07 octobre 2020
Carnet / Le point où j’en suis (notes en désordre). Volet 1 : mon rapport à la politique.
Contrairement aux apparences, la politique ne m’a jamais beaucoup intéressé et cela continue. Cependant...
Issu de la première génération qui n’a jamais connu de conflit militaire, j’ai vécu la majeure partie de ma vie dans le monde bipolaire opposant les systèmes communistes et capitalistes parvenus tous deux à un niveau d’armement leur interdisant mutuellement toute guerre directe. L’Europe a pu ainsi échapper à son destin de champ de bataille des grandes puissances tandis que la France devenait elle-même une puissance nucléaire.
Il en a résulté quelques décennies (à chacun d’en apprécier le nombre en fonction de son âge, de son expérience et de son ressenti personnel) de relative tranquillité dans les pays développés, ce qui a favorisé une parenthèse inédite d’insouciance pour les générations apparues dans ce contexte. De ce fait, la confrontation politique qui succède toujours aux conflits armés s’est déplacée de la ligne de front idéologique au terrain économique et social. Clausewitz disait que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens tandis que Foucault inversait la proposition en déclarant que la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens.
Dans ces conditions, depuis la seconde moitié du vingtième siècle, il était tout à fait possible de vivre une vie sans politique jusqu’à s’abstenir de voter puisqu’au fond, le choix proposé entre un centre gauche et un centre droits (blanc bonnet, bonnet blanc) ne pouvait que faiblement mobiliser un individu appartenant au large spectre de la classe moyenne longtemps majoritaire dans les démocraties représentatives des pays riches, y compris si cet individu se trouvait en bas de l’échelle de cette même classe moyenne hélas aujourd’hui bien rétrécie.
Malheureusement, la politique revient aujourd’hui par le plus inattendu des canaux, celui de la religion et pas n’importe laquelle, celle qui pose un redoutable problème aux démocraties puisqu’elle en conteste non seulement le fonctionnement mais en encore le fondement et l’existence. Depuis ce qui précéda la seconde guerre mondiale, l’Occident se retrouve ainsi pour la première fois aux prises avec un système politico-religieux totalitaire déterminé (comme le fut le nazisme) à combattre son mode de vie, ses institutions démocratiques (certes perfectibles mais qui ont le mérite d’exister) et sa culture.
C’est ce constat qui m’a conduit, à défaut de m’engager dans quelque parti que ce soit, à ne plus pouvoir ignorer la politique et à ne plus jamais envisager de voter pour la gauche, y compris la gauche centriste, ainsi que cela a pu m’arriver parfois dans le passé. Cela ne fait pas pour autant de moi un homme de droite ou d'extrême droite, même si mes opinions en matière de sécurité et d’ordre public ne m’ont jamais permis d’adhérer aux idées de la gauche qui a une écrasante responsabilité dans le péril où nous nous trouvons aujourd’hui face à un nouvel épisode de l’offensive du plus archaïque des fanatismes religieux.
Cet affrontement séculaire entre deux cultures irrémédiablement incompatibles a connu dans l’histoire et sur le continent européen des phases éruptives et des périodes de stabilisation. Nous sommes hélas de nouveau entrés dans une phase éruptive et si nous ne pouvons nous considérer officiellement en guerre malgré les attaques sur notre sol (environ 260 morts la plupart civils sur le territoire national en quelques années) nous ne sommes à l’évidence plus tout à fait en paix.
Malgré la timide et récente tendance à sortir du déni de cette réalité qui commence seulement à s’exprimer dans les discours officiels trop longtemps verrouillés par le clientélisme électoral, le politiquement correct et la récurrente technique d’intimidation de la gauche consistant à dénoncer toute pensée différente ou opposée à la sienne comme réactionnaire ou carrément fasciste, le combat est encore long avant que les démocraties du vieux continent n’affirment à nouveau leur légitime autorité sur les entreprises (au sens guerrier du terme) des différentes factions plus ou moins minoritaires mais bruyantes et agissantes cherchant à déclencher une forme de guerre civile.
