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13 février 2017

Du revenu universel

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Je suis souvent déçu par les positions caricaturales ou tout au moins rigides des détracteurs de cette idée qui ne fournit certes pas la solution miracle à tous les problèmes d’exclusion et de pauvreté mais qui a le mérite de mettre en question l’obligation de travailler dans une organisation socio-économique qui ne peut plus fournir à chacun la possibilité de se conformer à cette obligation.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la lutte contre le chômage a inexorablement échoué (pour peu qu’on croie vraiment à l’hypothèse selon laquelle il serait dans l’intérêt des gouvernants et des entrepreneurs que le chômage disparaisse).

L’idée du revenu universel attribué sans condition dépasse largement le cadre de la problématique du chômage de masse, de l’accès et du retour à l’emploi.

L’impossibilité de trouver, de conserver ou de retrouver un emploi ont depuis longtemps et surtout de nos jours pour origine des causes qui ne se limitent pas à l’offre et à la demande sur le marché du travail et au manque de qualification.

Tout le monde sait désormais que des populations entières ne trouveront ou ne retrouveront jamais de travail dans le système actuel. Aucun signe n’annonçant pour le moment un changement de ce système, l’instauration d’un revenu universel que je préfère quant à moi nommer un revenu de base ou d’urgence est donc d’actualité. Il y va de notre sécurité.

La question n’est même plus de se demander s’il faut être pour ou contre cette mesure de salut public mais de savoir au plus vite quand elle sera mise en œuvre, quelle formule sera retenue et comment elle sera financée.


L’hebdomadaire Le Un n°139 daté du mercredi 25 janvier 2017 donne, outre des analyses et des opinons contradictoires, d’intéressantes pistes de réflexion, notamment à propos du financement.

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L’économiste Daniel Cohen se dit « favorable à un revenu soumis à une condition de ressources » . Il précise que « des chercheurs de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) de l’École d’économie de Paris sont partis de l’idée d’une fusion de l’aide personnalisée au logement (APL) avec le RSA. Cela permettrait de verser 624 euros par mois à un célibataire gagnant moins de 2000 euros. Cette mesure s’appliquerait sans aucun coût additionnel » .

Je ne cite que cet exemple parmi d’autres pour montrer que l’attribution d’un revenu de base fonctionnant comme un filet de sécurité empêchant de tomber dans la grande pauvreté n’a rien d’irréaliste.

L’idée demande juste à être examinée avec objectivité et lucidité, en dehors de tous les à-priori, préjugés et clichés moraux qui affectent la manière de penser ce qu’on appelle « la valeur travail » , comme si le travail était une valeur alors qu’il n’est qu’un moyen au service de valeurs.   

Je n'ai aucune compétence en économie mais je fais confiance aux économistes qui nous ont toujours habitués à des montages très audacieux mettant en jeu des budgets beaucoup plus considérables que ceux permettant de boucler le revenu de base ! Différentes options sont à l'étude, toutes n'ont pas le même coût pharaonique qu'on nous objecte sans cesse.

Ce que je trouve intéressant dans le revenu universel, c'est le filet de sécurité qu'il pourrait offrir. Il favoriserait l'initiative et la créativité, deux choses hors de portée si l'on commence chaque journée, chaque semaine, chaque mois avec la peur permanente de boire le bouillon.

Dans la société d'aujourd'hui, on ne peut rien assurer d'autre que la survie au jour le jour si l'on est essentiellement limité par la satisfaction (d'ailleurs de plus en plus problématique) des besoins primaires.

Je connais beaucoup de gens qui ont de réels talents dans des domaines très différents mais qui n'ont aucun moyen de tenter de les mettre en pratique parce qu'ils n'ont pas ce filet de sécurité. C'est un gâchis humain tant pour l'individu que pour la société.

