu es né le 24 novembre 1959 et un certain 24 novembre encore non écrit rien ne sera de plus que le 24 novembre 1958

Avec ta veilleuse à cinquante centimes tu as l’air d’un ver luisant qui se signale aux confins de l’univers

Dehors sur l’esplanade du grand lac glaciaire le forain laisse trembloter l’enseigne de son camion frites boissons nougats berlingots

Commande-lui un café et un hot-dog histoire de peser un peu sur la Terre


© Éditions Orage-Lagune-Express, 2008.

12 juin 2008

Cachez cet élitisme que je ne saurais voir !

La suppression de l’émission littéraire Le Bateau-Livre de la grille des programmes de la chaîne France 5 suscite à juste titre regrets et réprobation. Frédéric Ferney, capitaine du navire désormais échoué, a envoyé une lettre à ce sujet au Président de la République « juste pour l’informer directement ». C’est du moins ce qu’on peut lire sur le blog de Pierre Assouline, La République des livres. (Oui, tout cela fait beaucoup de Républiques en quelques phrases mais la France compte tellement de présidents...) Je passe sur l’aspect pathétique d’un tel courrier et je précise que ne captant pas France 5, je n’ai hélas jamais vu cette émission sans doute de grande qualité.

Chaque fois qu’on pleurniche sur la disparition d’un programme littéraire à la télévision — une véritable hécatombe ces dernières années, mais qui peut vraiment s’en étonner dans le contexte actuel ? — je pense à la défunte « Qu’est-ce qu’elle dit Zazie », de loin la meilleure émission littéraire jamais programmée sur le service public. Comme toutes ces grandes sœurs, elle était bien sûr diffusée à une heure tardive. Il lui arrivait aussi fréquemment de faire les frais d’une spécialité de France 3, « le décrochage régional », au profit d’importants débats entre élus de terroir « modérés » par des chefs de rubriques en attente de destins nationaux sur des thèmes aussi excitants que l’extension de l’habitat urbain ou l’éclatement de l’habitat rural quand ce n’était pas au bénéfice de basketteurs venus sans prévenir nous infliger leur course à la ba-balle alors même que le générique de l’émission était déjà lancé. Dans le meilleur des cas, on pouvait rallumer le poste une ou deux heures après et retrouver Zazie. Pas toujours.

Le Bateau-Livre s’est vu reprocher son élitisme. On pouvait en dire autant de Qu’est-ce qu’elle dit Zazie ? avec ses reportages sur des fous de littérature sortant des livres et des revues avec des imprimantes, ses portraits d’écrivains tirant à mille ou deux mille, ses virées dans les librairies de province... Vous avez dit « élitisme » ? Et alors, serait-ce un gros mot ?

09 juin 2008

Qu'est-ce qu'un écrivain ?

Dimanche, alors que je sortais de l'église Saint-André de Châtillon-sur-Chalaronne où j'étais allé écouter ma fille jouer de l'orgue (du Clérambault), une jeune femme m'a posé une étrange question : « qu'est-ce qu'un écrivain ? »
Peut-être quelqu'un qui est capable de retenir votre attention, même avec une histoire sans intérêt... ai-je répondu, Flaubert avec Madame Bovary (une bourgeoise qui s'ennuie et qui prend des amants), Nabokov avec Lolita (un homme d'âge mûr qui s'amourache d'une jeune fille ordinaire), Cossery avec Les fainéants dans la vallée fertile (la vie au ralenti d'une famille de paresseux), etc...
Une question sur mon cher Louis-Nicolas Clérambault m'aurait peut-être mieux inspiré.