14 mai 2015
Carnet / Visite nocturne de l’enseigne de vaisseau Mhorn
Le grand vent chaud et sec qui favorise les échanges vitaux entre les arbres est tombé ce soir après toute une journée à ébouriffer les feuillages. La nuit désormais sans contrainte d’éclairage public dans ma campagne déploie un immense ciel étoilé.
Je fume un havane au milieu des effluves de lilas et je repense à cette coupure accidentelle de courant qui avait plongé la moitié de mon quartier dans le noir lorsque j’habitais encore en ville.
C’est cet incident qui avait déclenché l’écriture des premières pages de mon livre Le Grand Variable * à la fin des années 90. Je suis encore étonné aujourd’hui d’avoir pu aussi facilement publier ce texte à l’époque alors qu’il est maintenant si difficile d’imposer une écriture non calibrée.
Au lieu de me dissuader de continuer dans cette voie, ces triomphes du nouveau conformisme et de la pensée unique m’inciteraient plutôt à me remettre dans la peau de mon double inversé, de mon contraire, l’improbable et opportuniste enseigne de vaisseau Mhorn qui ne prend pas le temps d’avoir peur du monde parce qu’il a appris à ne rien espérer ni désirer et à se foutre d’à peu près tout, du moment qu’il sent près de sa main son vieux Luger au fond d'une poche de son caban, en cas de mauvaise rencontre.
C’est ainsi que pendant la dégustation nocturne d’un Por Larrañaga au milieu de mes massifs de lilas par une belle nuit de mai, certains de mes personnages romanesques viennent me visiter comme s’ils ne m’avaient pas encore tout dit.
* Éditions Editinter, épuisé mais disponible dans certaines bibliothèques, à Oyonnax par exemple.
00:24 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, écriture de soi, autobiographie, prairie journal, éditions éditinter, le grand variable, preben mhorn, enseigne de vaisseau mhorn, christian cottet-emard, roman, por larrañaga, cigare, havane, cigare cubain, luger, personnage de roman, fiction, double, littérature, double inversé, vent sec, arbre, campagne, feuillage, nuit, éclairage public, pollution lumineuse, blog littéraire de christian cottet-emard, lunette astronomique, étoile, voûte céleste, voie lactée, soir, médiathèque municipale d'oyonnax, ciel, crépuscule, prêt de livre, lecture publique, réserve, bibliothèque nationale de france, dépôt légal, bnf, isbn, ean, copyright, ©, christian claude louis cottet-emard
02 juin 2008
Le vol nuptial de la pipistrelle
Quel dommage de n’avoir pas consacré ta vie à l’étude du vol nuptial de la pipistrelle
Mais comme te l’a souvent fait remarquer ton père tu n’as aucune patience il aurait fallu suivre en sciences naturelles et même en arithmétique seulement voilà
Tu tournais la tête vers la fenêtre avec vue sur le clocher même le glas une bonne partie de la matinée te semblait aimable comparé aux heures d’école
Ce soir de feuillage tendre les pipistrelles volent par deux parfois une troisième les poursuit
D’habitude la pipistrelle sort seule vole mange et se fiche pas mal du reste
Tu aurais pu décréter rien d’autre ne compte que le vol nuptial de la pipistrelle et je me fiche du reste tu serais devenu un spécialiste tes parents seraient fiers de toi tu ne serais pas un songe-creux
Comme tout est compréhensible ce soir
Si proche le monde des toits
Si nettes les vaguelettes des tuiles les cheminées sur fond de ciel mauve où gribouille comme sur une ardoise magique l’amoureuse pipistrelle
L’amoureuse pipistrelle bouche d’ombre de la non moins amoureuse phalène
© Éditions Orage-Lagune-Express 2008.
12:39 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pipistrelle, crépuscule, soir, ciel, phalène, poésie, blog littéraire
16 novembre 2007
Le voyageur nocturne
Un soir blotti dans ton petit lit tu entends
tu entends un vélomoteur dans la nuit et tu te dis
tu te dis qu’il faut
qu’il faut qu’un homme soit
soit bien malheureux pour avoir
pour avoir à circuler
à circuler ainsi par les chemins vicinaux obscurs et par les rues vides à lampadaires livides
Ce soir immobile dans ton grand lit tu entends
tu entends un avion et tu te dis
tu te dis qu’il faut
qu’il faut être
être bien tourmenté pour avoir
avoir ainsi à voyager dans la nuit ivre de givre et dans les ténèbres glacées du ciel à dix kilomètres d’altitude et pour aller
aller où ?
© Éditions Orage-Lagune-Express 2007
(Photo Clara Cottet-Emard)
01:10 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Poésie, nocturne, voyageur, soir, nuit, vélomoteur, lampadaire