16 septembre 2007
Le poète sort la cage du canari
En cet instant d’un beau septembre où tout est plus bleu que bleu où tout est plus que tout
Tu sors la cage du canari oui c’est amusant d’écrire « tu sors la cage du canari » mais attendez la suite « tu sors la cage du canari dans le jardin » et le canari a l’air de dire « comment ça se fait ? »
En temps ordinaire la cage du canari reste à la cuisine et cela fait quinze ans que ça dure
Aujourd’hui le jardin submerge le canari de la magnificence qui fait l’ordinaire des moineaux
J’écris juste à côté du canari et il se demande ce que je lui veux car il ne peut pas comprendre que je ne lui veuille que du bien comme il ne peut pas comprendre que sa cage se soit déplacée de la cuisine jusqu’au jardin sous le seul prétexte qu’en cet instant d’un beau septembre tout est plus bleu que bleu tout brille plus que ce qui brille et qu’il ne faut pas louper ça
(Ce texte va peut-être tomber un jour sous les yeux de quelqu’un qui va le trouver stupide c’est déjà arrivé stupide certes mais ni plus ni moins que le sort fait sur Terre aux vivants
C’est déjà arrivé au vieux correspondant local du quotidien qui s’est pris jadis en pleine tronche un texte de ce genre et qui a écrit « pourquoi s’abandonner à de vaines rêveries ? »
Parce que les vaines rêveries sont peut-être le sel de la vie parce qu’il n’existe réflexion faite peut-être pas grand-chose de plus intéressant que les vaines rêveries allez savoir)
À moins que le canari ait peur oui il doit avoir peur tu connais les signes de la peur chez le canari cou tendu agitation le canari est routinier et aujourd’hui en cet instant de beau septembre sa routine en prend un coup un sacré coup si l’on en croit les cloches d’un mariage que ce septembre a bien voulu choyer d’une rare lumière de fin d’été vive l’Amour
Le canari aussi est amoureux sa chérie est la cafetière italienne sur laquelle il va se percher direct lorsqu’il sort de sa cage pendant ton petit déjeuner heureusement la cafetière a déjà refroidi et il lui tourne autour se mire dans l’inox et finit toujours par se percher sur le couvercle vive l’Amour
Vive l’Amour vive le jardin « Vive le jardin » est le nom du magasin qui vend les canaris et tout ce qui va avec et bien d’autres choses encore et voilà que parfois les jours comme aujourd’hui quand dehors vaut le détour le canari se retrouve dans le jardin « pourquoi s’abandonner à de vaines rêveries ? » se demande le vieux correspondant de la presse locale qui dodeline de la tête lorsque ce genre de texte lui tombe dessus comme dodeline de la tête le canari quand lui tombe sous les yeux ce qui fait l’ordinaire des moineaux et qui alimente la source inépuisable de tes vaines rêveries
© Orage-Lagune-Express 2007
14:39 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Canari, cafetière, brouillon de texte, note, carnet, journal, blog littéraire
17 août 2007
Progression du chaos
Dans le désert du mois d’août, c’est-à-dire à l’époque où Oyonnax retrouve un semblant du calme d’antan, je pense au chaos.
Paradoxalement, cette pensée vient souvent me rôder dans la tête après un concert. Tel fut encore le cas dimanche soir en sortant de l’abbatiale Saint-Michel de Nantua où le dernier concert d’été du Festival du Haut-Bugey proposait à l’affiche le magnifique ensemble Akadêmia dirigé par Françoise Lasserre.
Avec le programme consacré à Monteverdi, avec la splendeur et la finesse de l’interprétation, on était pourtant loin du chaos, de surcroît dans le cadre harmonieux de l’abbatiale dont l’architecture millénaire porte le chant, la basse continue et le plus ténu des effleurements de corde jusque dans le moindre recoin des chapelles. Mais c’est en me laissant emporter par cette musique, en un de ces rares moments où l’on se souvient que la civilisation existe encore, que je mesure le degré de terrible vulnérabilité au chaos auquel m’expose mon époque. Mais sans doute dois-je préciser ma pensée et parler plutôt des manifestations du chaos. Oh, rien de spectaculaire, pas de visions d’Apocalypse mais peut-être quelque chose d’aussi redoutable : la banale laideur, la quotidienne et méthodique dégradation de notre environnement sonore, visuel, olfactif. Rugissements de motos, pétarades de cyclomoteurs bricolés exprès pour cela, voitures-boîtes de nuit, vulgarité brutale de l’architecture contemporaine, puanteur du diesel. Et pour oublier tout cela, pour essayer désespérément de s’en laver, deux petites heures d’une musique qui nous arrive des confins de la Renaissance aux débuts du Baroque, temps glorieux de l’Occident spirituel... Sans vouloir idéaliser ces époques lointaines bien dures pour le commun des mortels, comment échapper au vertige lorsqu’on mesure l’écart entre l’aristocratie de l’esprit qui favorisait l’épanouissement de cette musique et de tous les autres arts et la « médiocratie » de ce début du XXIème siècle où le vacarme de tous les moteurs, amplificateurs, radios et télés assiège en toute impunité les derniers jardins du recueillement et du rêve éveillé ?
Dimanche, point de moteur de moto déchirant le silence qui fait partie intégrante de la musique, seul l’angélus s’est invité dans le message poétique de Monteverdi. Une chance, car je ne compte plus le nombre de concerts au cours desquels l’épaisseur des murs des églises et des chapelles ne parvenait plus à garantir une protection suffisante contre l’insidieuse progression du chaos.
18:03 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Carnet, concert, Monteverdi, Akadêmia, Nantua, musique, festival Haut-Bugey
24 septembre 2006
Kilomètres au compteur et contact (humain)
Étrange semaine.
Mon garagiste : "Les autos, c'est comme les gens, il y en a qui durent longtemps, d'autres non."
Moi : "Les gens, c'est comme les autos, ils vont vite et dans le mur."
Mon institutrice de l'école primaire : " Quel est ton souvenir d'école le plus marquant ?"
Moi : "Quand vais-je être puni et pourquoi."
Les jours où je suis de mauvais poil, je ferais mieux de choisir une marche en forêt plutôt qu'une promenade en ville. De plus, avec les sangliers, on se comprend.
11:15 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : carnet, journal intime, notes