21 mai 2012
Carnet d’après concert au crépuscule
De retour du concert donné dimanche en l’église d’Arinthod par l’organiste Véronique Rougier, la chanteuse soprano Hélène Fassel-Lombard et la flûtiste Élisabeth Kwiatowski qui ont interprété Boismortier, Van Eyck, Haendel, Hanff, Bach et Telemann, j’ai parcouru tranquillement les paysages de cette région jurassienne dite de Petite Montagne qui dépasse les limites de mon territoire habituel. Je trouve le son de l’orgue Gonzales d’Arinthod un peu mat mais c’est sans doute parce que mon oreille s’est habituée aux sonorités des instruments que je fréquente régulièrement.
Arrivé sous mes frênes au crépuscule, j’ai profité de l’absence de vent pour fumer un petit Partagas dans d’idéales conditions hygrométriques et au milieu des effluves de lilas et d’aubépine. Dans le pré derrière la maison, hors du halo de l’éclairage public dont le dernier lampadaire est comme un gros bonbon à l’orange sous le couvercle mauve foncé des nuages, quel étrange soir de mai tout de même avec ce ciel de Toussaint, cet air humide et tiède, les grillons, les disputes des pies et des corneilles et le coucou au loin, comme si les saisons prenaient fantaisie de se mélanger pour en former une nouvelle pendant quelques jours.
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18 mai 2012
Carnet de l’Ascension
En ce moment après minuit, le vent agite les frênes, disperse les effluves des lilas et secoue les volets. Inutile d’allumer un cigare dans ces conditions. Le gros chat vagabond s’est sans doute réfugié dans une de ses cachettes et Tigrette, la jeune chatte qui s’est installée dans la maison à Noël après la disparition subite de sa mère, est rentrée se coucher à l’étage comme à son habitude. Le vétérinaire qui l’a stérilisée et vaccinée estime qu’elle est née en octobre dernier. Comme elle n’apprécie guère le vent, je n’ai pas eu besoin de l’appeler longtemps avant de verrouiller la maison. Hier soir, elle a regardé avec circonspection un hérisson grassouillet qui finissait les restes de la gamelle du gros chat semi-sauvage qu’il est hélas hors de question de laisser pénétrer dans la maison.
Cet après-midi, j’ai fumé un Bundle et relu les notes et annexes d’un recueil de trois nouvelles humoristiques et mélancoliques à paraître en septembre en écoutant des pièces extraites de Selva morale e spirituale de Claudio Monteverdi, notamment les Gloria, Adoramus et Beatus vir (par les Arts Florisssants, direction William Christie, dans la collection Musique d'abord chez Harmonia Mundi) qui me mettent littéralement en joie malgré les vieux chagrins propres au commun des mortels.
En relisant les trois nouvelles, je me suis encore vaguement interrogé sur ce curieux destin que je partage avec tant d’autres de manière totalement déraisonnable, qui consiste à vivre avec des personnages inventés. Je me suis même amusé à en dresser une liste improvisée, désordonnée, probablement incomplète, issue de plusieurs de mes ouvrages et que je j'intègre à cette page de carnet, histoire d’en rajouter un peu dans l’étrangeté heureusement pas encore trop inquiétante :
Mes personnages
L’enseigne de vaisseau Mhorn (Preben Mhorn)
Samia
Marius
Le libraire Bartholomé
L’homme qui sent la patate
Effron Nuvem
Le petit gros
L’employé assassiné
Graziella
La jeune fille aux sandales de sable
Louis
Helga
Prune (Anita)
Le promeneur noctambule
L’adjudant Kaiser
La marchande de fruits et légumes
La prostituée
Ricardo
Rozana
La vieille dame (tante Martha)
Le chauffeur de la Rolls verte
La jeunette
L’africain vendeur ambulant de bimbeloterie
Marius le Bernois
Tante Marcia
Fortunat
Madame Tumbelweed
Le chat Sir Alfred
Le voisin écrivain
Alma Lorenz
Le major
L’ordonnance Gildo (Ermenegildo, Ermé)
Ange Consagude (Patron de bar)
Le narrateur écrivain en panne
Rosalba Damparo
Judith
Blandine Desblanche
Le capitaine de police Varan
La jeune brocanteuse Orane
Le rédacteur Antoine Morasse
Le chef d’agence du journal
L’auteur
Earl Lediable
Le gros chien noir
La vieille Jacinthe
Le maire
Le garde-champêtre
L’organiste Edgar Portevent
Antoine Cafardo (désinfection, dératisation)
Le diacre Maximin Bedon
Le pharmacien Adolphe Hénol
Le professeur Alastair Bang (entomologiste)
La gouvernante
La remplaçante de la gouvernante
Le correspondant de presse ivrogne
Le jeune serveur mélancolique
Andrade
Julius
Le poète Alvaro Alvarez
Et dire qu'on me croit solitaire !
