06 février 2023
Carnet
Écrire revient pour moi à penser la nuit aux ciels de la journée et le jour aux ciels de la nuit. C’est une activité qui relève de la nostalgie de certains rêves éveillés bien que je ne sois pas moi-même quelqu’un de systématiquement nostalgique ou obsédé par les rêves, un état d’esprit qui s’apparente un peu à la saudade sans que je sois pour autant sûr que ce mot portugais impossible à traduire en français définisse au mieux cet étrange processus.
Vu de ma fenêtre, ces dernières semaines.
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19 janvier 2023
Carnet / Bob, lunettes, moustache et clarinette
Dans les années 80, pour une raison professionnelle, c’est-à-dire pour une raison idiote, je devais séjourner quelques jours à Paris, cette ville que je n’aime pas. Un soir avec des collègues, nous traînions un peu la savate je ne sais même plus dans quel quartier, une sorte de boulevard mais sans arbres.
Une voiture de police venait de stopper une auto minuscule dont s’extirpèrent au moins six passagers dont le conducteur, un grand type dégingandé déguisé en panthère rose suivi d’un autre de la même stature en costume de marsupilami (je ne me souviens pas des autres déguisements).
J’observais les rigolos présenter leurs papiers aux policiers quand les collègues me pressèrent de descendre un escalier abrupt et sombre aboutissant à la porte d’entrée de ce que je pris au début pour un salon plus ou moins privé garni de fauteuils et de canapés assez cossus. C’était en fait un petit club de jazz enfumé à la clientèle clairsemée en ce soir de semaine.
Nous nous installâmes pour boire un verre servi par un barman courtois à la voix feutrée. Les musiciens jouaient en sourdine lorsque le barman jeta un regard vers la porte d’entrée et les interrompit. Il éleva un peu la voix : chers amis, nous avons un visiteur de marque.
Les clients applaudirent aussitôt. Coiffé d'un bob, un petit homme moustachu au regard pétillant derrière de larges lunettes et au sourire discrètement jovial apparut, muni d’une clarinette. Il se joignit aux musiciens, joua quelques morceaux, salua gentiment, but un verre et prit congé en toute simplicité, toujours sous les applaudissements.
C’était Marcel Zanini qui vient de nous quitter. Je ne le connaissais que pour son tube Tu veux ou tu veux pas ? et Ça balance terrible mais il était surtout, plus encore que chanteur, un excellent clarinettiste (et saxophoniste), ainsi que je le découvris lors de cette étrange soirée. Moi qui avais passé la journée de mauvaise humeur, j'ai encore à l'esprit, si longtemps après, la sensation de détente, de sérénité et de légèreté qui m'enveloppa après le passage sur scène de ce bon génie de la clarinette magique.
02:24 Publié dans carnet, Hommages | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : christian cottet-emard, blog littéraire de christian cottet-emard, musique, hommage, carnet, note, journal, rencontre, jazz, clarinette, chanson, tu veux ou tu veux pas ?, marcel zanini, clarinettiste, paris, club de jazz, années 80, saxophone, saxophoniste, ça balance terrible, chapeau bob
16 janvier 2023
Carnet / Dix ans sur les réseaux sociaux : mon bilan provisoire.
Il m’est utile, en ce début d’année, de faire le point sur mon expérience des réseaux sociaux, notamment Facebook où je suis inscrit et actif depuis 2013. L’idée à l’origine de mon inscription était d’établir un lien permanent avec mon blog créé en 2005 afin d’augmenter sa visibilité par l’interaction entre les publications sur les deux supports, ce qui s’avéra efficace.
Petits malentendus sans importance
J’ai commencé à utiliser internet, en particulier le circuit des blogs, pour promouvoir mon activité littéraire en priorité. L’extension à Facebook n’était au début que la continuité de ce processus. Dans un second temps, j’ai ouvert cet espace toujours principalement dédié à la littérature à des interventions plus politiques, ce qui m’a amené à un constat amusant : les personnes qui se sont au début rapidement ajoutées en nombre à ma liste de contacts étant en majorité issues de la gauche culturelle parce qu’elles me croyaient de leur bord en raison de mon activité littéraire ont été surprises ou déçues de mes positionnements politiques (je précise que je ne suis inscrit à aucun parti même si le sinistre épisode du passeport vaccinal m’a rapproché de certains d’entre eux). Parmi ces gens, quelques-uns m’ont fait part directement de cet étonnement et de cette déception, en un mot de leurs reproches auxquels je n’accorde évidemment aucune importance.
Je m’attendais donc à voir ma liste de contacts rapidement et drastiquement réduites mais rien de tel ne se produisit. Au contraire, je gagnai même en diversité d’opinions et de personnalités. Il y eut certes quelques rares départs (rapidement compensés par de nouveaux arrivants) mais je serais bien incapable de les identifier. À partir d’un certain nombre de contacts, dès qu’on arrive à plusieurs centaines, on peut difficilement savoir qui s’en va, sauf s’il s’agit de personnes proches et très actives sur vos pages.
