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06 août 2019

À ciel ouvert

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Enfants, la conscience de notre disproportion au monde nous pousse à rêver d’habiter les lieux les plus saugrenus. Qui n’a pas réajusté l’univers à sa dimension en construisant des cabanes, en aménageant des placards et même en s’appropriant un gros arbre creux ?

 

Précaires, rien de ce qui abrite, recouvre, englobe, recèle, en un mot embrasse, n’a échappé à notre élan de conquête. Corolles de tulipes, trous de grillons, coquilles désertées, bauges de sangliers ou caves moussues, tout nous fut recoin de ciel, surtout le grenier craquant de soleil sous la tuile tiédie comme un lézard de pierre.

 

Ne nous arrive-t-il pas de surprendre de temps à autres, nos proches dans les endroits les plus extravagants ? Adultes, nous nous plaisons par exemple, sous prétexte de vérifier la toiture de la maison, à recoller les lambeaux de nos ciels enfantins en dérangeant au détour d’une cheminée notre vieux chat secret chasseur de pipistrelles.

 

L’impossibilité d’habiter nos lieux d’enfance nous conduit cependant à les visiter assidûment. De ces espaces refusés à l’ordinaire des jours, le toit est le plus fréquenté. On raconte ainsi que le grand-père du peintre Marc Chagall s’y réfugiait pour jouer du violon en paix. Voilà pourquoi Chagall a souvent peint dans ses toiles un violoniste sur le toit.

 

Extrait de mon recueil de proses courtes L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988. Droits réservés.

Tableau : Le violoniste bleu, Marc Chagall.

 

02 août 2019

Carnet / Comme un regard lointain derrière un air de guitare.

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Qui est le destinataire d'un livre ? On aurait des surprises si l'on découvrait à qui était adressé tel ou tel chef-d'œuvre. Un vieil amour perdu, des parents disparus, quelqu'un avec qui on n'a pas eu le temps de s'expliquer, un fantôme du passé, un enfant à naître...

 

Je crois qu'un écrivain a souvent de bien mystérieux interlocuteurs et quand cela donne parfois un pilier de la littérature ou simplement un best-seller, ce n'est qu'un accident.

 

J’aime beaucoup cette idée, peut-être fantasque, qu’un grand livre, par exemple une de ces épopées qui font tenir debout une civilisation ou un pays, ait pu éclore tel un arbre millénaire dans les sables d’un modeste chagrin ou dans la nostalgie d’une humble joie.

 

Luís Vaz de Camões a-t-il caché dans ses Lusiades un secret hommage à sa défunte compagne Dinamene ? L’impossible dialogue entre Fernando António Nogueira Pessoa et Ofélia Queiroz trouve-t-il un peu de réparation dans des poèmes qui semblent parler d’autre chose ?

 

Quel visage se cache bien loin de la fortune ou de l’infortune d’un livre comme un regard lointain derrière un air de guitare ?

 

Image : détail d'une vitrine de Lisbonne (photo Christian Cottet-Emard)