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02 février 2022

Carnet / Sous le noisetier (petit rituel)

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Les chatons du noisetier, chez moi.

 
J’ai la chance de vivre si près de la nature, autant dire dans la nature, qu’à peine levé, je peux sortir et marcher jusqu’au bout de la propriété, à cet endroit sous le crêt où un noisetier si vigoureux a profité de la faiblesse des vieux frênes pour s’imposer entre leurs troncs et franchir le muret en poussant quelques grosses pierres. Il lui a fallu quelques décennies pour arriver à ce résultat, ce qui lui donne cet air penché qu’ont souvent les gens têtus. Il a tellement grandi et grossi pour un noisetier qui ne monte jamais très haut que je peux aisément passer dessous sans me courber.
 
Avant la neige et la pluie de ces deux derniers jours, j’ai profité des fins de matinées sèches et lumineuses de la fin janvier pour me livrer à un de mes petits rituels.
 
Le noisetier est le premier arbre en fleur dont les fleurs mâles envoient d’immenses quantités de grains de pollen dès le mois de janvier dans ma campagne. Mon rituel se résume à donner une chiquenaude à ces fleurs minuscules agrégées en chatons allongés et verticaux, ce qui libère un petit nuage jaune comme le soufre. Ce geste me fortifie le moral parce qu’il me rapproche de ce qu’on appelle ici le premier printemps, celui qui verra ensuite éclore les autres chatons précoces, eux aussi poudrés comme des marquis, ceux du saule marsault à la mi-février ou début mars entre deux giboulées.
 
Dans mon enfance, ce rituel m’était interdit sous peine de me déclencher une de ces crises d’eczéma qui me transformait en une plaie ambulante. C’est la raison pour laquelle, sur le conseil de plusieurs médecins qui appliquaient à l’époque (les années soixante) le principe de précaution à titre individuel, je n’ai reçu aucun vaccin. En ces années, personne n’aurait songé à discuter, encore moins à contester leur décision dûment inscrite de leur pattes de mouches sur les certificats qu’ils établissaient.
 
Je les entendais à mon égard parler à mes parents d’hyper-immunité, de stimulation excessive de mon système immunitaire, de risque de choc mais je ne retenais de ces considérations que l’information la plus importante à mes yeux : pas de piqûre ! Chouette ! J’y gagnais aussi accessoirement de fréquentes dispenses de sport à l’école pour moi providentielles, quitte à prolonger moi-même, lorsque l’écriture à peine lisible des docteurs le permettait, les durées inscrites sur les précieux et incontestables certificats.
 
Comme ces médecins de famille l’avaient prévu, mon eczéma a complètement disparu lors de ma pré-adolescence pour ne jamais revenir, ce qui m’a en plus permis de faire peau neuve à l’âge où celle-ci, avant même la fin de la jeunesse, commence déjà à s’endurcir !
 

28 février 2014

Dans ma série Vive le sport :

Ici, le dessin de Georges Million

Et deux citations :

- Le sport, c'est la guerre sans les coups de feu.

- Le sport est une source inépuisable d'animosité.

— Georges Orwell —

 

01 novembre 2013

Du sport comme autisme : addenda

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Vive le sport, à bas le score ! (Albert Jacquard)

Le sport sans score, ça existe ? Oui, lorsqu'il s'agit de l'activité physique de ceux qui pratiquent tranquillement sans enquiquiner les autres, sans chercher à embrigader, à exercer un pouvoir. Personne ne songe à dénoncer ce sport-là.