Je pense qu’une partie considérable de ce combat se joue sur les réseaux sociaux, ce qui m’a conduit depuis quelques années à ne plus me contenter de les utiliser comme simple support de diffusion de mes activités et travaux littéraires. Ainsi que je m’en suis souvent expliqué sur diverses tribunes, l’expression politique sur les réseaux sociaux n’a pas pour but de convaincre mais de maintenir tant qu’il est possible l’existence et la visibilité d’un débat qui parvient de moins en moins à se tenir ailleurs, ni au sein de la collectivité ni même dans la sphère privée où il est devenu impoli d’aborder, même entre amis, peut-être surtout entre amis, ces sujets dits sensibles qui sont pourtant au cœur de notre avenir et en particulier celui de nos enfants et petits-enfants.
Les conséquences de ma volonté de défendre et d’illustrer des idées en opposition souvent frontale avec une majorité de mon environnement social artistique, intellectuel et parfois amical majoritairement de gauche (je ne sais pourquoi) n’ont pas tardé, ce qui non seulement ne me surprend pas mais encore me réjouit. Bien que je laisse le plus souvent la porte ouverte, je ne crains pas que des gens plus ou moins proches s’éloignent en silence et que des relations récentes ou virtuelles se dissolvent comme une mayonnaise qui ne prend pas.
Les amitiés de vingt, trente et quarante ans résistent, c’est le principal. Il n’est ni grave ni triste de perdre des amis, surtout pour des raisons de divergences d’opinions, parce que si vous les avez perdus ou s’ils vous ont perdu, c’est qu’ils n’étaient pas des amis. J’aime que le ménage et le rangement se fassent tout seuls et pour conclure provisoirement cette page de carnet sans doute un peu trop solennelle sur une note plus légère, je dirais que je n’ai pas été biberonné pour rien à Merlin l’enchanteur de Walt Disney !
00:29 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carnet, note, journal, autobiographie, opinion, humeur, le point où j'en suis, politique, polémique, blog littéraire de christian cottet-emard, merlin l'enchanteur, réseaux sociaux, société, débat, péril, démocratie en danger, occident, choc des cultures, conflit, résistance, culture, avenir
18 mai 2020
Carnet / Qui a peur de l’autobiographie ? (2)
Porto, juin 2015
La défiance vis-à-vis de la littérature autobiographique se nourrit de préjugés politiques et psychologiques. J’évoquerai les premiers dans le billet d’aujourd’hui et les seconds dans une autre publication dans quelques jours.
Cette défiance s’inscrit dans ce que j’appelle les nouveaux conformismes qui ne sont que la répétition à l’opposé des anciens selon des successions de cycles plus ou moins longs facilement comparables à des effets de mode. De la mode, ces usages de prêt à penser ont la futilité. Sans en dresser un inventaire fastidieux à travers les siècles, on peut se contenter d’observer la période révélatrice comprise entre l’avant et l’après mai 68.
Le genre littéraire autobiographique a toujours existé, seul diffère le regard porté sur lui au gré des différents contextes historiques et sociaux.
Avant la grande libération de parole qui a caractérisé mai 68, s’exprimer à titre individuel, donner son opinion, raconter sa vie, se raconter, relevait de prérogatives voire de privilèges consentis à une élite intellectuelle et artistique vaguement considérée comme excentrique. Pour le commun des mortels, la norme et les usages dictaient la discrétion et la mesure dans l’expression de soi, ce qui conduisait l’individu à se brider lui-même pour éviter de se détacher du groupe. Dans la société encore très corsetée de l’époque, cette exigence était considérée comme une forme élémentaire de civilité voire de politesse.
Le pli était donné dès la socialisation des enfants, en famille, notamment dans les milieux bourgeois, puis sur les bancs de l’école. Il suffit de regarder les photos de classe de ces années pour mesurer le poids de conformisme qui s’abattait sur les visages de la plupart des écoliers. Ce n’était certes pas grand-chose en comparaison des décennies précédentes où les sourires étaient presque toujours absents de ces photographies scolaires, l’atmosphère s’étant déjà un peu détendue au début des années soixante.
