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07 décembre 2020

Carnet / VGE à Oyonnax

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Toute la rédaction de l’agence d’Oyonnax avait été mobilisée et chacun avait sa tâche. La mienne était de couvrir avec un collègue le dîner républicain qui avait lieu le soir de la visite présidentielle au hall des expositions (aujourd’hui Valexpo) et de rédiger des échos, c’est-à-dire des sortes de potins supposés divertissants mais surtout destinés à faire passer la pilule de ce genre d’actualité aussi digeste que le kloug de Monsieur Preskovic dans le film que vous savez.   

 

Le dîner républicain regroupait des élus et des brochettes de notables auxquels un menu assez rustique était servi. Le repas était ponctué de leurs interventions et bien sûr de celles du principal invité dont il était de bon ton de boire les paroles entre la poire et le fromage, en l’occurrence une barre de comté qu’on lui laissait à peine le temps de mastiquer (c’est l’image qui m’est restée allez savoir pourquoi...).

 

J’avais un peu plus de vingt ans et pour moi qui ne votais même pas à cette époque, ce genre de soirée me faisait bâiller d’ennui, certes intérieurement mais énormément bâiller. Dans ces cas-là, muni de mon discret magnétophone Sony, je me mussais dans un coin et je laissais la machine écouter à ma place, un réflexe de survie intellectuelle dont je dus abuser quand je devins, au fil des années, coutumier de ces micro-sommeils aussi gênants pour moi que pour mes interlocuteurs lorsque je devais interviewer des personnalités politiques ou m’entretenir avec elles.

 

À l’agence le lendemain du dîner républicain, j’utilisai ce qui pouvait l’être des bandes enregistrées et l’idée me prit d’ajouter à mes échos un petit billet personnel que je jugeai conforme aux recommandations de mes chefs toujours soucieux de coller à la locale, comme ils disaient.

 

Je ne trouvai donc rien de mieux que d’écrire une vanne établissant un rapport fumeux entre l’activité locale de pose des similis, ces brillants de pacotille intégrés aux ornements de coiffure et autres articles de la production oyonnaxienne et la fameuse affaire des diamants de Bokassa.

 

Lorsque mon chef d’agence eut la bonne idée de lire ma copie, ses longs cheveux et sa barbe semblèrent traversés par un courant électrique dont l’intensité produisit un sonore Mais t’es fou !!!

 

Je ne dirais pas qu’il avait complètement tort mais en ces années 80, curieux mélange de grisaille et de paillettes, des fous, le métier en regorgeait, et il me fallut pas loin d’une décennie pour le quitter. Comme l’avait bien noté mon amie Marie-Ella Stellfeld en me tirant le portrait dans son roman Plastic instinct, j’allais encore promener mon look triste de jeune curé (l’uniforme du journaleux de ces années-là) dans bien des galères de la locale, cette province de papier où tout le monde est président de quelque chose.

 

Sur ce souvenir, bonne nuit, ou plutôt : « au revoir » .

 

01 décembre 2020

Leur vrai visage

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C'est quand même fort de café de se retrouver dans un monde où la gauche de la gauche bouffeuse de curé défend le service militaire obligatoire et la pire des religions.

(À propos de Mélenchon partisan du service militaire obligatoire).

 

19 octobre 2020

L’enseignement de la langue arabe à l’école : une fausse bonne idée.

enseignement,école,enseignement des langues,politique,société,éducation nationale,cultureBien que je sois opposé à l’idée d’enseigner la langue arabe à l’école, surtout dans le contexte actuel (ce que j’appelle le contexte actuel recouvre en gros les vingt dernières années), je reconnais que j’ai été touché par l’argument étayant l’idée du gouvernement, idée selon laquelle cet enseignement dans le cadre de l’école de la République éviterait d’en abandonner le monopole aux religieux. L’argument est indiscutablement de poids. Il s’inscrit cependant dans notre logique occidentale tout à fait honorable qui tente de résoudre les problèmes de manière pragmatique mais qui n’est pas forcément partagée par ceux qui ont une approche idéologique ou religieuse.

 

On peut aussi voir dans cette idée généreuse et, je le répète, surtout pragmatique, une volonté officielle d’envoyer encore un signe d’apaisement pour répondre aux tensions intercommunautaires, ce qui est en théorie une bonne chose (le rôle d’un gouvernement démocratique est de maintenir la paix sociale tout en restant ferme sur la défense inconditionnelle de ses valeurs) mais qui relève aujourd’hui d’un numéro d’équilibriste très complexe et surtout très risqué. Est-ce encore et toujours à nous d’envoyer des signes d’apaisement qui ne trouvent en réponse que plus de revendications, plus d’intolérance et plus d’intimidation ? Comment croire encore que ces mains tendues ne sont pas interprétées comme des aveux de faiblesse et des signes de soumission ?

