Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19 février 2022

Carnet / Quand les bons sentiments aiment la bonne distance.

carnet,note,journal,chronique,idée,humeur,société,environnement,climat,politique,santé,blog littéraire de christian cottet-emard,élection,présidentielle 2022,conformisme,bons sentiments,grandes causes,opinion,politique,pétitions,droits de l'homme,occident,christian cottet-emard,liberté,démocratie,planète,terre,nature,ressources,humanité,révolution industrielle,mondialisation,colibri,hubris

N’importe quel scientifique vous dira que la Terre a très souvent changé de climat au cours de sa longue histoire et que sur cette durée, la révolution industrielle suivie de la mondialisation industrielle représentent moins qu’un battement de paupière. À l’échelle du temps de l’humanité, il est tout à fait logique que l’impact des activités humaines se mesure à l’aune des dégradations qu’elles provoquent dans l’environnement. Nous touchons ici à la définition et au paradoxe de la vie : toute créature dégrade son propre environnement parce qu’elle est obligée de le modifier pour y survivre.
 
Pour l’humain, toute la question est de savoir comment gérer la modification pour qu’elle n’aboutisse pas trop vite à la destruction partielle qui peut bien sûr entraîner la disparition totale. En plus simple, comment ne pas scier la branche sur laquelle on est assis.
 
La question m’apparaît tous les jours à la vue de mes frênes attaqués par le lierre. Lorsque ce processus vieux d’une trentaine d’années arrivera à son apogée, les frênes finiront par s’effondrer et mourir. Le lierre qui se sera nourri d’eux survivra quelques semaines agrippé à leurs troncs couchés sur le sol et il mourra à son tour.
 
L’humanité se montre certes capable de modifier et de dégrader rapidement son environnement au point de perturber les grands équilibres naturels mais elle n’est et ne restera pourtant qu’un acteur très secondaire au sein de ce processus auquel participe la moindre bactérie.
 
Penser que quelques pays occidentaux développés et perclus d’écologie punitive doivent et puissent « sauver la planète » selon l’une des expressions les plus stupides qui soient et répétées comme un mantra (alors qu’on demande beaucoup moins aux géants de l’Asie et rien du tout aux monarchies du pétrole, notons-le au passage), penser, disais-je, que l’Occident développé soit capable de se mettre en travers d’une évolution climatique de plus relève d’un sentiment de puissance qui se situe entre les deux extrêmes de l’hubris et de la pensée colibri. Dans les deux cas, c’est d’une prétention et d’un orgueil pathétiques.
 
Aujourd’hui encore, j’ai reçu des pétitions à signer sur le climat dont une pour que le climat soit plus à l’ordre du jour de la campagne présidentielle en France (il est vrai que le climat est ici très dégradé mais à l’évidence, nous ne parlons pas du même vous et moi). Des paquets de pétitions, j’en reçois aussi sur les droits de l’homme et nombre de sujets certes préoccupants mais d’ordre suffisamment général pour que cela évite à beaucoup de se pencher sur les problèmes qu’ils ont sous le nez. La bonne conscience aime bien la bonne distance !
 
Dans ce concert des bons sentiments claironné par le grand orchestre des indignés sélectifs, certaines musiques sont inaudibles. Pour éviter de m’enliser dans la métaphore, je vais dire les choses plus brutalement : les amis et connaissances qui me bombardent de ces pétitions ne m’envoient rien à signer sur ce que pourrait leur inspirer, vu leur attachement à la liberté, à la tolérance et, pendant qu’on y est, à la planète, au climat, à la paix dans le monde et à la défense des fromages au lait cru, la relégation d’une partie de la population de leur propre pays à un statut de citoyens de seconde zone.
 
Pourtant, dans ce cas précis, la mobilisation des consciences serait assez facile et le résultat rapide à portée de mains, celles qui votent par exemple. Mais la plupart de ces gens me le disent eux-mêmes quand nous arrivons encore à nous parler malgré la zizanie que ce sinistre gouvernement a semé jusque chez les amis et les familles : ils n’iront pas voter. Pensez donc, ils ont plus urgent à faire: sauver le climat et la planète ! D’ailleurs, c’est plutôt l’humanité qui a besoin d’être sauvée, pas la planète et ses climats.
 