Et en parlant de gâchis, je suis frappé par ce constat du philosophe Gaspard Koenig dans le journal Le Un : « Il n’est pas admissible qu’il y ait 90 milliards de dépenses sociales en France et des gens qui n’ont rien à manger. »

L’option qu’il retient est de « donner à chacun un revenu mensuel, de la naissance à la mort, sous forme de crédit d’impôt. » Et d’ajouter que cela changerait tout dans la vie des gens « qui perdent un temps fou à effectuer des démarches, sont dans une peur constante de l’administration et craignent de perdre leurs allocations. Ils échapperont à cette bureaucratie sociale humiliante pour les allocataires. »

Je partage entièrement cet avis.

Avec l’attribution d’une allocation de base sans condition qui se déclencherait dès qu’une personne se retrouverait au-dessous d’un seuil de revenu à définir, on supprimerait une grande part de ces contextes mortifères et on redonnerait une capacité d’initiative à ceux qui veulent rebondir.

En ce qui me concerne, je vais même encore plus loin dans ce raisonnement.

J’ai passé toute ma vie professionnelle dans des emplois détestés, journaliste entre autres, où j’allais au travail à reculons avec pour seuls horizons le week-end, les vacances et le jour de la paye.

À ceux qui parlent de dignité personnelle, d’intégration à la collectivité et d’utilité sociale par le travail, je réponds que je ne vois pas ce qu’on peut apporter de positif à la société et à soi-même quand on est coincé dans un état d’esprit pareil.

Quant à cette fameuse « valeur travail » dont des moralistes d'un autre âge souvent doublés de bons gros rentiers nous rebattent les oreilles, sa cote est toute relative lorsque je peux par exemple considérer que je travaille beaucoup plus en écrivant un roman ou un essai sans bénéfice financier qu’en  m’impliquant au minimum dans un emploi salarié subi.

Si le revenu de base avait existé, je n’aurais pas perdu ma vie à la gagner et j’aurais pu consacrer mon énergie et mon travail à écrire, donc à être créatif, au lieu de me disperser, de me débattre et de stagner dans des emplois alimentaires où j’étais moyen ou carrément mauvais.

Je suis bien conscient que la société n’a aucun besoin de mes dispositions pour l’écriture et de mes livres. Mais avait-elle plus besoin du mercenaire que j’étais à l’époque où je n’avais pas la chance, comme c’est le cas désormais depuis des années, de me consacrer entièrement à l’écriture ? Bien sûr que non.

En m’appuyant sur un revenu de base, j’aurais pu renforcer ce que j’avais de fort au lieu de m’épuiser en pure perte à essayer avec peine de me maintenir dans la médiocrité professionnelle, ce qui au bout du compte fut aussi préjudiciable pour moi que pour la société.

C’est pourquoi je suis persuadé que le revenu de base constituerait non seulement une réponse forte à l’urgence de la lutte contre la grande précarité mais encore une dynamique considérable pour la libération d’initiatives et de talents aujourd’hui complètement bridés par l’obsession paradoxale de s’intégrer, de se maintenir et de durer dans une organisation du travail et de l’emploi devenue une machine à exclure.

 

29 juillet 2014

Presse culturelle de grande diffusion : nous en rêvons, ils ne le font pas.

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Dans le numéro courant du 26 juillet au 1er août, une malheureuse page dont un quart est mangée par un graphisme noir et blanc n’affiche que trois critiques d’ouvrages, comme si l’édition avait du jour au lendemain suspendu toute activité, comme s’il n’existait plus un seul livre récent voire malencontreusement négligé durant l’année qui soit jugé digne d’être promu.

Le pire est que cette pénurie qui va durer toutes les vacances (au moment où le lectorat est éventuellement plus disponible, plus attentif à la lecture) va se terminer brutalement dès la rentrée avec l’avalanche des centaines de nouveautés qui vont de nouveau ensevelir les tables de libraires et de chroniqueurs débordés. La fin des restrictions de pagination ne changera rien à ce gâchis qui se traduira comme d’habitude par des centaines de livres morts nés et d’auteurs disqualifiés dès leur première publication sous prétexte qu’ils n’auront pas eu de presse.