 

Se pose aussi la question délicate du contrôle et de la maîtrise de cet enseignement au sein même de l’Éducation nationale qui, depuis des décennies, ne parvient même plus à donner à bien des élèves un niveau satisfaisant en langue française !

 

 

Mais à ces trois objections, je considère qu’il s’en ajoute une autre, peut-être la principale.

 

Pour illustrer mon propos, j’ai choisi de me référer à un article publié en 1989 dans la revue Le Croquant n° 6 signé R. Chamcham intitulé La littérature arabe de langue française. Dans ce texte, le chercheur franco-marocain explique le processus d’installation de toute une génération d’écrivains arabes au sein de la langue française. Il écrit notamment :

 

« Qu’est-ce qui fait écrire les écrivains arabes en langue française ?

Pour commencer, je placerai mon analyse sous le signe de la temporalité. Au sein de la langue arabe — langue sacrée, car étant celle du Coran, texte inimitable — le roman est un genre littéraire récent, puisque son apparition date d’environ un quart de siècle.

C’est là, me semble-t-il, un des principaux aspects de l’exil des écrivains arabes. La langue arabe est une langue sacrée. Langue intouchable et intouchée, dont la temporalité déborde la périodisation ; sa rhétorique strictement codifiée impose une certaine beauté rituelle mais ne réserve aucune surprise. Sur le plan instrumental, je dirai que le sujet subit un “ état de langue ” dans laquelle la croyance conditionne la lettre. La question a d’ailleurs été soulevée par Mustapha Safouan, lors de la traduction arabe de la Traumdentung (L’Interprétation des rêves) où Freud ramène le paradis à un fantasme infantile. Dite en langue arabe cette expression est blasphématoire et relègue celui qui la prononce au rang des mécréants.

Plus que dans tout autre langue les termes arabes sont truffés de connotations religieuses. Il n’existe pas de terme pour signifier l’hérésie. Le premier qui soit apparu est celui de bid’a, qui veut dire innovation, plus précisément toute doctrine ou pratique non attestée du temps du Prophète. Celui-ci proclame dans un de ses hadiths :

“ Les choses les pires sont celles qui sont des nouveautés ; chaque nouveauté est une innovation, chaque innovation est une erreur, et chaque erreur mène au feu de l’enfer ” .

L’essentiel de l’accusation de bid’a n’était pas d’abord qu’elle était fausse ou mauvaise, mais qu’elle était nouvelle, qu’elle faisait infraction aux usages, à la coutume, au respect renforcé par la croyance dans la finalité et la perfection de la révélation musulmane.

La doctrine occidentale du droit de désobéissance à un mauvais gouvernement est étrangère à la pensée islamique. Le sujet a un devoir d’obéissance complète et indiscutable envers l’iman. Étymologiquement, Islam signifie obéissance et soumission. [... ]

 

Plus loin dans son analyse, R. Chamcham explique :

 

« Écrire en langue arabe devient écrire sous le regard constant de Dieu.

En adoptant la langue française, les écrivains arabes, tel Moïse quittant l’Egypte, vont franchir la limite qui départage encore aujourd’hui le licite de l’illicite au sein de la langue arabe afin d’écrire autrement. En s’extrayant de la langue du Coran, les écrivains arabes vont opérer une extraction de son enveloppe religieuse. Cette sortie hors des frontières de la langue d’origine sera aussi une sortie hors des slogans et des mots d’ordre ; “ voyage linguistique ” , elle se fera hors des systèmes de mentalisation du groupe d’origine. Véritable hérésie, elle représente une révolution qui fait passer de la soumission “ musulmane ” à l’insoumission, d’un espace linguistique clos à un espace infini. Transgressant l’interdit de la représentation, l’écrivain arabe va passer par palier à l’écriture alphabétique, le français va le doter de nouveaux “ mots pour le dire ” .

 

Je m’appuie donc sur ces deux extraits de l’analyse de R. Chamcham pour justifier mon désaccord avec l’idée d’enseigner la langue arabe à l’école de la République parce qu’une telle initiative revient à mon avis à ouvrir malencontreusement à des esprits libres le chemin inverse qu’ont dû suivre des esprits entravés dans l’expression de leur créativité. Il est aujourd'hui plus que jamais inopportun de courir ce risque.