Mais le fléau dont parle ce livre, je suis heureux de voir qu'un intellectuel courageux ose enfin s'y attaquer car il faut un certain courage pour s'en prendre à ce que l'auteur considère à juste titre comme un opium du peuple plus dangereux encore que ceux qu'on voit actuellement à l'oeuvre. Et le recours à la polémique me paraît tout à fait sain en l'occurrence. C'est radical ? Bien moins que la violence verbale assortie de menaces qui s'est par exemple abattue, lors d'une émission de télé, sur l'auteur d'un livre qui osait critiquer le rugby. Je crois que c'était dans l'émission Ce soir ou jamais rare rescapée du débat d'idée sur le petit écran. Il est vrai qu'en fait d'idées, l'auteur du livre contre le rugby s'est entendu traiter de « type qui a un problème » et à qui ses interlocuteurs ardents défenseur des « valeurs » du sport ont conseillé de « se faire soigner », « d'aller voir un psychiatre ». Cela ne vous rappelle rien ? Moi si : un système totalitaire. Et M. Perelman a bien raison d'employer ce mot à propos de cette catégorie de sport qu'il vise dans son livre, n'en déplaise à qui trouve cette polémique au ras du gazon. Moi je la trouve salutaire et j'espère que ce livre se vendra comme des petits pains ! J'espère aussi que l'auteur ne sera pas obligé d'engager un garde du corps car de la part des fanatiques des « valeurs du sport » , valeurs qui ne sont rien d'autre à mon sens que celles de l'embrigadement, du combat, et du décervelage, je m'attends à tout.

Du sport comme religion

Dans leurs vastes dérives respectives, je trouve que sport et religion ont beaucoup de points communs. Je serais tenté de dire moi aussi que le sport est une religion, mais alors dans le sens le plus archaïque du mot, car selon mon point de vue d’occidental agnostique de culture chrétienne, je ne peux me résoudre à peser sur une même balance ce qui puise dans nos mauvais instincts et ce qui cherche à les dépasser (avec souvent, c’est évident, notamment dans les intégrismes de tous bords, des résultats opposés au but recherché).

« Ce qui n’a rien à voir avec le sport »

Qu'est-ce donc, « ce qui n'a rien à voir avec le sport » ?
La folie furieuse des stades, ces nouveaux temples : rien à voir avec le sport ?
La référence obsessionnelle au lexique sportif dans le champ de toutes les disciplines : rien à voir avec le sport ? (Un exemple, ces questions posées cette année aux candidats au concours d’orthophonie : « combien de joueurs dans une équipe de rugby ? » et « entre un terrain de basket et de volley, lequel a la plus petite surface ? » Détail édifiant, ces questions s’inscrivaient à la rubrique Culture générale !

L’allégeance de tout dirigeant politique au ballon : rien à voir avec le sport ?
À mon niveau très local, un ami cadre supérieur dans une entreprise m’a confié, un peu embarrassé, qu’il lui était fortement conseillé pour son avancement de se montrer de temps en temps dans les tribunes du stade : rien à voir avec le sport ?

Autre exemple (je peux en fournir des pages et des pages, tous tirés de mon quotidien le plus banal) datant de l’époque où ma fille était lycéenne ; je me suis bagarré sans succès avec l’administration du lycée pour la faire changer de classe afin qu’elle puisse trouver un horaire adapté à sa pratique musicale. Refus catégorique du proviseur adjoint qui m’a quand même avoué avec un sourire gêné que les demandes du même ordre émanant de parents d’enfants inscrits à des clubs sportifs avaient quant à elles été acceptées : rien à voir avec le sport ? allons donc ! Le sport est tout cela et depuis toujours, à quelque niveau qu’il se pratique.

Un dernier pour la route : Madame, vous êtes mutée dans une bourgade où l’équipe de ballon est soumise à l’obligation de résultat ? Logement garanti et boulot assuré pour Monsieur si les week-ends passés à courir après la baballe dans la boue ne le rebutent pas: rien à voir avec le sport ?

Allez, la der des ders : j’ai dans mes campagnes un homonyme tapeur de ballon que je n’ai jamais rencontré (normal, on ne vit pas sur la même planète !). Il fut un temps où, quand la maréchaussée me contrôlait sur la route, j’avais droit à une question attendrie  accompagnée d'une subite bienveillance : vous êtes parent avec le joueur ? Alors moi : pour sûr, c’est mon cousin germain !
Mais cette anecdote n’a bien sûr rien à voir avec le sport...