J’étais à l’école primaire privée Sainte Jeanne d’Arc d’Oyonnax au milieu de ces années et je me souviens que nous avions parfois le droit d’évoquer rapidement une expérience personnelle lors des leçons de morale qui tenaient lieu d’instruction civique. En dehors de ces brèves parenthèses, on était prié de garder pour soi toute idée, réflexion, humeur ou émotion ne relevant pas de la sphère collective. Il en allait évidemment de même dans le monde des adultes.
Le grand soir vite remisé au magasin des accessoires, mai 68 ouvrit tout de même une fenêtre dans la valorisation de l’expression personnelle. Dans l’enseignement comme dans les entreprises, l’individu était encouragé à donner son point de vue, ce qui n’était plus vécu par la hiérarchie comme une impolitesse ou une inconvenance mais comme une volonté positive de s’impliquer avec plus d’enthousiasme et de spontanéité dans l’action collective.
C’est à ce moment qu’apparut en littérature ou tout au moins dans l’édition la vogue du témoignage ouvrant à nouveau la voie sur les différentes formes d’écriture autobiographique qui donnèrent encore plus tard des sous-genres tels que l’autofiction. Cette dernière contribua très vite à déconsidérer de nouveau l’autobiographie renvoyée une fois de plus à son insignifiance supposée.
Du point de vue politique, la frustration provoquée par l’échec du grand soir convergea en une radicalisation des courants idéologiques révolutionnaires ou simplement réformistes, lesquels ayant d’abord cru pouvoir tirer parti d’une libération du discours populaire spontané, finirent par renvoyer cette parole individuelle à l’inutile et méprisable expression du narcissisme petit-bourgeois désigné comme une entrave à la contestation et à la lutte contre l’ordre établi qui venait de se reconstituer en se contentant de lâcher un peu de lest.
En littérature, l’écriture de soi faisait désormais plus que jamais l’unanimité contre elle en étant aussi bien rejetée par l’ordre bourgeois que par le dogme révolutionnaire. La boucle était bouclée et cette vision fait aujourd’hui consensus.
On n'admet d’un auteur qu’il choisisse de puiser dans sa vie le matériau de ses livres qu’à la condition que son vécu individuel s’inscrive dans le courant du grand récit collectif ou dans la défense et l’illustration des valeurs en vogue, de préférence politiquement correctes ou correspondant aux standards de la posture rebelle qui remplace de nos jours la véritable action subversive.
Cette pression morale qui fait peser tant de suspicion sur l’autobiographie est tout à fait dans l’air du temps. Elle a même produit un conditionnement psychologique dont je décrirai certains aspects dans quelques jours, en suite des deux premières parties de cette série.
(À suivre)
Première partie à lire ici.
02:39 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, autobiographie, écriture autobiographique, récit, blog littéraire de christian cottet-emard, culture occidentale, individualité, individu unique et irremplaçable, fiction, narration, écriture, occident, autofiction, narcissisme, égocentrisme, nombrilisme, complaisance, ego, wolf, mémoires fictifs, jim harrison, littérature américaine, christian cottet-emard, politique, psychologie, préjugés, mai 68, grand soir, libération de la parole, discours, révolution, contestation, ordre établi, bourgeoisie, dogme révolutionnaire, école, enseignement, oyonnax, ain, rhône alpes auvergne, haut bugey, france, europe, école jeanne d'arc oyonnax, école privée, leçons de morale, instruction civique
15 mai 2020
Carnet / Bribes en vrac de mon café du commerce
Aujourd’hui, je vais donner un peu dans le café du commerce.
Rappel : le café du commerce est un espace virtuel de discussion où l’on s’exprime sur des sujets variés et vastes sans détenir pour autant des expertises ou des compétences attitrées. C’est la raison pour laquelle on estime que le café du commerce n’est pas très bien fréquenté voire mal famé.
Quel que soit le sujet abordé, rien ne justifie ou n’excuse les propos de café du commerce, même si ce sujet concerne absolument tout le monde comme par exemple l’actuelle pandémie dont les conséquences mettent notre organisation sociale et nos vies personnelles sens dessus dessous.
