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03 juin 2014

Carnet / Sous le couvercle

L'autre jour, avec Marie et une amie, nous sommes allés dîner à l'auberge du lac Genin. Ces repas tout simples que nous prenons souvent là-bas sont très bénéfiques pour mon moral fluctuant. Cet endroit est le seul où je trouve encore du charme aux soirées de printemps confisquées par les nuages.

 

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Les jours suivants, je me fais violence pour accélérer mes chantiers d’édition et lutter contre ma manie de rétention de manuscrit. Dès qu’un projet se précise, je me débrouille pour le ralentir et je n’arrive pas à comprendre pourquoi, même si la protection juridique de tous mes écrits (avec laquelle je ne badine pas) explique en partie ma lenteur dans les envois de copie.

Malgré tout, les résultats sont là : une nouvelle à finir pour boucler un ensemble constitué et déposé de longue date, trente feuillets rédigés d’un trait en deux jours d’un roman vite bouclé si je continue à ce rythme, deux recueils de poèmes à mettre en ordre, un volume de journal à sélectionner et les illustrations d’un carnet de voyage en Italie à choisir, sans compter un véritable réservoir d’ouvrages commencés et déjà menés loin mais à la rédaction volontairement différée.

Plus le temps de m’éparpiller. J’ai récemment accepté quelques ouvrages en services de presse dont l’un à paraître le 12 juin pour lequel j’écrirai un article. Je dois juste veiller à rester très sélectif.

N’ayant toujours pas trouvé le sommeil à deux heures l’autre nuit, j’ai écouté au casque la symphonie concertante de William Walton (1902-1983). J’aime beaucoup l’œuvre de ce compositeur et je suis fasciné par sa vie. Il est sorti de l’université sans diplôme, a été entouré et financièrement soutenu pendant dix ans par Édith, Osbert et Sacheverell Sitwel qui formaient un cercle artistique, ce qui lui a permis de s’adonner librement à la composition. Après une carrière de compositeur alternant musiques de films et grandes œuvres (dont certaines de circonstances) Walton, devenu Sir William Walton, a passé les dernières années de sa vie avec son épouse Susana dans une grande propriété au milieu d’une somptueux jardin de flore subtropicale sur l’île italienne d’Ischia.

Ce voyage au soleil sans retour du grand compositeur britannique  me parle car ce qui me mine en ce moment, hormis les tristesses au long cours liées aux événements de la vie privée, c’est le manque de lumière et de chaleur, le climat pourri du Jura, de l’Ain et de l’ensemble des régions où je vis.   

Pas un jour sans ce couvercle de nuages gris au-dessus de la tête. Quelques éclaircies fugaces et retour pendant des heures d’un ciel à peine digne d’un mois d’avril. Quant à la température, juin est commencé depuis deux jours aux soirs desquels j’ai allumé deux flambées dans la cheminée! L’idée de vendre et de partir vers plus de lumière, bien qu’illusoire, me traverse souvent l’esprit, surtout quand je pense à cette saleté de neige envisageable dans cinq petits mois.

Mais les déplacements ne résolvent rien car lorsque la grisaille s’installe dans la tête, on la transporte partout avec soi. Et puis, combien en ai-je vu revenir piteusement, parfois après des années, de mes amis et connaissances, qui sont partis sans avoir été conscients que ce qu’ils voulaient fuir se trouvait vissé dans leur tête.

« Qu’ils voyagent donc ceux qui n’existent pas » écrivait Fernando Pessoa.

 

Photo : le lac Genin le soir, vue de l'auberge (photo Marie)

02 novembre 2013

En deuil des vivants

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sur son office de ténèbres,
pour épouser ses deuils.

Mais la prière se mesure
à l’absence, à l’énigme,
au récit d’un été.

Les voûtes n’ont pas pu tenir
le retour d’une joie ancienne.
La nuit alourdit de pétales
la veillée des faux morts,
ceux dont l’oubli ne veut.

Variante (novembre 2013) d’un poème extrait de mon recueil Le Pétrin de la foudre, © éditions Orage-Lagune-Express, 1992.

21 octobre 2013

Carnet du difficile retour : au secours, Fernando !

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Chaque jour, je me heurte à des détails piteux qui révèlent crûment l’atmosphère confinée de ces provinces et de ces bourgades : les routes balisées de rubans de plastique aux couleurs d’une course de vélo pendouillant des semaines après l’épreuve, les rues et les vitrines au garde à vous dans l’uniforme bicolore des tapeurs de ballon, les panneaux commémoratifs, informatifs et autres potences électroniques proliférant dans une hystérie d’affichage inversement proportionnelle à la vérité et à la qualité du discours et qui, en prime, défigure et confisque l’espace public.

Partout la communication qui remplace l’information, « la com » comme ils disent, avec ses valets payés pour énumérer sur une grotesque panoplie de drapeaux et de fanions accrochés à tous les carrefours et giratoires les qualités qu’une ville  proche de chez moi n’a précisément pas...
J’en deviendrais presque nostalgique de la bonne vieille langue de bois qui vise à la rétention d’information face à celle qui lui succède aujourd’hui et qui tend non plus à retenir cette information mais au contraire à la déverser pour y ensevelir ses destinataires.

À qui éprouve un malaise diffus devant ce déballage sans trop savoir l’analyser ou en avoir le temps, un conseil : lire de la poésie, le seul antidote au lent poison de la fausse parole qui s’élabore, s’écrit, s’imprime et s’affiche sur d’onéreux supports agrémentés d’images léchées au frais du contribuable. Je ne dis pas que cela peut conduire au Grand Soir mais au moins réconforter celles et ceux qui veulent encore garder les yeux ouverts.

Au secours, Fernando !