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16 mars 2015

Carnet / De la vraie vie, du quotidien en pilote automatique et de l'ego

Retour de Genève ce dimanche à 3h du matin après la soirée Musique et Poésie de samedi, un concert-création avec l’ensemble vocal féminin Polhymnia auquel participait la chanteuse soprano Florence Grasset.

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Une très belle soirée suivie d’un dîner entre amis et en compagnie de l’artiste dans un agréable restaurant italien. Mon seul regret, avoir oublié de boire un des spritz superbement présentés aperçus au comptoir.

Genève est une belle endormie le soir mais l’ambiance chaleureuse du restaurant prolongeait le plaisir des mots et des notes partagés dans l’écoute des subtiles correspondances entre les poèmes de René Char, Louise de Vilmorin, Guillaume Apollinaire et les partitions de Claude Debussy, Francis Poulenc, Jean-Louis Gand et Nicolas Bolens.

Après la vraie vie, retour au quotidien en pilote automatique avec l’étape finale de la corvée de bois : se dépêcher de protéger tout ce bazar des intempéries et retrouver figure humaine après en avoir terminé au moins jusqu’à l’automne prochain avec cette salissante activité. 

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Déjà plus d’une semaine écoulée depuis les retrouvailles avec Jean-Louis Jacquier-Roux à la médiathèque d’Oyonnax. En écrivant ce carnet, je pense à ses réticences concernant les blogs. Il y voit un peu trop d’ego et d’autopromotion. N’ayant pas eu le temps de le contredire lors de nos présentations et lectures respectives en public (j’aurais aimé développer le sujet de l’écriture en ligne lors de mon intervention), je donne ici mon avis : il ne faut pas confondre autopromotion et autosatisfaction.

Artistes, musiciens, poètes, écrivains n’ont aucune raison de nos jours de se priver de la puissance de diffusion et de réactivité du web pour informer le public de leurs activités. Il ne s’agit en aucun cas de marteler « voyez comme je suis important et génial » mais simplement de dire « voici ce que je propose et comment on peut y avoir accès si on est intéressé » . Après, à chacun de trier, de choisir, de faire son marché.

Tout auteur isolé par la nature même de son travail doit être conscient que personne ne l’attend, que personne n’ira le chercher et que c’est à lui et à personne d’autre d’essayer de prendre son destin en main.

Quant à ce fameux ego considéré comme un péché, je n’en dirais qu’une chose en littérature: un écrivain qui n’a pas d’ego a peu de chance de m’intéresser. Tous les livres traitent à peu près des mêmes sujets et ce qui compte, c’est la manière de les aborder, la vision personnelle, individuelle de l’auteur, et pour cela, il faut un minimum d’ego. C’est en tous cas la première chose que je recherche en tant que lecteur. L’objectivité si elle existe, c’est bon pour le localier qui rédige le compte-rendu du conseil municipal, pas pour la littérature !

02 mars 2015

Carnet / Hommage / Au bon plaisir de Joseph Bassompierre

J’ai appris ce week-end la disparition à l'âge de 73 ans de Joseph Bassompierre et je souhaite lui rendre un hommage particulier dans ces colonnes.

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Joseph Bassompierre aux claviers de l'orgue Nicolas-Antoine Lété de l'abbatiale Saint Michel de Nantua (photo Christian Cottet-Emard)

Dès mon plus jeune âge, Joseph Bassompierre fut pour moi toujours associé en premier lieu à la musique, à la littérature et à une manière de vivre que je qualifierais de « selon son bon plaisir » . Dans mon adolescence, je fréquentais sa librairie à Oyonnax où l’on trouvait en plus un bon choix de disques classiques. Le commerce des livres et des disques — le commerce tout court — n’était cependant pas le grand souci de cet aristocrate qui possédait la plus rare des qualités, l’élégance du cœur et de l’esprit. En faisant petit à petit sa connaissance, je me rendis vite compte que Joseph Bassompierre était un homme du dix-huitième siècle « parachuté » dans le vingtième siècle.

J’aurais à ce sujet beaucoup d’anecdotes amusantes et émouvantes à raconter mais je ne voudrais pas réduire cet hommage à la seule évocation des aspects les plus pittoresques de sa personnalité en réalité empreinte d’une complexité secrète mêlant en un alliage subtil le goût de la vie, l’humour distancié et, en retrait, affleurant à peine, une discrète mélancolie qu’il veillait à dissimuler en public sous une civilité joviale. Je me souviens notamment de sa joie enfantine le jour où il m’annonça avoir déniché à la grande foire à la brocante de Leyment un buste représentant un de ses ancêtres.

Joseph Bassompierre ne cherchait jamais à afficher sa culture, son érudition et ses multiples talents qu’il n’avait aucun besoin de mettre au service d’un métier, d’une profession. Encore assez jeune, dès qu’il en eut l’idée et le loisir, il cessa d’être libraire et consacra sa vie à ses passions  : l’orgue, les voyages (dans un souverain mépris du confort le plus élémentaire), l’aviation, la plongée, avec pour seule règle son bon plaisir. Il avait tout son temps pour lui, ce qui le rendait disponible à qui lui témoignait une amitié sincère.