Elle n’a rien demandé, la planète, et elle vivra encore les quatre ou cinq milliards d’années qui lui restent en se fichant comme d’une guigne de l’éventuel remplacement des humains par des espèces de pieuvres ayant fini par résoudre l’actuel problème d’évolution qui les bloque encore dans l’océan.
 
Voilà une perspective peu réjouissante mais elle ne s’inscrit pas encore dans notre parenthèse temporelle. D’ici là, nous avons encore le temps de nous inquiéter pour nos enfants, nos petits-enfants et, si nous avons de la chance, nos arrière-petits enfants. Après, cela devient abstrait, avouons-le. Telle est notre limite.
 
Alors, chers amis pétitionnaires du climat, de la planète, de la paix dans le monde et des droits de l’homme en général (mais hélas pas trop de l’homme occidental), je recommencerai peut-être à m’intéresser à vos grandes causes et peut-être à signer vos pétitions le jour où, de votre côté, vous aurez daigné jeter un œil et dire un mot, même un seul, sur cette autre cause qui semble échapper à votre vigilance sélective, celle des entraves récentes et progressives à nos libertés quotidiennes les plus élémentaires et qui viendra un jour ou l’autre frapper à votre porte quelle que soit l’épaisseur de silence et de consentement au pire dont vous l’avez capitonnée.
 
Photo : lierre agrippé à un frêne, chez moi.

28 mars 2015

Carnet / Petites et grandes lectures

carnet,note,journal,écriture de soi,prairie journal,autobiographie,blog littéraire de christian cottet-emard,actualité,presse,édition,crash A320,alpes,accident d'avion,copilote,sportif,sport,dépression,burn out,phobie,rupture sentimentale,journaliste,journalisme,préjugé favorable,religion,église,amour,cheminée,insert,combustible,photo,compagne,facebook,amis facebook,choc des civilisations,samuel huntington,identité malheureuse,alain finkielkraut,planète,monde,franceJe sais que je dois veiller à ne pas limiter ces carnets au commentaire à chaud de l’actualité mais parfois la tentation est forte, comme ces derniers jours où les présentateurs de tous les journaux télévisés, sans exception,  insistent lourdement  sur le fait que le copilote présumé responsable de la destruction volontaire de l’avion A320 dans les Alpes mardi était sportif, ce qui, dans l’imaginaire collectif, est censé souligner l’étrangeté de son geste.

Le message est clair pour n’en être pas moins subliminal : un sportif ne peut pas être complètement mauvais ou fêlé. S’il est sportif, c’est qu’il est sain de corps et d’esprit, point final, même si l’enquête commence à esquisser un profil tout différent (la dépression, le burn out, la phobie, le tout couronné par une rupture sentimentale), autant dire un cocktail plutôt détonnant, si j’ose dire, pour un pilote de ligne.

Ce qui n’empêche pas les commentateurs de répéter à chaque nouvelle édition du journal : « c’était un sportif » , « et pourtant, c’était un sportif » . Eh oui, comment a-t-il pu commettre un  acte aussi aberrant puisqu’il était sportif!

Le préjugé favorable aurait sans doute été tout autre si l’enquête avait établi que cet individu écrivait de la poésie ou des romans pendant ses loisirs ! Dans ce cas, il aurait été beaucoup plus commode d’évoquer « une personnalité introvertie, un caractère taciturne, des difficultés relationnelles... » Mais non, zut alors, c’était un sportif ! Décidément, c’est incompréhensible !

Dans un autre registre, plus souriant cette fois, la presse écrite (excellent combustible). Avant de jeter un journal aux flammes de mon insert, un titre de une me passe sous les yeux : « Il a abandonné l’Église pour l’amour » avec la photo d’un ancien prêtre en train d’embrasser sa compagne. Enfin une bonne nouvelle !

Oublions maintenant la presse et revenons aux livres, histoire de me divertir en comptant combien d’« amis Facebook » vont me supprimer de leur liste en apprenant qu’après ma lecture toute récente du Choc des civilisations de Samuel P. Huntington et de L’identité malheureuse d’Alain Finkielkraut, je considère ces deux ouvrages comme essentiels à l’analyse et à la compréhension de ce qui nous arrive, au niveau planétaire d’une part et à l’échelon national d’autre part. Le compteur est lancé !