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28 mai 2020

Vient de paraître

Dans la revue Instinct nomade fondée et dirigée par Bernard Deson, (éditions Germes de barbarie) dont le cinquième numéro qui vient de sortir en ce printemps 2020 est consacré à Fernando Pessoa, on peut lire mon carnet de lecture et de voyage intitulé « Lisbonne, Pessoa et ses ombres » mais aussi ma chronique habituelle avec un texte sur le thème « Poésie et spiritualité » , mon point de vue sur l'affaire Matzneff et quelques considérations sur l'accord entre alcool et cigare.

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08 janvier 2020

Carnet / Sur l’affaire Matzneff

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Vu de la province, le petit monde littéraire parisien ressemble à un aquarium rempli de poissons exotiques. On les voit tourner, s’agiter, parader et frayer dans cet univers artificiel et confiné. Certains se mangent entre eux, d’autres sont coprophages et d’autres encore, trop délicats, meurent assez vite de se trouver perdus dans cet environnement hostile auquel ils sont inadaptés. Il en est au contraire qui prospèrent longtemps dans ces eaux peu fraîches, comme ces rustiques poissons rouges si parfaitement adaptés à un milieu pourtant stérile qu’ils trouvent moyen d’y vieillir jusqu’à en devenir les derniers spécimens.   

La mode de l’aquarium de poissons exotiques s’est démocratisée après 1968 dans les années 70 et 80 du siècle dernier en même temps que diverses formes de littérature se voulant révolutionnaires et transgressives, notamment dans le discours sur la sexualité.

Les livres de Gabriel Matzneff ont été publiés dans ce contexte tandis qu’on voyait sur les plateaux télévisés son visage de cire et qu’on entendait de sa voix monocorde le récit de son goût des aventures sexuelles licites et illicites l’entraînant aujourd’hui, des décennies après les faits, dans de gros ennuis au soir de sa vie.

Je sortais à peine du lycée de ma bourgade lorsque j’ai lu en diagonale quelques titres de Gabriel Matzneff achetés dans des librairies de livres d’occasion. L’étalage des mondanités et de l'activité sexuelle de Gab la rafale sur fond d’un Paris littéraire snob et moribond relevait déjà pour moi d’une de ces lectures documentaires qui nous font nous pencher un instant sur la vie étrange de peuplades lointaines dont nous préférons nous tenir à distance.

Si lire Matzneff dans son œuvre de diariste ne m’a pas rendu l’homme sympathique, notamment pour les méfaits qui lui sont reprochés maintenant, je n’ai en revanche rien à dire contre lui sur le plan littéraire et sur sa critique acérée de notre époque lamentable.

L’affaire Matzneff m’inspire deux questions : la première, pourquoi n’a-t-il pas été inquiété plus tôt au regard de la loi ? La seconde concerne le livre qui vient de paraître à son sujet : où étaient les parents de la jeune fille de quatorze ans au moment des faits ? La réponse est peut-être dans cet ouvrage que je n’ai pas lu et que je ne lirai que si on me le prête. Je ne souhaite pas l’acquérir car en dehors du témoignage auquel je n’ai aucune raison de douter à priori, je suis plus circonspect sur ce qui relève à l’évidence d’un coup d’édition parfaitement orchestré, entreprise à mes yeux toujours déplaisante voire rédhibitoire.

Ce qui est déplorable dans l’affaire Matzneff : en premier lieu, bien sûr, le comportement sexuel pervers d’un adulte avec des enfants et des pré-adolescents n’ayant pour certains pas atteint l’âge légal de la majorité sexuelle.

Mais aussi : l’attitude piteuse de ceux qui ont soutenu Matzneff sur le plan amical, financier et médiatique et qui le lâchent aujourd’hui sans états d’âme en jouant les vertueux repentants pour se mettre officiellement en conformité avec notre époque propice aux tentations de retour à une nouvelle forme d’ordre moral n’ayant rien à envier à celle qui a pourri la vie de générations entières. 