Je ne manquais aucun de ses concerts d’orgue en l’abbatiale de Nantua où son action fut décisive pour la préservation, le classement et la promotion de cet instrument exceptionnel qu’est l’orgue Nicolas-Antoine Lété à la tribune duquel il joua avec brio, invitant d’autres organistes célèbres à contribuer au rayonnement de l’instrument et favorisant l’enregistrement de disques réédités en CD parmi lesquels l'œuvre pour orgue de Robert Schumann par Philippe Lefebvre (FY) et des pièces de Louis Alfred James Lefébure-Wely par René Saorgin (Harmonia Mundi). C'est bien sûr grâce à Joseph Bassompierre que les élèves de la classe d'orgue du Conservatoire d'Oyonnax peuvent jouer sur cet instrument classé monument historique et dont l'organiste titulaire est depuis de nombreuses années leur professeure, Véronique Rougier.

Lorsque ses forces l’abandonnèrent progressivement, Joseph Bassompierre cessa de donner des concerts mais assista fidèlement à ceux des autres interprètes, toujours prêt à intervenir sur l’orgue qu’il connaissait par cœur lorsque pouvait survenir un problème technique.

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Joseph Bassompierre au cœur de « son » orgue à Nantua (photo Christian Cottet-Emard)


Pour conclure cet hommage sur une note plus personnelle, je préfère me contenter d’évoquer un des moments passés en sa compagnie à l’époque où je lui rendis visite chez lui à Groissiat dans l’Ain pour écrire un article sur l’orgue de Nantua. J'ignorais encore que de nombreuses années plus tard, j'allais devenir papa d'une fille élève organiste à qui Joseph Bassompierre fit un compliment qui me toucha beaucoup : après l'avoir écoutée jouer une pièce de Louis-Nicolas Clérambault,  il déclara : « Elle a les doigts pour jouer cette musique »

En cette lumineuse journée d’été, il m’ouvrit la porte de sa grande maison de village surplombant la vallée verdoyante, me fit traverser une vaste cuisine sombre, en désordre, où un chat à trois pattes nous escorta jusqu’à un salon aux fenêtres grandes ouvertes sur la campagne ensoleillée. Le chat à trois pattes se jucha sur une pile vacillante de livres anciens. Joseph Bassompierre s’installa au piano et me joua la Berceuse de Louis Vierne au rythme de laquelle, en un instant suspendu, semblait s’accorder l’ample ondulation des foins sous la brise.

Christian Cottet-Emard

PS : Dans le sillage de l’avion de Saint-Ex.

Organiste, Joseph Bassompierre avait aussi un vrai talent littéraire qu’il ne se soucia pas d’exploiter mais qui s’exprime dans ses lettres et dans un texte (voir la copie en fin d'article) qu’il envoya à la revue de littérature et de sciences humaines Le Croquant suite à l’organisation du Prix Vol de nuit avec le soutien du Conseil Général de l’Ain, à l’occasion du centenaire de la naissance d’Antoine de Saint-Exupéry.

Aviateur lui-même et admirateur de Saint-Ex, Joseph Bassompierre vit son texte retenu par le jury et publié dans le n°29 du Croquant. Dans sa grande modestie, il était persuadé, me sachant au comité de rédaction de la revue, que j’étais pour quelque chose dans la sélection de son texte, ce qui n’était évidemment pas le cas. Il ne devait ce plaisir qu’à son seul talent.

J’eus beau lui affirmer qu’appréciant quant à moi peu l’auteur du Petit Prince, je me serais de toute façon bien gardé de participer au jury de ce Prix, il n’en démordit pas et voulut m’offrir un baptême de l’air dans un planeur qu’il pilotait. Il me fut d’autant plus facile de refuser catégoriquement cette invitation lorsque Joseph Bassompierre me précisa avec enthousiasme : « Vous savez, on peut monter jusqu’à pas loin de dix-mille mètres » !

CC-E

 

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19 février 2015

Carnet / Du dégel

Depuis de longs mois, je devrais dire plus d’une année, la nature à laquelle je suis habituellement si sensible ne me parle pas. Elle me reste muette. Il en va de même, à de rares exceptions près, d’une grande partie de la poésie d’auteurs vivants que je lis en volumes et en revues. J’ai beau insister, chercher, rien à faire, cela ne me parle pas. J’ai souvent l’impression de relire le même texte comme si une même personne écrivait la même chose sous des noms différents.

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Dans les brumes d'Apremont, avant-hier mardi

Vouloir « faire » jeune est le meilleur moyen « d’avoir » l’air vieux.

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Je suis un pessimiste bon vivant. Je pense que rien n’est sérieux mais que tout est tragique, que tout est bien qui finit mal. On me reproche parfois de ne pas être « positif ». Un : je me fiche de ce qu’on pense de moi. Deux : je ne trouve rien de plus niais que l’injonction qui nous est faite sans cesse de nos jours « d’être positif » .

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Si je devais résumer tout cela, je dirais que j’attends le dégel.