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31 mars 2020

Nouvelle / La déroute des uhlans

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Cette fois, la terreur, la désolation, le chaos et la mort étaient à nos portes. On avait signalé les uhlans à quelques encablures. C’était la fin. On ne sortirait plus des ténèbres. On entendait des clameurs, des cris, les galops et les hennissements de leurs chevaux. Le vacarme emplissait la nuit.

Une ombre envahit d’un seul coup le mur en face de moi, un cheval qui se cabrait, et son cavalier avec sa lance. Puis une longue plainte, déchirante, les sanglots, les gémissements de qui a perdu tout espoir et puis, subitement, plus rien. Le silence.

Je me redressai et je vis le château encore debout. De nombreux combattants encombrés de leurs cuirasses gisaient comme des tortues qu’on aurait retournées sur leurs carapaces. Le seul rescapé était le grand cavalier noir.

La longue plainte reprit, plus désespérée, plus lugubre, comme si les voix des victimes des uhlans se joignaient en un choeur funèbre ultime.     

Malgré leur férocité, les uhlans n’avaient pas pu venir à bout du cavalier noir qui les avait tous mis en pièces.

J'avais fini par l'obtenir après les devoirs de vacances du jour, l’arrosage du jardin, le balayage des feuilles mortes dans la cour, le rangement de la vaisselle et pas une seule défaillance dans le lavage des mains avant et après le repas (petit déjeuner compris), avant d’aller aux toilettes et avant d’en sortir, moyennant quoi j’avais enfin pu incorporer le cavalier noir en renfort à mon armée de fantassins en plastique.

© Éditions Orage-Lagune-Express

 

30 mars 2020

Carnet / Haïkus et amuse-gueules

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J’essaie parfois de lire des haïkus mais mes tentatives sont brèves car malgré l’indéniable beauté que l’on peut rencontrer dans cette forme, mon esprit cent pour cent occidental s’adapte décidément mal à cette lecture. Et je ne parle pas des querelles byzantines entre les gardiens sourcilleux de la tradition de composition et ceux qui préfèrent s’en inspirer pour l’adapter librement.

Une brassée de haïkus me fait le même effet qu’un apéritif dinatoire raffiné ou la nouvelle cuisine : après ces amuse-gueules, quand est-ce qu’on passe à table ?

Le haïku ne me nourrit pas.

Cela me rappelle cette soirée commencée dans un restaurant vénitien certes excellent mais dont l’expertise en cuisine légère ne risquait pas de faire culpabiliser les convives soucieux de leur ligne et de leur poids. Sur le chemin du retour à l’hôtel, dans les rues désertes de Venise, j’ai dû imposer à mes compagnons de table navrés quelques détours vers les rares estaminets en train d’éteindre leurs néons où des employés fatigués mais compatissants acceptèrent de me vendre le restant de sandwiches thon-artichaut-oeufs-mayonnaise d’allure un peu flagada mais pas mauvais quand même.

Une fois à l’hôtel, bien après vingt-trois heures, jugeant imprudent d’aborder la nuit sans diluer tout ce pain de mie, je trouvai par bonheur le bar encore ouvert. Mon irruption fit sursauter le barman somnolent en veste blanche et à la cravate noire légèrement de travers. Il me gratifia d’un sourire reconnaissant lorsqu’il constata qu’ayant à peine grignoté de vieilles chips et vidé mon verre de grappa, je n’avais pas l’intention d’en commander deux ou trois autres en lui racontant ma vie.

Quel rapport avec les haïkus ? Lointain, je l’admets.

 

29 mars 2020

Carnet / Après

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1 Tout repart à peu près comme avant et on se dope à l’oubli jusqu’à la prochaine catastrophe ?

2 On maintient un système de société qui est loin d’être le pire tout en s’efforçant d’en combattre et, rêvons un peu, d’en éliminer les dérives et les excès les moins tolérables ?

3 On fait le grand ménage, on change tout et puis on verra bien ?

La solution médiane (n°2) serait à mes yeux la moins pire mais en sera-t-elle pour autant probable ? Bien malin (surtout pas moi qui ne détiens aucune expertise) qui pourrait le dire aujourd’hui. Probablement, nécessité fera loi mais quelle loi ?

L’histoire nous a montré qu’après chaque traumatisme affectant la société entière, s’installent dans l’esprit du commun des mortels des périodes de doute et de morosité plus ou moins longues au cours desquelles les populations choquées, apeurées, inquiètes et méfiantes rasent les murs. Cela survient même si ces périodes sont suivies de rebonds artificiels mais capables de redonner l’illusion de la puissance, de l'insouciance et de la permanence.

Nés après la seconde guerre mondiale, nous faisons partie des premières générations relativement insouciantes à connaître l’expérience d’un danger planétaire à notre porte dont la conséquence la plus immédiate sera, à l’échelle de la société, un état d’anxiété diffuse qui affaiblira nos défenses (je parle ici de la sphère collective).

Cela signifie que dans nos vies privées individuelles, nous serons plus vulnérables que de coutume aux différentes pressions (oppressions) que des dirigeants capables de miser sur une rupture des équilibres sociaux fondés sur les habituels et indispensables rapports de force seraient tentés d’exercer au nom d’une unité nationale bien commode à invoquer dans ce contexte. On le voit déjà dans les mesures annoncées comme provisoires, espérons-le, dans le domaine des droits aux congés et de la durée hebdomadaire du travail. Tous les acquis sociaux âprement disputés et gagnés sont d’une fragilité qui n’en épargne aucun d’entre eux dans aucun domaine de la vie quotidienne.

C’est pourquoi j’ai du mal à critiquer les dirigeants syndicaux qui parlent de grève en pleine crise. Cela laisse certes à désirer sur le plan de la communication mais après tout, un syndicat qui veut et doit être puissant n’est pas là pour faire de la com, il est là pour montrer les dents et pour rappeler qu’il n’est pas question d’abandonner le concept qui maintient la pierre angulaire de toute relation entre individus et entre groupes : le rapport de force le plus équilibré possible quelque soit le contexte. La rupture de cet équilibre certes peu utopique mais rationnel, c’est l’ouverture garantie de la boîte de Pandore. Trop de syndicats réformistes l’ont entrouverte depuis des décennies et on a vu le résultat dans des périodes plutôt calmes si l’on compare avec ces derniers temps.

Aujourd’hui, si j’étais contraint de quitter mon aimable état de fantôme social, ce qu’à Dieu ne plaise, je prendrais ma carte auprès du syndicat le plus dur en prévision des risques qui vont peser sur les acquis sociaux car il y a fort à parier qu’en face, ils oseront tout. Je souhaite ardemment me tromper.

La méfiance voire la défiance sont de règle face aux postures guerrières dont ce pouvoir si faiblement élu, c’est-à-dire si mal élu, nous abreuve. Je suis incapable de faire confiance à un gouvernement pour lequel les mots n’ont pas de sens.

Un président qui se donne des allures martiales en martelant que nous sommes en guerre est un chef qui ne connaît pas le poids des mots ou qui a une idée derrière la tête. C’est inquiétant dans les deux cas alors qu’il devrait s’en tenir aux faits bien assez graves : nous ne sommes pas en guerre, nous sommes confrontés à un événement naturel dangereux et d'ampleur planétaire, ce qui est déjà bien suffisant. Employer improprement le mot guerre ajoute du stress à l’anxiété, une surenchère dont personne n’a besoin en ce moment.