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03 novembre 2017

Carnet / De l’impossibilité de ronchonner

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J’aime beaucoup ronchonner parce que c’est bon pour la santé. Je ne m’en prive ni sur ce blog ni dans mon quotidien mais parfois, cela devient difficile voire impossible lorsque la vie fait des cadeaux.

Comment ronchonner quand l’arrière-saison est douce, quand le spectacle de la nature où se trouve nichée ma maison est un enchantement, quand l’aube et le crépuscule rivalisent dans des mauves qui défient la palette du plus fou des peintres et quand je n’ai qu’à lever les yeux vers ma fenêtre pour en profiter à ma guise car, cerise sur le gâteau, j’ai tout mon temps pour moi ?

Alexander Paley, Froberger, Roland Furieux : quand l’initiative culturelle privée vient à la rescousse.

L’offre culturelle locale publique en concerts classiques s’est effondrée ? Qu’à cela ne tienne, le privé prend la relève : après le récital du grand pianiste Alexander Paley invité à Nantua à l'initiative de Mireille Sourieau-Ecoiffier et de son époux Robert voici quelques semaines, deux concerts oyonnaxiens rien que ces derniers jours et non des moindres : l’avant-dernière partie de l’intégrale des suites pour clavecin de Froberger donnée par Olivier Leguay chez mon ami le peintre et auteur Jacki Maréchal dans son atelier et une mémorable soirée proposée la veille de la Toussaint chez mes amis Marie et Bernard Grasset dans leur maison avec l’ensemble Le Ridotto qui offrait au public un épisode du poème épique Le Roland Furieux de l’Arioste avec Florence Grasset (soprano), Dana Howe (luth) et Nicolas Hémard (récitant).

Ces trois artistes ont une telle connaissance de leur répertoire et une telle maîtrise de leurs spécialités respectives qu’ils parviennent en une heure à nous transporter dans cet univers à la fois si lointain et si proche de la Renaissance italienne. L’ouvrage était présenté dans la traduction de Mellin de Saint-Gelais et de Jean-Antoine De Baïf, ce qui permettait au public de mesurer l’art du récitant Nicolas Hémard, notamment dans la diction du vieux français.

L’ensemble Le Ridotto, sous la direction de Nicolas Hémard, revisite la littérature italienne. Grâce à son effectif adapté à l’intervention dans un petit espace, on peut le solliciter pour organiser des concerts à domicile, ce qui permet de renouer avec la tradition ancienne des salons de musique et de littérature, une aubaine si l’on réside comme moi dans une province où les saisons officielles de spectacles n’en finissent plus de décliner.

Par les temps qui courent, aussi bien en musique qu’en littérature, en spectacle vivant ou dans mon domaine, l’édition, je suis persuadé que l’initiative privée à destination de publics restreints peut offrir d’intéressants débouchés aux artistes et aux auteurs attachés à l’exigence et à la qualité.

Photo : hier devant chez moi (photo prise par Marie)

 

07 mai 2014

Carnet / Des contrastes

Une sombre soirée de grand vent et de pluie ce mardi, comme en automne. Lumières allumées et flambée dans la cheminée dès 19h ! La chatte Linette a tenté une rapide sortie mais elle n’a pas insisté et a regagné ses quartiers dans l’une des chambres. J’écoute en ce moment le Quintette pour piano et vents (flûte, clarinette, cor et basson) de Nicolaï Rimsky-Korsakov.

La veille, lundi, j’ai profité de l’unique belle, très belle journée pour caser la première tonte de l’année entre deux périodes de pluie car si je laisse le pré partir en foin, c’est à un paysan avec son tracteur qu’il faut alors s’adresser pour faucher. C’est ce qui s’était produit la première année de mon installation dans cette campagne. Quel contraste en tous cas entre les quatre heures consécutives de tonte ce lundi dans les parfums et les chatoiements de mai et ce soir obscur.

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La journée avait pourtant commencé par une de ces aubes somptueuses dans la nature sauvage autour du petit crêt sur lequel s’ouvrent les volets de ma chambre. Je me raccroche à ce spectacle en pensant à celles et ceux qui ouvrent le matin leurs volets sur une bretelle d’autoroute. Je vois cela quand je circule en voiture à Lyon sur des rocades, quasiment sous les fenêtres de certains immeubles. Comment en est-on arrivé à trouver normal que des gens puissent habiter en de tels lieux ? Il me faut conserver ma conscience de chaque instant de la chance que j’ai de vivre en pleine nature et d’avoir le temps d’en profiter, même en période de vague à l’âme. Mais ainsi va la nature humaine, plus on a plus on est exigeant.

Après cet automne et cet hiver de grande tristesse, je dois veiller à me recentrer sur ce qui m’a toujours tenu la tête hors de l’eau : lire, écrire, écouter de la musique et me protéger à l’intérieur de l’espace privé, le seul où j’ai vraiment ma place en ce monde. Là encore, je dois toujours garder à l’esprit quel luxe cela représente à mon âge et dans ma situation quand tant de gens sont confrontés sans alternative possible à un contexte social et professionnel de plus en plus calamiteux.

J’ai entendu à ce propos dans un débat un analyste qui a très justement déclaré : « nous sommes passés de l’économie de marché à la société de marché. » Réfléchir un instant à cette dérive effrayante résumée en un constat aussi simple permet d’en mesurer les conséquences funestes dans tous les domaines pourtant si précieux des relations humaines, avec de lourdes implications dans la vie familiale, amicale et amoureuse.

Ainsi que le disait déjà en substance Pasolini à son époque, ce que le fascisme n’a pas réussi à faire, le capitalisme débridé et la société de consommation à outrance l’ont imposé en quelques décennies. Il semble aussi que la société de consommation ait désormais cédé la place à la société de  « consumation » .

 

Photo : mardi 6h. En ouvrant les volets à l'aube, chez moi. (photo prise par Marie)

22 février 2013

Passage de l’élégie

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Vasques et platanes à la clé de ce chant

Enfin les temples les arènes avaient fini par en mourir tandis que brasillaient dans les collines les buissons noirs de souvenirs

Puis après des années d’épines une parole en flamme en l’arbre sombre de mémoire

Les derniers ciels de ce pays accompagnaient au nord l’absent

Un orage dormant par les ifs et les vignes l’avait brouillé avec son ombre en lui léguant le goût des asperges sauvages dont les saveurs ouvrent la faim


Note : toujours en hommage au peintre Gabriel Guy récemment disparu, ce texte datant de la fin des années 80 (légèrement remanié aujourd'hui) paru dans mon recueil Le Pétrin de la foudre (éditions Orage-Lagune-Express, 1992). Pour cette édition, Gabriel Guy avait encarté le tournesol reproduit ici avec un assemblage différent de deux couleurs pour chaque exemplaire de tête. Il s'agit ici de l'encartage de mon exemplaire personnel avec la dédicace de l'artiste : « Premier livre ensemble et le deuxième ? Amitiés - G. Guy » .