Photos : autoportrait avec Tigrette qui adore l'ordinateur, hérisson indifférent au flash, autoportrait au Bundle.
02:07 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carnet, blog littéraire de christian cottet-emard, personnages, fiction, roman, nouvelle, littérature, édition, écriture, chat, vent, frêne, arbre, cigare, bundle, hérisson, lilas, monteverdi, selva morale e spirituale, arts florissants, william christie, harmonia mundi, musique d'abord
08 mai 2012
Carnet de la gauche et de la droite
Arrivé très en avance à l’audition d’orgue et de chant dimanche 6 mai à Châtillon, j’ai déjeuné d’une chiffonnade de jambon cru et d’un verre de Valpolicella près de l’église Saint André, flâné sur les rives de la Chalaronne en grignotant du chocolat, fumé un Partagas Mille Fleurs et écouté des œuvres de Charpentier, Monteverdi, Dandrieu et Bach.
Au retour, dans le soir ensoleillé sur les petites routes de Bresse, j’ai été surpris de constater que parmi tous les arbres ayant revêtu leur feuillage, les frênes sont aussi en retard que dans ma campagne du haut-Jura où ils commencent à peine à déployer quelques prudentes folioles. Bien que les frênes attendent parfois juin pour s’habiller, je trouve étrange que ceux de la Bresse présentent le même dépouillement que leurs semblables jurassiens alors qu’on peut observer plusieurs semaines de décalage entre « les printemps » de ces deux régions.
En allumant la télévision dès mon retour à la maison, j’ai vu apparaître le portrait du nouveau Président de la République. Je n’attends rien de plus de cet épisode que de celui du 10 mai 1981, date à laquelle je m’étais égaré dans la foule parisienne en liesse alors que je tentais de rentrer dans ma province après une semaine de stage au salon du livre ou de la papeterie, je ne sais plus. Je me souviens juste de nos équipées sauvages dans les allées de ces deux salons, avec certains camarades de promotion de l’Institut de Promotion Commerciale, d’où nous avions fini par nous faire signaler en tant que personæ non gratæ, malgré nos revers fièrement badgés, en raison de notre énergie à collecter des sacs remplis à ras bord « d’échantillons » pour un usage qu’on devinait plus personnel que professionnel.
Avec mon plateau télé, pour échapper à la logorrhée des journalistes, des notables et des piégés au micro-trottoir, je me suis régalé d’Hibernatus, film opportunément choisi par la troisième chaîne pour illustrer le proche destin de l’ancien Président et de toute sa bande.
La politique étant presque hors-sujet dans ces carnets, je n’ai qu’une image fugace à retenir de ce soir d’élection télévisé, celle d’une très jeune femme n’ayant connu que la droite au pouvoir et qui exprime son espoir, ce qui est bien normal, après la victoire de François Hollande. Elle me rappelle une étudiante née en 1981 qui, voici quelques années, m’avait confié son vote par procuration et qui m’avait déclaré tout net éprouver de l’espoir après n’avoir rien connu d’autre que le règne de Mitterrand. Lors de ce scrutin, j’avais fait cette curieuse expérience d'arriver au bureau de vote avec un bulletin pour la gauche (le mien) et un bulletin pour la droite.
Comme beaucoup de monde, je place quant à moi depuis longtemps mes espoirs ailleurs qu’en politique même si je me réjouis de constater que la droite et sa vision désespérante de la vie consistant à ne voir en chaque individu que le concurrent de l’autre (comme dans le sport) peut encore chuter lorsqu’elle tire trop sur la corde. Comment cette droite-là peut-elle en effet demander sans cesse à la classe moyenne qui rétrécit, aux populations qui se précarisent et aux jeunes de plus en plus fauchés de se serrer la ceinture, de consentir à toujours plus « d’efforts » et de « sacrifices » alors que le marché du grand luxe ne connaît pas la crise et qu’il ne s’est jamais vendu autant de yachts ? N’est-ce pas cette simple question qui, à l’avenir, plus que tout le verbiage des analystes politiques, peut nous permettre, espérons-le, de distinguer encore notre gauche de notre droite ?
02:18 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : droite, gauche, carnet, politique, élection, élection présidentielle, scrutin, françois hollande, frêne, chatillon sur chalaronne, bulletin, vote, ain, jura, rhône-alpes, orgue, chant, charpentier, monteverdi, bach, dandrieu, chocolat, partagas, cigare, mille fleurs, chiffonnade, jambon, valpolicella, vin, mitterrand, 10 mai 81, 6 mai 2012, blog littéraire de christian cottet-emard