02 août 2019
Carnet / Comme un regard lointain derrière un air de guitare.
Qui est le destinataire d'un livre ? On aurait des surprises si l'on découvrait à qui était adressé tel ou tel chef-d'œuvre. Un vieil amour perdu, des parents disparus, quelqu'un avec qui on n'a pas eu le temps de s'expliquer, un fantôme du passé, un enfant à naître...
Je crois qu'un écrivain a souvent de bien mystérieux interlocuteurs et quand cela donne parfois un pilier de la littérature ou simplement un best-seller, ce n'est qu'un accident.
J’aime beaucoup cette idée, peut-être fantasque, qu’un grand livre, par exemple une de ces épopées qui font tenir debout une civilisation ou un pays, ait pu éclore tel un arbre millénaire dans les sables d’un modeste chagrin ou dans la nostalgie d’une humble joie.
Luís Vaz de Camões a-t-il caché dans ses Lusiades un secret hommage à sa défunte compagne Dinamene ? L’impossible dialogue entre Fernando António Nogueira Pessoa et Ofélia Queiroz trouve-t-il un peu de réparation dans des poèmes qui semblent parler d’autre chose ?
Quel visage se cache bien loin de la fortune ou de l’infortune d’un livre comme un regard lointain derrière un air de guitare ?
Image : détail d'une vitrine de Lisbonne (photo Christian Cottet-Emard)
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02 avril 2017
Saudade
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23 janvier 2016
Carnet / Des notes en désordre et d’un tueur lent
Lueurs incertaines des jours et des nuits. Les samares, fruits secs des frênes avec une seule aile dont les amas bruns évoquent des trousseaux de clefs, continuent de pendre aux branches en hiver. Par temps de givre, ils grésillent au moindre souffle d’air. Au redoux, le vent les agite et les frênes ont l’air de chuchoter entre eux mais je suis arrivé à un âge où je sais désormais que, comme les humains, ils n’ont pas grand-chose à se dire.
Difficultés avec la technique, l’habileté manuelle, les calculs élémentaires, l’esprit pratique. Ce sont ces manques qui m’ont poussé à choisir l’écriture au lieu de la musique ou de la peinture. Mais je travaille tous les jours à accepter cette incapacité, cette limite, et même à aimer cette incompétence puisqu’elle est malgré tout ma vie. Je connais d’ailleurs tant d’individus doués de talents variés et multiples qui ont une existence mille fois moins douillette et facile que la mienne.
Tous ces gens qui aiment souffrir au nom de grands principes et de belles idées, ils me fatiguent. Je suis las d’assister au cortège de leurs mortifications, à l’accélération de leur course au néant.
Mon destin ne consiste peut-être en rien d’autre qu’à vivre dans cette maison au milieu de la campagne et à ne pas participer, même au plus humble niveau, à ce à quoi participent les gens dits normaux. « Certains plantent, d’autres récoltent » ai-je souvent entendu dire quand j’étais enfant. Alors sans doute mon destin est-il d’habiter cette maison, cette campagne, ce lieu tant désiré et si difficilement obtenu par mon défunt père, et de me contenter d’y vivre facilement, à ma mesure, oublié de celles et ceux qui ont tenté de me comprendre sans y parvenir puis qui se sont éloignés faute de mieux parce qu’aucun autre choix n’était possible, ni pour eux ni pour moi.
Parfois dans la rue, des visages d’anges et, derrière, des paquets de névroses, une batterie de vieilles gamelles psychologiques qui s’entrechoquent dans le chaos.
Un jour, je vais finir par devenir le personnage secondaire d’une fiction impubliable.
Ce qu’on nomme aujourd’hui « musique » et « poésie » , si c’était autre chose ?
La plupart du temps, nous ne nous apercevons pas que nous vivons un moment fort de notre existence. Quand nous en prenons conscience, il est déjà trop tard pour le vivre encore mieux. Ce n’est déjà plus qu’un souvenir, un fantôme hyperactif qui ne nous laissera plus de répit.
Le chagrin est un tueur lent.
Photo CC-E
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