Quant à la petite édition au milieu de ce maelström, n’en parlons même pas (ce à quoi s’appliquent d’ailleurs avec constance les médias et journalistes de la presse culturelle industrielle) dont Télérama et Le Monde font partie. Au Monde, puisque nous en parlons, le supplément Livres disparaît carrément pendant les vacances, laissant place à quelques colonnes de notes de lecture faméliques. En revanche, notons-le au passage, le cahier Économie / Entreprise arrive toujours à l’heure, les affaires continuent.

Si ce n’était pécher par naïveté, il serait utile de se demander pourquoi un magazine tel que Télérama et un quotidien tel que Le Monde ne pourraient pas profiter de la pause estivale pour ouvrir leurs pages à la petite édition, quitte à confier à des stagiaires la mission de présenter et de critiquer les ouvrages d’auteurs condamnés la plupart du temps à une visibilité nulle ou réduite parce qu’ils sont publiés en dehors des grands circuits de diffusion.

« Vous rêvez » m’a un jour répondu une sous-chef de service d’un grand magazine littéraire avec qui je discutais de ce sujet au téléphone. À cet argument définitif, je répondrai toujours de la même manière : c’est justement parce que nous rêvons en permanence de découvertes, nous autres lecteurs de littérature, que nous renouvelons nos abonnements à la presse culturelle et littéraire.

Si cette presse n’a plus ou ne se donne plus les moyens de contribuer à nourrir ce rêve sous prétexte qu’elle est tout entière occupée à servir la soupe (la soupe étant ce petit groupe d’auteurs hypermédiatisés qui reviennent à chaque rentrée avec la régularité du liseron après avoir laborieusement honoré leurs contrats), la tentation serait alors de plus en plus grande d’aller chercher — avec un non négligeable profit économique — sur internet ce que nous avons de plus en plus de mal à trouver dans la « presse papier » .

Rêver n’empêche nullement de faire parfois preuve de pragmatisme.

Photo : rubrique Livres de Télérama n° 3367 : trois ouvrages sélectionnés ! Pour mémoire, tirage du précédent n°: 611609. Parfois, les chiffres parlent !

26 juillet 2014

Robots rédacteurs : l'économie et le sport en première ligne ?

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J’ai en effet lu dans Le Monde que l’agence de presse américaine Associated Press utilise désormais le logiciel Automated Insights pour fournir des articles d’information économique. L’article du Monde nous apprend que la production automatisée de contenus est poétiquement appelée Science narrative et que, selon Kris Hammond, chercheur à l’université de Northwestern, d’ici à 2025, 90% des contenus accessibles au grand public seront produits par des robots écrivants. Je découvre aussi avec ravissement que l’agence Associated Press s’apprête à utiliser le logiciel Automated Insights pour ses articles de sport universitaire !

Je note au passage que les premiers contenus concernés par cette évolution technologique sont l’économie et le sport, ce qui n’a rien d’étonnant puisque, dans ces deux rubriques, le chiffre comptant plus que le sens, des algorithmes suffiront largement pour contribuer à l’élaboration d’un article automatique. 

Les occasions de rire étant rares en ce moment, je n’ai évidemment pas loupé celle-là, d’autant que, nous précise l’article du Monde, toujours selon le chercheur Kriss Hammond, ce phénomène se traduira par un accroissement gigantesque des contenus sur le Web. (!) On rejoint ici, toute proportion gardée, la situation de la poésie: de plus en plus de contenus, de moins en moins de lecteurs!

Blague à part, on constate aisément depuis longtemps, à la lecture des quotidiens régionaux, que des robots feraient tout aussi bien l’affaire que des journalistes pour se charger de distiller l’incessant radotage des locales avec leurs comptes-rendus d’assemblées générales qui arrivent pile aux mêmes dates chaque année, leurs inaugurations de chrysanthèmes, leur logorrhée sportive, bref, tout ce lamentable bavardage au service duquel une monstrueuse logistique est mobilisée au seul profit des épluchures et du feu dans la cheminée.

Reste à savoir, face à l’inflation prévisible de ces contenus automatiques, qui les lira. Des robots lecteurs ?