Voici donc un sujet, notre santé, notre vie, qui nous concerne tous, individuellement et collectivement, à propos duquel toute analyse et toute opinion non validées par des experts sont considérées comme relevant de ce peu reluisant café du commerce. Comprenons de ce fait que vous et moi, issus de la multitude ignorante, du commun des mortels, n’avons pas autorité et vocation à nous exprimer sur ce qui nous appartient pourtant en bien propre et commun : notre vie, notre santé et, pendant qu’on y est, nos libertés. Il ne nous reste donc que cet obscur estaminet ; alors va pour le café du commerce !
Le mien pourrait s’appeler Café du centre car politiquement parlant, je suis plutôt centriste mais vu l’inconfort qu’il y a de nos jours à revendiquer cette posture, ce serait plutôt À l’entre deux chaises. Je dois en effet le préciser, le c... entre deux chaises, c’est l’histoire de ma vie, qu’il s’agisse de mes origines sociales, de ma conscience politique (faible) de ma localisation géographique et de bien d’autres broutilles encore.
L’entre deux, c’est partout et nulle part, l’endroit idéal où ne pas faire carrière, où ne pas se faire facilement publier, où ne pas garder beaucoup d’amis, surtout ceux de fraîche date, notamment ceux de gauche qui vous croient de droite et ceux de droite qui vous croient de gauche et qui préfèrent un jour ou l’autre, pour cette raison, prendre discrètement leurs distances, ce dont je leur suis reconnaissant tout en leur réservant (bien sûr à titre symbolique) la même réplique dont le personnage incarné par Philippe Noiret dans le film Coup de torchon gratifie cette sorte d’amitié.
À force de me vautrer dans l’introduction et de m’égayer entre les parenthèses, voilà que j’ai perdu le fil, ce qui arrive souvent au café du commerce, surtout lorsqu’on cause politique !
Blague à part, j’y reviens donc à la politique, car cette façon qu’a le pouvoir de nous faire dire par les experts à sa solde qu’il ne nous appartient pas de discuter de nous-mêmes et de ce qui nous concerne au premier chef, notre santé, notre vie, nos libertés, rend l’air du temps étouffant, irrespirable. Et ce n’est pas l’adoption de la Loi Avia qui va contribuer à assainir l’atmosphère.
Ce pouvoir mal élu dérape et sa gestion de la crise sanitaire révèle son vrai visage : en lieu et place d’une véritable autorité, un autoritarisme technocratique producteur d’usines à gaz et de contraintes incohérentes sous prétexte d’égalitarisme hypocrite et mensonger.
Si l’on ne se laisse pas enfermer dans l’idéologie et les opinions partisanes, on peut tout à fait faire crédit d’erreurs et de cafouillages à un gouvernement confronté à une crise d’une ampleur inédite. On pouvait d’autant plus y être disposé lorsque Macron a déclaré que la santé fait partie des services qui doivent échapper aux lois du marché. On se souvient aussi de son « quoi qu’il en coûte » plusieurs fois martelé. Bien que sans estime et sans confiance envers ce président, j’ai pensé en entendant ces déclarations inhabituelles qu’il était peut-être en situation d’adopter la stature d’un véritable homme d’État.
La suite a vite dissipé ces illusions avec deux décisions impardonnables à mes yeux : le maintien des élections municipales à un stade avancé et connu de la pandémie et la rentrée prématurée dans les établissements scolaires à la fin du confinement pour à peine quelques semaines avant les vacances alors qu’il était sage, prudent, et, en plus, opportun d’un point de vue politique, d’attendre septembre.
Les conséquences sanitaires de la première de ces décisions n’ont pas tardé, en premier lieu pour certains de ceux qui ont eu la mauvaise idée d’aller voter et qui se sont en plus engagés dans l’organisation et le déroulement du scrutin. On tremble de connaître la suite pour la deuxième de ces décisions cyniques.
Non, décidément, toute cette équipe au pouvoir aujourd'hui, plus jamais eux.
03:28 Publié dans carnet, NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, café du commerce, politique, opinions, pandémie, crise sanitaire, gouvernement, état, blog littéraire de christian cottet-emard, santé, vie, libertés, cinéma, coup de torchon, philippe noiret, film, christian cottet-emard, amis, amitié, entre deux, idéologie, pouvoir, loi avia, élections municipales, rentrée scolaire, société, nouvelles du front, gauche politique, droite politique, centre politique