14 juin 2013
La deuxième personne du singulier
Toi qu’on fit débarquer sur Terre sans te demander ton avis sous le nom de Christian Claude Louis Cottet-Emard tu t’aimes un peu beaucoup à la folie mais pas passionnément
Tu t’adresses à toi à la deuxième personne du singulier pour te sentir moins seul lorsque tu es obligé d’emmener ton ombre dans des lieux absurdes
Tu ne te remets pas du déclassement économique qui frappa bien avant ta naissance tes familles paternelles et maternelles et te déposséda d’un agréable destin d’oisif petit bourgeois formé aux seules bonnes manières
Tu es un occidental de culture catholique baptisé agnostique non militant ordinaire d’une intelligence moyenne à tendance médiocre
Tu n’es pas et ne souhaites pas être un héros parce que la vie est courte et incompréhensible
Tu penses qu’une vie qui ne serait faite que d’obligations et de devoirs ne vaudrait pas la peine d’être vécue
Tu n’as rien à faire d’un chef-d'œuvre qui ne t’apporte aucun plaisir
Tu n’as pas un rapport solennel à l’écriture
L’aventure du poème n’a rien à voir avec une sortie entre copains d’ailleurs tu ne pratiques pas la sortie entre copains
Tu t’étonnes toujours quand quelque chose fonctionne
Être convaincu n’est pas dans ta nature
Tu l’as compris rien n’est sérieux tout est tragique
Tu as peur du loup
Le loup peut avoir peur de toi car tu as peur de lui
Il ne faut pas te déranger quand tu manges il ne faut pas te manger quand tu déranges
Tu as un petit côté fleur bleue quand tu as bien mangé
Tu aimes avoir les oreilles froides
Tu détestes lacer tes chaussures
Tu n'es pas sûr d'être vivant avant dix heures
Tu t'intéresseras à la politique le jour où plus personne ne couchera dehors sans en avoir envie
Tu aimes être propre et sentir bon même si ton âme est grise
Tu ne comprends pas grand-chose aux femmes mais elles t’inspirent plus confiance que les hommes parce qu’elles t’ont fait
Tu aimes rire boire manger fumer des cigares aller au concert à l’opéra être amoureux parce que la tristesse durera toujours
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013
02:05 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : autoportrait, estime-toi heureux, récit des lisières, blog littéraire de christian cottet-emard, note, carnet, journal, tristesse, cigare, opéra, boire, manger, amoureux, rire, humour, occidental, agnostique, culture catholique, loup, fleur bleue, baptisé, écriture, copains, sortie, nature, femmes, âme
01 juin 2013
Manège
Qu’est-ce que ces arbres pour lesquels dirais-tu pour qui tu n’es jamais parti étranger pourtant en ton pays natal
Arbres-mondes que tu croyais éternels comme l’enfant peut croire éternel ce qui était là avant lui
Le coup de vent de 1999 a couché le sapin dont la graine a germé au dix-huitième siècle
La foudre a fracassé le grand érable comme un amour tardif fend l’homme d’expérience
Un petit avion rouge t’emmenait aux cimes de sept platanes dans l’odeur des berlingots
Il n’en reste aujourd’hui que trois près de l’église cernée par un parking payant
Les autos qui tournaient en rond ont été remplacées par des vraies qui ne vont guère plus loin et le pompon ne donne plus droit à un tour gratuit
Mais il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants
Photo : années soixante. Ma plus belle auto.
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013 (texte et photo).
23:42 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manège, vogue, fête foraine, saint léger, église saint léger, auto, avion, sapin, arbre, érable, tempête de 1999, tempête du siècle, pompon, tour gratuit, platane, berlingot, récit des lisières, estime toi heureux, poème, poésie, littérature, souvenir, note, croquis, journal, carnet, éditions orage lagune express, droits réservés, copyright, années soixante
02 mai 2013
Journée parfaite d’un enfant craintif à la fin des années soixante du vingtième siècle
Tu zigzagues entre les platanes du boulevard provincial dans l’éclaircie mauve sous les nuages odorants du soir
La classe n’a laissé aucune trace jamais la maison n’a été si proche si grande et si solide
Tu entends souvent le jardin donne la lune renouvelle
Tu penses clairement comme il est rare à cet âge tout va bien moi-même et mes proches avons encore longtemps à vivre
Aujourd’hui est une journée parfaite comme on s’en rappelle n’importe où et n’importe quand
Demande aux gens que tu connais s’ils se souviennent d’une journée parfaite comme ça pour voir
Photo : la lune dans les branches vue de chez moi l'autre soir.
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013. Droits réservés pour texte et photo.
00:37 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, carnet, note, journal, souvenir, journée parfaite, boulevard, province, maison, jardin, lune, blog littéraire de christian cottet-emard, éclaircie, copyright, droits réservés, estime-toi heureux, recueil, éditions orage-lagune-express