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21 novembre 2014

Carnet / Ce qui caractérise la tristesse, c’est qu’elle cherche, flaire, piste. Elle veut trouver.

carnet,note,journal,prairie journal,tristesse,écriture de soi,blog littéraire de christian cottet-emard,contrôler la tristesseElle est comme ces maladies qui rôdent sans se déclarer mais qui cherchent le moment, le lieu, l’organe, au cas où. La maladie veut qu’on lui ouvre la porte. Pour la tristesse, la porte est toujours entrouverte au cas où la maladie voudrait rentrer. Je ne devrais pas parler de la maladie en même temps que de la tristesse car on ne s’intéresse plus qu’à la maladie alors que c’est la tristesse qu’il faut surveiller puisque c’est elle qui verrouille ou qui déverrouille pour la libre circulation de la maladie. Que la maladie circule, à la rigueur, c’est ce qu’elle fait toujours dès la naissance de toute créature, du moment qu’elle ne s’installe pas comme dans un fauteuil où elle prendrait ses aises, grâce à la tristesse qui l’invite. 

Contrôler la tristesse, ce n’est pas décider de devenir gai comme un pinson, ce n’est pas « positiver » , ce n’est pas « s’interdire toute pensée négative » , ce n’est pas non plus « s’abandonner à vivre » ainsi que prétend le suggérer un petit auteur bobo à la mode. C’est légèrement plus compliqué que ça, tout de même ! En ce qui me concerne, désolé pour qui lirait ces lignes à la recherche d’une solution, je n’ai rien à vendre comme outil de contrôle de la tristesse. 

Je veux juste témoigner du fait que la tristesse est étrange, fluctuante, plastique. Elle est plus facile à définir au singulier que le bonheur et la liberté qu’on ne devrait écrire qu’au pluriel. Le bonheur n’existe pas, mais des bonheurs sont possibles. Il n’est aucune liberté mais quelques libertés peuvent se prendre. Mais dire « des tristesses » au lieu de « la tristesse » n’aboutit qu’à une préciosité, une élégance, un effet de style

Je me fiche de définir la tristesse (je ne suis pas philosophe et je n’ai jamais rien compris à la philosophie) je voudrais juste la contrôler un peu, l’empêcher d’ouvrir la porte à ces mauvaises fréquentations que sont les maladies.

Je voudrais empêcher la tristesse de me donner envie de sucre avant d’aller me coucher, d’enchaîner trois cigares à la suite alors qu’un seul aura du goût, de rêver de repas de fêtes qui commencent à midi et finissent à minuit, en résumé je voudrais empêcher la tristesse de me donner de drôles d’idées. Je voudrais aussi l’empêcher de me rendre aveugle à ce qui a quand même fonctionné ainsi qu’elle s’y est employée en cette année 2014, une année certes voilée, bâchée, à l’image de son été sombre et muet, mais rachetée par une récente et très heureuse surprise et par un beau voyage. 

Je n’en oublie pas pour autant que, malgré les bonnes fortunes et les hasards heureux, la tristesse veille et clignote, une et multiple comme la lanterne des naufrageurs.

Photo © Christian Cottet-Emard 

17 novembre 2014

Rendez-vous à Pré Nuble (extrait)

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(Extrait de mon prochain recueil de nouvelles. Droits réservés. © CLJ pour cette version, décembre 2014).

15 novembre 2014

Carnet / De la veille et des rêves errants

Autant de mal à me lever qu’à me coucher ce vendredi. Et sous mes yeux qui picotent, le fantôme complice de Pessoa : « Quel grand repos de n’avoir même pas de quoi avoir à se reposer ! » Et plus loin dans son poème : « Grande joie de n’avoir pas besoin d’être joyeux... » Et encore : « Sommeille, âme, sommeille ! Profite, sommeille ! »

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Il est 2h30 et la pluie bat contre les vitres. Ambiance parfaite pour écouter une fois de plus le sombre et majestueux concerto pour piano du compositeur britannique Ralph Vaughan Williams (1872-1958)

Le soir, j’écris dans mon bureau mais cette nuit, je me suis installé sur la table de la salle à manger. Quand j’étais enfant, cette table art nouveau composée d’un grand plateau épais soutenu par un socle en arche inversée était celle de mes grands-parents. Tous les enfants et petits-enfants de la famille se sont nichés dessous, y compris moi bien sûr qui l’utilisais comme une cabane. Elle continue  désormais sa carrière au centre de ma maison posée au milieu des intempéries jurassiennes. 

Derrière la fenêtre, dehors, je vois s’agiter les branches nues et luisantes des frênes sous l’assaut des bourrasques et des trombes d’eau. Le halo du dernier lampadaire du village suffit à révéler le jaune des feuillages d’érables moins prompts que les frênes à se dépouiller. Impossible de sortir fumer un cigare avec ce qui tombe du ciel.

Je devrais m’inspirer de la chatte Linette qui dort sur le coussin de son fauteuil en rotin. Elle rêve. Moi aussi, bien que je sois éveillé. C’est là tout le problème, ces rêves têtus qui errent comme des fêtards aux cravates de travers, pas décidés à se résoudre à rentrer chez eux, dans la maison du sommeil.

Photo © Marie-Christine Caredda, 2014 (chambre de Fernando Pessoa, Lisbonne)