Il ne s’agit pas de cautionner les dérives hors la loi qui ont accompagné la libération sexuelle des années 70 mais de s’alarmer du danger que les nouveaux accès de fièvre moraline ne finissent par conforter dans son projet politique totalitaire le fanatisme religieux et meurtrier qui n’est plus seulement en embuscade mais dans un activisme ouvertement déclaré.

Il serait souhaitable qu’on mette autant d’énergie à opposer les rigueurs de la loi aussi bien à ceux qui appellent au meurtre dans leurs chansons et dans leurs prêches qu’à un homme certes pétri de turpitude mais âgé et affaibli sur qui il est commode de s’acharner en meutes en toute bonne conscience et sans prendre de grands risques.

 

21 mars 2019

Du revenu universel (ou revenu de base, ou revenu de sécurité, ou revenu minimum)

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Je suis souvent déçu par les positions caricaturales ou tout au moins rigides des détracteurs de cette idée qui ne fournit certes pas la solution miracle à tous les problèmes d’exclusion et de pauvreté mais qui a le mérite de mettre en question l’obligation de travailler dans une organisation socio-économique qui ne peut plus fournir à chacun la possibilité de se conformer à cette obligation.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la lutte contre le chômage a inexorablement échoué (pour peu qu’on croie vraiment à l’hypothèse selon laquelle il serait dans l’intérêt des gouvernants et des entrepreneurs que le chômage disparaisse).

L’idée du revenu universel attribué sans condition dépasse largement le cadre de la problématique du chômage de masse, de l’accès et du retour à l’emploi.

L’impossibilité de trouver, de conserver ou de retrouver un emploi ont depuis longtemps et surtout de nos jours pour origine des causes qui ne se limitent pas à l’offre et à la demande sur le marché du travail et au manque de qualification.

Tout le monde sait désormais que des populations entières ne trouveront ou ne retrouveront jamais de travail dans le système actuel. Aucun signe n’annonçant pour le moment un changement de ce système, l’instauration d’un revenu universel que je préfère quant à moi nommer un revenu de base ou d’urgence est donc d’actualité. Il y va de notre sécurité.

La question n’est même plus de se demander s’il faut être pour ou contre cette mesure de salut public mais de savoir au plus vite quand elle sera mise en œuvre, quelle formule sera retenue et comment elle sera financée.


L’hebdomadaire Le Un n°139 daté du mercredi 25 janvier 2017 donne, outre des analyses et des opinons contradictoires, d’intéressantes pistes de réflexion, notamment à propos du financement.

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L’économiste Daniel Cohen se dit « favorable à un revenu soumis à une condition de ressources » . Il précise que « des chercheurs de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) de l’École d’économie de Paris sont partis de l’idée d’une fusion de l’aide personnalisée au logement (APL) avec le RSA. Cela permettrait de verser 624 euros par mois à un célibataire gagnant moins de 2000 euros. Cette mesure s’appliquerait sans aucun coût additionnel » .

Je ne cite que cet exemple parmi d’autres pour montrer que l’attribution d’un revenu de base fonctionnant comme un filet de sécurité empêchant de tomber dans la grande pauvreté n’a rien d’irréaliste.

L’idée demande juste à être examinée avec objectivité et lucidité, en dehors de tous les à-priori, préjugés et clichés moraux qui affectent la manière de penser ce qu’on appelle« la valeur travail » , comme si le travail était une valeur alors qu’il n’est qu’un moyen au service de valeurs.   

Je n'ai aucune compétence en économie mais je fais confiance aux économistes qui nous ont toujours habitués à des montages très audacieux mettant en jeu des budgets beaucoup plus considérables que ceux permettant de boucler le revenu de base ! Différentes options sont à l'étude, toutes n'ont pas le même coût pharaonique qu'on nous objecte sans cesse.