Une expérience inédite
Contrairement à ceux qui sous-estiment la portée et l’intérêt des réseaux sociaux par réflexe corporatiste (les journalistes encartés, j’allais dire officiels mais ceci est en train de devenir un pléonasme dans une presse largement subventionnée), par dédain relevant souvent du mandarinat (de nombreux universitaires — on se souvient du raccourci entre le comptoir de bistrot et internet de feu Umberto Eco, intellectuel pourtant brillant mais pas à l’abri des réductions hâtives et à l’évidence peu documentées), par crainte voire panique (les politiques et les responsables d’organisations syndicales qui perdent le contrôle de leurs sympathisants et adhérents), je considère quant à moi ces réseaux sociaux comme des médias à part entière, comme un phénomène de société extrêmement important et comme une expérience d’auteur totalement inédite dans l’histoire de la publication et des rapports entre auteurs et éditeurs. Petite parenthèse, j’ai la même analyse en ce qui concerne les plateformes d’édition personnelle (notamment celle d’Amazon que je considère comme la meilleure) parce qu’elles suscitent aussi la condescendance et la crainte des maisons d’édition et de tous les représentants de la bien nommée « chaîne du livre » , tous ces détenteurs de monopoles ayant bien compris la concurrence redoutable déjà à l’œuvre à leur encontre.
Pourquoi pratiquer les réseaux sociaux ? …
Revenons essentiellement aux réseaux sociaux. Comme tous les outils, les résultats dépendent de la manière dont on s’en sert et surtout du but recherché. Personnellement, je n’y suis pas forcément pour me faire des amis mais pour informer le public de mes activités littéraires et bien sûr de la parution de mes livres. Dans le domaine politique, je n’y suis pas non plus pour convaincre la foule d’individus qui ne pensent pas comme moi (ni bien sûr pour être convaincu par eux) mais pour contribuer à l’existence d’un débat contradictoire qui ne s’exerce plus dans la majorité des grands médias, le véritable objectif étant plutôt de m’adresser aux indécis, à ceux qui cherchent à se faire eux-mêmes une opinion au spectacle (c’en est un) des contradictions, des disputes voire des affrontements entre interlocuteurs et adversaires.
… Et pourquoi y rester ?
C’est sur ce dernier plan que j’entame désormais une réflexion sur ma pratique actuelle des réseaux sociaux, surtout Facebook qui est celui où l’on argumente et écrit encore. Avant de m’expliquer sur ce point précis, je rappelle que je distingue trois phases dans l’évolution du comportement sur Facebook : celle des débuts, la première, où l’on se regroupe, la seconde où l’on dialogue, où l’on échange, et puis la troisième, celle où l’on renonce aux deux premières en se contentant de tenir sa position. À ce stade, pourquoi rester ?
La question se pose d’autant plus lorsqu’on se retrouve, comme moi, avec une liste de contacts aux trois quarts constituée de personnes avec qui l’on est si peu d’accord que l’on s’en tient désormais à un silence prudent, à une sorte de réserve plus ou moins hostile qui finira un jour ou l’autre par une radiation de la liste de contacts ou, de manière plus sournoise, par l’utilisation de quelques procédures techniques offertes par Facebook pour, en toute discrétion, exclure quelqu’un ou s’exclure soi-même pour éviter ainsi de « virer » brutalement ou de partir en claquant la porte. On peut par exemple configurer pour cesser de voir les publications de quelqu’un en les masquant provisoirement pendant un certain temps. On peut sélectionner les personnes de la liste de contacts qui pourront voir ou non ce que vous publiez sans que ces gens s’en rendent compte. Il m’arrive (certes rarement) de procéder ainsi ; et j’imagine bien qu’on puisse me réserver le même traitement. Personnellement, je « vire » très rarement car je préfère que le « ménage » se fasse tout seul. Parvenir à ce stade de réflexion indique-t-il que les limites de l’outil du réseau social sont atteintes ? Peut-être.
Des ondes à la toile : espoirs, déceptions et limites
Cette éventualité me ramène à une de mes anciennes expériences médiatiques, celle liée à la fin du monopole d’État de diffusion sur la bande FM en 1981, un événement vécu comme un progrès considérable grâce auquel les radios pirates devinrent des radios libres. La mesure semblait ouvrir de belles et vastes perspectives propices à la démocratisation de la culture, à la liberté d’expression, au débat, à la créativité, à l’échange social, à la vie associative, autant de bienfaits qui décidèrent le jeune homme de vingt-deux ans que j’étais à m’investir en produisant et en animant assez longtemps des émissions culturelles hebdomadaires.
Hélas, la déception se révéla à la mesure des espoirs suscités, la plupart des radios libres à véritable contenu rédactionnel ayant peu à peu dérivé vers l’adoption de programmes stéréotypés pour finir par se faire supplanter par des radios essentiellement commerciales du genre de celles qu’on entend désormais déverser leurs décibels, leur matraquage publicitaire, leurs rengaines débiles et leur musique d’ascenseur dans les supermarchés et les salons de coiffure.
Mettre à disposition des populations un puissant outil d’expression et de communication ne signifie pas que ces mêmes populations aient forcément le désir de s’en emparer ou d’en faire un usage créatif. Des ondes à la toile, à plus de quarante ans d’intervalle, l’histoire semble vouloir se répéter…
15:23 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réseaux sociaux, facebook, internet, toile, web, blogs, promotion littéraire, politique, discussion, débat, polémique, dialogue, échange, société, médias, blog littéraire de christian cottet-emard, édition, publication, carnet, notes, journal, christian cottet-emard, articles, presse, radio, radios libres, modulation de fréquence, bande fm, ondes, expérience médias