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14 février 2020

Le resto qu'il faut (cela vaut aussi pour la Saint-Valentin).

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La matinée se terminait lorsque la porte de la chambre s’ouvrit brusquement. Un jeune gars au physique de taurillon traversa la pièce en boitillant et jeta son sac sur le lit le plus proche de la fenêtre. Il s’assit, inspecta nerveusement les lieux et demanda avec un fort accent méridional : « tu crois qu’on aura des frites à midi ? »

Louis répondit d’un haussement d’épaules. Dès lors, le type ne s’arrêta plus de parler, rendant toute lecture impossible. Il raconta qu’il était de Marseille, qu’il avait subi un claquage en crapahutant et qu’il allait être réformé lors de la commission suivant celle de vendredi. « Quand je serai sorti, j’emmènerai ma copine au resto. Et pour Noël aussi. » Pour ne pas avoir à répondre à son bavardage, Louis se laissa gagner par le sommeil. Lorsqu’il se réveilla, le gars le toisa avec perplexité.

« Toi, quand tu pionces, tu fais pas semblant. J’ai essayé de te réveiller pour la bouffe mais pas moyen. Alors tant pis, j’y suis allé car ici, vaut mieux pas être le dernier à se servir. En plus, on a eu des frites. Dis-donc, je voulais te demander, quel genre de resto tu conseilles pour sortir une nana ? »

Louis hésita à répondre. L’amateur de frites semblait sympathique mais il se méfiait de l’infirmier qui avait les yeux partout. Après l’allusion menaçante à la commission de réforme, il se tenait d’autant plus sur ses gardes mais il se décida.

« Ta copine, il faut lui payer un restaurant où tu puisses te sentir à l’aise. Pas un truc trop guindé où tu passerais plus de temps à surveiller tes couverts qu’à lui faire la conversation. » Le type hocha la tête. « Tu veux dire un resto pas trop snob ?

Oui, c’est ça, pas trop guindé, mais pas un routier quand même. Pour une fois, tu te passeras de frites. »

Au lieu de réagir à la plaisanterie, l’autre sembla noter scrupuleusement le conseil. « Sûr, t’as raison, surtout pour Noël, ajouta-t-il sur un ton des plus sérieux. »

Extrait de Bien le bonjour de l'adjudant Kaiser, nouvelle tirée de mon recueil Mariage d'automne, © éditions Germes de barbarie.

La photo de la rose est un détail de la rose Sir Eward Elgar.

(Musique du lien, Salut d'amour de Sir Edward Elgar)

 

12 février 2020

Interlude

« Si un chat noir croise votre chemin, cela signifie...

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... que l'animal va quelque part. »

- Groucho Marx -

 

 

11 février 2020

Carnet / « L’espérance poétique est-elle encore de ce monde ? » Ma réponse décevante à cette question un peu au-dessus de mes moyens !

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À partir de son texte intitulé Du spirituel en poésie, l’ami et poète Japh' Eiios me propose une réflexion sur le thème l’espérance poétique est-elle encore de ce monde ? L’être bassement matérialiste que je suis va donc essayer de s’y coller en évitant de se montrer trop long par égard pour ses lectrices et lecteurs et pour sa propre paresse à laquelle il tient beaucoup.

Je dois tout d’abord avouer que je ne suis guère porté vers le spirituel, que le mot poésie me pose depuis pas mal de temps un problème tout comme la notion d’espérance assez problématique elle aussi. Le rapport que peuvent entretenir ensemble ces trois mots m’inspire aussi une grande perplexité.

La poésie est-elle indissociable de différentes formes de spiritualité ? À mes yeux, pas forcément. Ne parlant qu’à l’aune de mon expérience personnelle donc limitée, je peux affirmer pour ma part que la poésie, qu’on la lise ou qu’on l’écrive, peut être une manière d’être au monde parmi d’autres et qui peut se vivre en dehors de toute spiritualité élaborée. C’est aussi en ce sens que je la considère comme un genre littéraire parmi d’autres, rien de moins, rien de plus, un genre littéraire au service de l’expression des différentes formes de l’expérience de l’humaine condition.

Sur ce point, la fameuse formule de Friedrich Hölderlin me tracasse : « Plein de mérite, c’est pourtant poétiquement que l’homme habite sur cette terre. » Voilà qui me renvoie à une question liée à l’étymologie du mot poésie issu en grec du verbe poiein (faire, créer). S’il s’agit pour le poète de créer, de faire, d’être un fabricant, la spiritualité n’est dans ce cas qu’une option.     

La poésie est aujourd’hui un genre littéraire tombé en relative désuétude dans le grand public, ce qui ne l’empêche heureusement pas d’être encore considérée par un lectorat majoritairement composé des poètes eux-mêmes, du moins ceux qui se prétendent tels à juste titre ou non, et d’être publiée par de grands éditeurs pour qui elle est devenue une danseuse mais aussi par de modestes maisons qui veulent encore œuvrer à sa défense et à son illustration.

Le mot poésie me pose problème car il définit de nos jours une production littéraire qui relève à mon avis plutôt du récit parce qu’elle a rompu avec les formes fixes du genre (prosodie et versification, pour faire court). Plus elle s’est écrite, plus la poésie a rompu avec le chant et ce ne sont pas les tentatives de réinvestir ce chant (et ce champ) qui permettent de ralentir voire de contrer cette inévitable évolution, encore moins lorsqu’il s’agit de pratiques aussi folkloriques que le slam ou pire, de sous-genres aussi stérilement commerciaux que le rap, surtout quand la substance de ce dernier se limite à l’appel au meurtre. Dans ce dernier cas, des formulations telles que du spirituel en poésie  ou l’espérance poétique est-elle encore de ce monde ? sont évidemment inopérantes ! Aucun espoir de ce côté-là !

Maintenant, j’aimerais qu’on m’explique ce que signifie la notion d’espérance poétique en ce monde. S’agit-il de s’interroger sur la capacité de la poésie à tenir un plus grand rôle dans la vie des êtres humains ou bien d’élargir la question sur un plan philosophique ? C’est, me semble-t-il, beaucoup demander, notamment à l’avenir, à un genre littéraire qui nous a déjà énormément donné dans le passé, en particulier avec les grandes épopées anciennes (Odyssée, Iliade) et modernes (Lusiades) qui sont quant à elles autant de récits qui continuent de nourrir notre expérience.

J’en reviens à ce terme de récit pour illustrer ma proposition de départ selon laquelle je crois la poésie distante de la spiritualité, de la philosophie et de l’espérance, ce qui n’empêche nullement les mystiques et les philosophes d’avoirs recours à la poésie pour exprimer leurs croyances et leurs concepts.

Après cette tentative de réfléchir sans doute un peu au-dessus de mes moyens de simple raconteur d’histoire à ce vaste sujet, on comprendra au moins pourquoi la mention récits apparaît de plus en plus souvent sur la couverture de mes recueils en apparence poétiques et pourquoi j’ai de plus en plus de mal à accepter qu’on me colle l’étiquette de poète, d’autant que j’en connais (de loin) un certain nombre auxquels je n’ai pas envie de ressembler. Si nous étions sur terre pour nous aimer les uns les autres, cela se saurait, et c’est particulièrement vrai pour les poètes !

Illustration : un de mes carnets avec reproduction du tableau de Giorgio de Chirico, La nostalgie du poète.