Ce que je trouve intéressant dans le revenu universel, c'est le filet de sécurité qu'il pourrait offrir. Il favoriserait l'initiative et la créativité, deux choses hors de portée si l'on commence chaque journée, chaque semaine, chaque mois avec la peur permanente de boire le bouillon.

Dans la société d'aujourd'hui, on ne peut rien assurer d'autre que la survie au jour le jour si l'on est essentiellement limité par la satisfaction (d'ailleurs de plus en plus problématique) des besoins primaires.

Je connais beaucoup de gens qui ont de réels talents dans des domaines très différents mais qui n'ont aucun moyen de tenter de les mettre en pratique parce qu'ils n'ont pas ce filet de sécurité. C'est un gâchis humain tant pour l'individu que pour la société.

Et en parlant de gâchis, je suis frappé par ce constat du philosophe Gaspard Koenig dans le journal Le Un : « Il n’est pas admissible qu’il y ait 90 milliards de dépenses sociales en France et des gens qui n’ont rien à manger. »

L’option qu’il retient est de « donner à chacun un revenu mensuel, de la naissance à la mort, sous forme de crédit d’impôt. » Et d’ajouter que cela changerait tout dans la vie des gens « qui perdent un temps fou à effectuer des démarches, sont dans une peur constante de l’administration et craignent de perdre leurs allocations. Ils échapperont à cette bureaucratie sociale humiliante pour les allocataires. »

Je partage entièrement cet avis.

Avec l’attribution d’une allocation de base sans condition qui se déclencherait dès qu’une personne se retrouverait au-dessous d’un seuil de revenu à définir, on supprimerait une grande part de ces contextes mortifères et on redonnerait une capacité d’initiative à ceux qui veulent rebondir.

En ce qui me concerne, je vais même encore plus loin dans ce raisonnement.

J’ai passé toute ma vie professionnelle dans des emplois détestés, journaliste entre autres, où j’allais au travail à reculons avec pour seuls horizons le week-end, les vacances et le jour de la paye.

À ceux qui parlent de dignité personnelle, d’intégration à la collectivité et d’utilité sociale par le travail, je réponds que je ne vois pas ce qu’on peut apporter de positif à la société et à soi-même quand on est coincé dans un état d’esprit pareil.

Quant à cette fameuse « valeur travail » dont des moralistes d'un autre âge souvent doublés de bons gros rentiers nous rebattent les oreilles, sa cote est toute relative lorsque je peux par exemple considérer que je travaille beaucoup plus en écrivant un roman ou un essai sans bénéfice financier qu’en  m’impliquant au minimum dans un emploi salarié subi.

Si le revenu de base avait existé, je n’aurais pas perdu ma vie à la gagner et j’aurais pu consacrer mon énergie et mon travail à écrire, donc à être créatif, au lieu de me disperser, de me débattre et de stagner dans des emplois alimentaires où j’étais moyen ou carrément mauvais.

Je suis bien conscient que la société n’a aucun besoin de mes dispositions pour l’écriture et de mes livres. Mais avait-elle plus besoin du mercenaire que j’étais à l’époque où je n’avais pas la chance, comme c’est le cas désormais depuis des années, de me consacrer entièrement à l’écriture ? Bien sûr que non.

En m’appuyant sur un revenu de base, j’aurais pu renforcer ce que j’avais de fort au lieu de m’épuiser en pure perte à essayer avec peine de me maintenir dans la médiocrité professionnelle, ce qui au bout du compte fut aussi préjudiciable pour moi que pour la société.

C’est pourquoi je suis persuadé que le revenu de base constituerait non seulement une réponse forte à l’urgence de la lutte contre la grande précarité mais encore une dynamique considérable pour la libération d’initiatives et de talents aujourd’hui complètement bridés par l’obsession paradoxale de s’intégrer, de se maintenir et de durer dans une organisation du travail et de l’emploi devenue une machine à exclure.

Christian Cottet-Emard